Après les cannibales, passant devant la ménagerie de Stéphane Thidet (qui, dans le passé, a fait mieux), on arrive (à la Maison Rouge jusqu’au 15 mai) dans un parcours monumental sous une voûte sombre comme un cauchemar et légère comme un rêve, faite de fils noirs tendus comme une toile d’araignée dans laquelle on craint de se faire prendre, plein d’appréhension au moment d’y pénétrer (”After the Dream”). Ces volumes mathématiques virtuels à la Poincaré, ces ancrages et ces envols, ces murs faits de vent mais impénétrables, constituent la trame d’un parcours circulaire étrange, oppressant et fascinant à la fois. Y flottent cinq robes blanches, cinq fantômes empesés de peinture, cinq désirs fantasmés, cinq sirènes tentatrices : pour venir les caresser, on franchirait le mur de fils, on s’étranglerait dans les noeuds, on s’engluerait dans la toile piège. Ce que les fils dessinent comme des traits de fusain, ce que les robes fantômes révèlent comme dans un bac photographique, c’est un souvenir vague, imperceptible, à demi perdu, rêvé peut-être, oublié sans doute. “Home of memory” est le titre que Chiharu Shiota a donné à l’exposition.
Ces deux grandes installations sont splendides, poignantes, mystérieuses, incitatrices; vous en rêverez plus après votre visite que des cannibales, je crois, car elles sont déjà du domaine du rêve.
Photos 1&3 par Marc Domange, courtoisie de la Maison Rouge; photos 2&4 de l’auteur. Chiharu Shiota étant représentée par l’ADAGP, les photos de ses oeuvres seront ôtées du blog à la fin de l’exposition.