D'aucuns auraient opté pour une solution de facilité, du type petite comédie contemporaine sympathique et efficace. En ce qui le concerne, Romain Duris a fait le choix, pour ses débuts sur les planches, du monologue pour le moins ardu de Bernard-Marie Koltès, "La Nuit Juste Avant Les Forêts". Un choix qui lui permet, remarquablement dirigé par Patrice Chéreau, de confirmer un talent certain, en direct chaque soir face à 600 personnes, sans faire appel à la magie du montage. Une expérience pas toujours couronnée de succès pour les stars de cinéma qui l'ont tentée...
Incarnant un individu semblable à un SDF, en tous les cas clairement abîmé, épuisé, cassé par la vie, tant physiquement que moralement, venant de se faire tabasser dans le métro, Romain Duris interpelle hors scène un personnage (dont on ignore l'identité tout du long de la pièce) qu'il tente de retenir coûte que coûte par un monologue qui ne prendra fin qu'avec son dernier souffle. Une heure quarante d'un souffle ultime durant lequel tout ce qui constitue, construit, maintient en vie, ou ou peut anéantir un homme dans notre société est évoqué. Amour, travail, dignité, politique, sexualité, rêve de posséder un chez-soi... Tout y passe.
La densité et parfois l'opacité du propos sont telles que les talents réunis de Chéreau et Duris ne font pas toujours l'entière lumière sur le très beau texte de Koltès. Et malgré la subtilité du travail de chacun, certains passages restent abscons. Difficile d'en donner les raisons, car tout n'est que précision et sincérité dans le jeu, rigueur dans la direction d'acteur, sobriété, intelligence... Peut-être une linéarité de l'ensemble qui aurait tendance à endormir notre attention.
Pour faire entendre au mieux Koltès, il faut selon moi se montrer magistral. Le travail présenté ici n'est "que" remarquable... Il mérite bien évidemment toute notre attention et notre admiration.
A voir.
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