C’est donc avec la Lybie et plus précisément avec le Colonel Kadhafi que nous atteignons le plus « dur » à l’occasion des diverses révolutions sur cette rive de la Méditerranée. Il était évident que lorsque les dictateurs n’osaient plus faire usage du tir sur des civils en révolte, leurs jours étaient comptés. Ali, Moubarak, sans doute plus « amollis » par les années et les richesses pillées aux peuples, lachés par les armées et sans doute également moins résolus n’ont pas fait « long feu ». Les choses ne sont certes pas réglées en Tunisie et en Égypte, mais les potentats sont au rencard ou en fuite.
La férocité et la « folie » sont des conditions essentielles pour espérer encore la victoire d’un maintien et jouer la partie jusqu’au bout. Avec Kadhafi, la communauté internationale est donc confrontée à une toute autre logique qu’en Egypte et en Tunisie, à un spécimen très différent.
Le colonel est peut-être « fou » mais il conserve un certain don de la manipulation internationale. En déclenchant hier, à la fois une opération militaire en direction des villes rebelles et une opération médiatique à Tripoli, il se donne un « coup d’avance » rendant le positionnement « occidental » de plus en plus délicat : une patate chaude. Il promet un nouveau Viet Nam en direction des américains qui voguent sur le canal de Suez ; il augmente la mise !
Un espoir demeure cependant, ténu mais possible : que le potentat Lybien ne soit pas finalement aussi fou que cela; qu’il comprenne ou qu’on lui fasse comprendre, qu’il peut disposer d’une porte de sortie. Il est possible, pourquoi pas lui, de le laisser partir aussi, comme les autres ! Et il dispose d’appuis – en Amérique latine et en Afrique – qui pourraient l’accueillir. Encore faudrait-il baisser un peu le ton et agir en coulisses et calmement.
Ainsi donc, les Occidentaux découvrent que Kadhafi est un “dictateur”, un “fou”, un “dingue”, un “psychopathe”… Que sais-je encore ? Les excès de langage ne sont sans doute pas les meilleurs armes actuellement.
Ce qui surprendra toujours beaucoup c’est un « Occident » découvrant tardivement que tel ou tel est finalement un dictateur. Tout le monde s’en donne ensuite à cœur joie mais avec retard et dans des difficultés d’autant plus grandes que l’aveuglement a duré plus longtemps. C’est alors la diarrhée verbale à l’encontre de celui que l’on recevait en grande pompe il y a peu. Ce faisant, cette sollicitude imméritée à l’égard du dictateur triomphant, rend l’action encore plus délicate vis-à-vis des peuples lors de sa déroute.
Il ne peut être question ici de rejoindre la cohorte de ceux qui, aujourd’hui, deviennent des donneurs de leçons. Ils oublient un peu trop vite qu’ils ont, en un temps pas si éloigné, participé peu ou prou aux même louanges et soutiens imméritées. Ces mêmes personnages, par leurs beuglements irraisonnés, rendent encore plus difficile la mise en oeuvre de solutions négociées et la recherche de portes de sortie acceptables. Mais il s’agit de reconnaître que l’Histoire sait se venger quand les responsables oublient de lire les notes des ambassades et surtout perdent le flair des peuples, ne savent plus « humer ». Cette simple précaution, cette discipline, pourrait à tout le moins, sans éviter les soutiens erronés, laisser plus de place à une anticipation bénéfique. Tout simplement, certains devraient s’abonner à Wikileaks …