Magazine Humeur
Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Et c’est reparti, encore du poulet de presse !" height="409" width="458" alt="" class="aligncenter size-full wp-image-1529" />Le Figaro, n°20.692 (11/02/2011) : La dernière fois, si vous vous en souvenez, j’avais littéralement démoli Le Télégramme de Brest, l’accusant de connivence ouverte avec l’État UMP. Cette accusation n’était pas injustifiée, loin s’en faut, mais malgré ça, Le Télégramme reste un journal plus indépendant que Le Figaro. Le Télégramme, en effet, ce même 11 février, avait au moins pris la peine de consacrer sa « une » à la démission de Moubarak, Le Figaro même pas ! La priorité pour le quotidien du groupe Dassault était l’intervention de Sarkozy sur TF1 qui avait elle aussi eu lieu la veille. Quand on lit le titre, « Sarkozy : le président protecteur », on comprend d’entrée de jeu que le journal a privilégié l’éloge flatteur plutôt que la liberté de blâmer… Qui plus est, en sous-titre, une contre-vérité est énoncée : « Le chef de l’État était hier soir l’invité de l’émission « Paroles de Français » sur TF1 ». Pour que cette phrase soit vraie, il aurait fallu que d’autres personnalités politiques que Sarkozy aient été elles aussi confrontées à un panel de Français dans le cadre de cette émission, ce qui n’est pas le cas. Sarkozy n’est pas l’ « invité » de « Paroles de Français », il en est l’attraction permanente. Manifestement, Le Figaro cherche à atténuer l’incongruité que constitue cette émission puisqu’il n’y aucun autre pays d’Europe occidentale où une chaîne de télévision gratuite et généraliste accorde au chef de l’État une émission de ce genre. Que dire des articles commentant cette intervention ? Pas grand’ chose si ce n’est qu’ils donnent l’impression d’avoir affaire plutôt à l’œuvre de l’historiographe officiel de notre Nabot-léon national plutôt qu’à un vrai travail de journaliste ; les gratte-papier du quotidien essaient bien d’atténuer ce qui pourrait ressembler à de l’éloge en rappelant systématiquement que les propos de Sarkozy n’engagent que ce dernier, mais le naturel reprend vite le dessus, témoin la fin de l’article de Charles Jaigu : « le chef de l’État l’a répété, il ne cherche pas à « être de droite ou de gauche » mais privilégie ce qui est « juste ». Déterminé à être aussi rassembleur que possible. » Énoncé ainsi, si ce n’est pas une marque d’adhésion sans réserve aux propos du président, ça y ressemble quand même beaucoup. Je ne m’attendais pas à une critique, mais au moins à une analyse de fond sur ce qu’a annoncé Sarkozy et je suis étonné par la superficialité des journalistes du Figaro qui se contentent de relayer ces annonces sans même avoir l’air de chercher à les comprendre. Ainsi, ce même Charles Jaigu cite Nicoléon disant « je ne peux pas donner de l’argent que je n’ai pas » et ne se pose même pas la question du bien-fondé de cette affirmation passablement indécente quand on sait que Sarkozy a utilisé les deniers de l’État pour installer deux salles de bains dans l’avion présidentiel… J’espère qu’ils n’ont pas travaillé ainsi à l’épreuve de philo du bac, sinon ils n’ont pas dû avoir une très bonne note ! Signalons enfin que la « une » annonce que le journal allait revenir sur trois thèmes : « emploi, justice, sécurité ». Pour les deux derniers, pas de problème, ils sont traités (à la manière du Figaro, bien sûr) dès la page 2, mais pour l’emploi, il faut attendre la page 15 et l’éditorial de Mougeotte dont je me garderai de faire une critique par pure bonté d’âme. C’est pas pour dire, mais vive l’invention des médiathèques, grâce à laquelle j’ai pu me procurer ce journal sans avoir à dépenser 4,50 € !Etienne MougeotteOuest France, n°20.222 (25/02/2011) : Je n’ai jamais participé aux soirées étudiantes, mais jamais je n’ai jugé que l’on devait empêcher qui que ce soit d’en organiser ou d’y participer ; les gens ont bien le droit de s’amuser. Par définition, la fête échappe au contrôle, les conventions sociales qui balisent le quotidien sont mises de côté l’espace d’une soirée, justement pour rendre ce cadre plus supportable. Dès lors, quand j’ai vu que Ouest France annonçait « Les soirées étudiantes seront plus encadrées », j’avoue que j’ai été sceptique. De quoi s’agit-il ? Notre sinistre de l’enseignement supérieur, la jolie Walkyrie Traîtresse, s’est donné pour objectif de « lutter contre l’alcoolisation massive, les bizutages qui dérapent et alerter les jeunes sur les conséquences de tels comportements ». C’est bien gentil, mais si la loi pouvait avoir efficacement raison des traditions débiles, ça se saurait, et l’article rappelle que « la loi du 17 juin 1988 fixe déjà clairement les choses » sans que cela empêche les étudiants vétérans, sous prétexte d’intégration, d’obliger les « bleus » à faire des choses idiotes, inutiles et dégradantes. Pour ma part, je n’ai jamais été bizuté et je m’en réjouis : obtenir un place dans un établissement d’enseignement supérieur est parfois compliqué, je ne vois pas l’utilité d’en rajouter avec des épreuves potaches et stupides. Seulement voilà, une fois qu’un étudiant aura été soumis à ce genre de traitement, comment voudrez-vous l’empêcher de prendre sa revanche un jour ou l’autre ? Si on veut vraiment lutter efficacement contre le bizutage, il faudrait peut-être installer une cellule psychologique pour les étudiants humiliés afin de leur ôter l’envie de se venger. Un autre problème est celui de l’alcool : « sans surprises, l’alcool y tient une place prépondérante » ; j’apprécie le « sans surprises » ! Tous les étudiants boivent comme des trous, en quelque sorte ? Bon d’accord, « 60% des jeunes de 17 ans déclarent avoir déjà été ivres au moins une fois », mais ce n’est pas représentatif : il est encore rare qu’à 17 ans, on soit déjà étudiant ! Et avoir été ivre au moins une fois ne signifie pas être alcoolique. Bien sûr, « 9% reconnaissent l’avoir été au moins dix fois dans les six derniers mois », mais il faudrait s’entendre sur ce qu’on entend par « ivre » : certaines personnes tiennent moins bien l’alcool que les autres et sont ivres après n’avoir bu que quelques verres. Beaucoup de fantasmes se greffent sur ces soirées étudiantes, mais j’ai du mal à croire que les bacchanales qu’on nous dépeint soient à ce point monnaie courante, du moins ce n’est pas l’impression que me donnent mes collègues. De toute façon, qu’est-ce qu’elle propose pour lutter contre ça, notre Barbie ministre de l’enseignement supérieur ? L’obligation de déclarer à la mairie ou à la préfecture un évènement festif, des contrôles pour éviter que des marques d’alcool distribuent gratuitement les boissons, des modules d’enseignements… J’appelle ça des mesures « pot de fleurs », destinées simplement à faire joli dans le paysage en donnant l’impression qu’on s’occupe de problèmes qui n’existent pas vraiment. En même temps, avec une ministre « pot de fleurs », il fallait s’y attendre !Dessin réalisé après les dernières élections régionales - cliquez pour avoir un agrandissement.TV magazine (27/02/2011) : Passons rapidement sur le programme télé vendu comme supplément au quotidien Ouest France : ce qui a retenu mon attention, ce n’est pas l’interview putassière de Delarue mais plutôt celle de Guy Roux ou, plus exactement, la rubrique dans le cadre de laquelle cette interview a été menée. En effet, chaque semaine, TV magazine interviewe une personnalité sur ce qu’elle regarde à la télévision, et comme cette personne est connue, c’est censé être intéressant. Faut-il vraiment un commentaire ?Courrier international, n°1058 (10/02/2011) : « Il n’y a pas de zoologie des peuples » disait Husserl à l’ouverture d’une conférence en 1932 ; affirmer ceci dans l’Allemagne de cette époque n’était évidemment pas innocent. Le contexte n’est pas du tout le même, mais la phrase de Husserl résume ce qui ressort grosso modo des articles repris par cette édition du Courrier sur le « printemps » arabe. On a longtemps cru (ou voulu croire) que l’autoritarisme était la seule forme de gouvernement compatible avec la culture arabo-musulmane : la chute de Ben Ali et les troubles en Égypte (le 10 février, jour de parution d ce numéro, Moubarak n’avait pas encore démissionné) au Yémen et en Algérie sont venus à bout de cette idée fumeuse. Khaled Hroub, du quotidien panarabe Al-Hayat en finit avec cette idée néo-colonialiste qui a trouvé un soutien indirect dans la peur qu’un régime plus libéral serait plus faible face à Israël, oubliant que l’État hébreu, tout en ayant une organisation démocratique et pluraliste, à plusieurs fois vaincu les armées arabes… Fadi Azzam, de Al-Quds Al-Arabi, m’a fait rire en évoquant la chaîné saoudienne Al-Arabiya qui pérorait à n’en plus finir que l’ordre régnait au Caire alors que la contestation n’en finissait pas de gagner en intensité et en violence ! On en arrivait à cette situation surréaliste, que je n’aurais même pas osé représenter dans un dessin, où la télévision saoudienne annonçait à l’Égyptien moyen que « tout va bien au Caire » alors que ce même Égyptien pouvait voir la guerre civile en bas de chez lui ! Signalons ensuite une synthèse et une analyse : la synthèse, c’est celle de Kamel Daoud qui nous livre le « squelette » du semblant de vie politique caractérisant les dictatures arabes. De fait, les situations de ces régimes despotiques se ressemblent toutes entre elles, légitimant Daoud à dire que « ce sont toujours et toujours les mêmes rôles ». L’analyse, ce sont les trois pages précisant, avec un article par pays, la situation de chacun des États du Maghreb et du Moyen-Orient : voilà qui est bien utile, tant notre manie de tout globaliser nous fait oublier que la communauté de langue et de religion ne coïncide pas avec une communauté de problématique sociopolitique. Terminons avec l’écrivain israélien Yitzhak Laor qui déplore, dans Ha’Aretz, que son pays n’envisage les changements en Tunisie et en Égypte qu’à l’aune de sa propre sécurité et rappelle une chose essentielle : « nous, Israéliens, n’avons rien à voir avec tout cela. Et, face au courage du peuple égyptien, nous ferions du peuple égyptien, nous ferons mieux de nous incliner en signe d’humilité. » Quelqu’un pourrait-il m’expliquer pourquoi j’ai l’impression que cette dernière phrase pourrait aussi être adressée aux Français ?Avant-première, n°54 (janvier 2011) : Je ne sais absolument pas comment j’ai fait mon compte pour recevoir dans ma boîte aux lettres ce « magazine gratuit », en fait une plaquette publicitaire par laquelle le groupe Média Participations, qui possède les maisons Dupuis, Dargaud et Le Lombard, fait la promotion des albums de bande dessinée qu’il édite. Peut-être avais-je répondu à un des questionnaires qu’ils glissent dans leurs albums ; cela expliquerait pourquoi ils ont mon adresse. Enfin bon, ce n’est pas la forme de publicité la plus brutale qui soit. Parmi ce qu’ils proposent dans ce numéro, est le plus à même de m’attirer le deuxième tome des aventures de Philip et Francis, la parodie de Blake et Mortimer par Barral et Veys, par penchant personnel pour la dérision. Le reste ? Je ne dis pas que c’est mauvais, je dis juste que c’est moins mon truc. Enfin, il en faut bien pour tous les goûts, non ?Puisqu'on parle de B.D. Psikopat, n°229 (mars 2011) : Puisqu’on parle de B.D. d’humour : dans son « Zlata », Carali parle de sa jeunesse en Égypte, décrivant l’ambiance « totalement paranoïaque » qui caractérise, peu ou prou, tout régime autoritaire. Et oui, une dictature, ce n’est pas simplement un régime qui vous laisse la vie sauve si vous la fermez, c’est une structure dans laquelle vous n’êtes de toute façon jamais tranquille puisque le pouvoir veut tout contrôler, croyant dur comme fer au mensonge de l’homogénéité absolue de la société : « nos parents nous mettaient en garde de ne jamais parler politique, religion, sexe et autres sujets intimes et familiaux avec des inconnus. Sujets tabous ! » Essayez de compter le nombre de fois où vous avez discuté de ces choses-là en France avec des gens que vous ne connaissez qu’à peine, dans la rue, au bistrot, dans le bus ou sur Internet, et vous vous ferez une idée de ce que peut représenter le poids d’un interdit frappant de tels sujets de conversation. On ne peut pas vivre normalement quand on vit en dictature. Sinon, Psiko consacre son grand dossier du mois aux « médecines parallèles », ces pseudo-thérapies destinées, premièrement aux gogos dont l’inquiétude (légitime en tant que telle) suscitée par les dérives de la médecine traditionnelle et des labos pharmaceutiques est exacerbée au point de refuser jusqu’à une aspirine, deuxièmement aux bobos qui trouvent snob ou esthétique de se soigner autrement que la canaille bénéficiant de la CMU, troisièmement aux zozos préférant « laisser leur corps se guérir tout seul » et éviter « l’agression chimique » et autres âneries de néo-babas-cools qui ont mal assimilé le contenu des cours publics de biologie dispensés dans les ateliers des forums altermondialistes. Tout cela fait quand même pas mal de gens, preuve que le sujet traité n’est pas si consensuel qu’il en a l’air… Je n’en dirai pas plus, ce mensuel mérite suffisamment le détour pour que vous alliez voir par vous-mêmes.Fluide glacial, n°417 (mars 2011) : Plusieurs choses méritent d’être signalées dans le dernier opus du magazine d’umour et bandessinées : tout d’abord, l’édito de Gaudelette signalant que L’humanité dimanche a publié les meilleures pages de la bande dessinée d’Isa tirant à boulets rouges sur la patronne du Medef, La vie sentimentale de Laurence P. Manifestement, les camarades journalistes ont gardé un bon souvenir du passage de l’équipe de Fluide dans leurs murs à l’occasion de la dernière fête de l’Huma. Remarquez, il est vrai que même sans ça, cette B.D. est vraiment très bonne, un brulot anticapitaliste et anti-néo-conservateur bien senti, servi par le génie de la dessinatrice : reste à savoir si ça suffira pour relancer les ventes de L’humanité… Deuxièmement, le dessinateur Coyote (Litteul Kévin et Les voisins du 109) a profité du festival d’Angoulème pour faire un petit coucou à l’équipe de Fluide qu’il a quittée il y a six ans ; il y en a une trace dans les marges de la gazette où son alter ego de papier se réjouit de revoir ses copains « Moerell, Delpierre, Maëster », le gag étant dans le fait que le premier est mort depuis neuf ans, que le second n’est plus rédacteur en chef de Fluide depuis dix ans et que le troisième dessine depuis six ans dans L’écho des savanes… Et oui, les temps changent ! Troisièmement, Romain Dutreix continue à parodier les grands mythes de la B.D. : après les schtroumpfs, Boule et Bill et Blake et Mortimer, il s’en prend maintenant aux super-héros en imaginant que le premier super-héros à avoir été créé n’était pas Superman mais Super-Bourbon, créé en 1848, défenseur de la monarchie de Louis-Philippe Ier… Notez, Dutreix ne nous livre pas cette parodie en vrac et la présente avec une petite introduction assurée par un célèbre érudit de la B.D., l’oncle Paul. J’imagine aisément Tintot, le rédacteur en chef de Fluide, téléphoner au dessinateur et lui parler ainsi : « Dis donc, Romain, j’la sens qu’à moitié, ta B.D., tu devrais peut-être rajouter une page pour expliquer le contexte ; tous nos lecteurs connaissent pas forcément l’histoire et la géographie ». Il se peut que je me trompe, Dutreix a peut-être fait cette page de sa propre initiative ; toujours est-il que l’oncle Paul est le premier personnage de « l’âge d’or » de la B.D. que Dutreix ne malmène pas. Respect ? Quatrièmement, nous avons une nouvelle B.D. d’Al Coutelis dont j’adore le style graphique même si je ne comprends pas tout ce qu’il veut dire : sa comparaison entre le polar d’autrefois et celui d’aujourd’hui m’est un peu obscure, mais c’est peut-être faute de références personnelles vu que le polar, ce n’est pas mon truc. Cinquièmement, nous en voilà au troisième épisode de Amour, passion et CX diesel, la B.D. de James, Fabcaro et BenGrrr parodiant les feuilletons débiles de la télé ; l’honnêteté me force à admettre que cette série commence déjà à me lasser un peu, malgré les trouvailles langagières des auteurs : le ton trop ouvertement parodique, qui fait que l’on se demande parfois si les auteurs persistent dans la moquerie ou s’ils se complaisent dans la niaiserie de ce style de feuilleton, y est peut-être pour quelque chose. Sixièmement, Léandri énumère les différents procédés d’images en relief, dont les stéréogrammes, et il illustre son paragraphe avec un exemple concret qui m’agace puisque je n’arrive pas à voir ce que c’est. Il faut dire que je n’ose pas regarder quelque chose en gardant les yeux dans le vague : dès que je suis sur le point d’arriver à distinguer l’objet, j’arrête, par peur de devenir aveugle ! Si je ne suis pas seul dans ce cas-là, ça peut expliquer en partie pourquoi ce procédé a été abandonné. Septièmement, enfin, Fluide nous repasse quatre pages de Berbérian (sans Dupuy) qui avaient déjà été publiées dans l’éphémère mensuel Cargo zone fondé par Coutelis : elles font partie d’une série sur la musique maintenant disponible en librairie avec la sortie de l’album Juke Box. C’est de la bande dessinée de qualité, certes, mais ce n’est pas vraiment drôle : dans Fluide, ça jure un petit peu. Enfin, ce que j’en dis, moi… Allez, kenavo !Ce dessin n'a rien à voir avec l'article, mais il me plaît, alors je vous le mets.