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Russell Crowe chez Howard, Hilary Swank chez Eastwood, De Niro chez Scorcese : la figure du boxeur hante le grand écran, souvent synonyme de chute, en quête de reconnaissance, avide de liberté. La violence du sport, les parallèles entre les coups pris sur le ring et ceux assénés par une vie difficile, le dépassement de soi qu’ils peuvent trouver dans le combat sont autant de thématiques que l’on retrouve ici chez O. Russell (Les Rois du désert, J’adore Huckabees) dans ce Fighter en demi-teinte, d’abord sombre, puis lumineux. L’intérêt de ce biopic soigné, qui restitue admirablement bien l’atmosphère des années 80, réside principalement dans son casting haut de gamme : d’un côté l’apathie de Mark Walhberg sied parfaitement à la confusion identitaire du boxeur Micky Ward, de l’autre la folie de Bale (couronné aux Oscars pour ce rôle) trouve un terreau parfait dans celui de Dicky Eklund, frère junkie tiraillé entre jalousie, réussite par procuration, fierté familiale. Au milieu, beaucoup de femmes aux caractères nuancés et intéressants: une mère castratrice (l’oscarisée Melissa Leo, intense), des personnages de sœur toxiques, tirant le héros vers le bas, une petite-amie (Amy Adams, juste et convaincante) aux desseins inverses, qui révèle et réveille chez le jeune homme soumis, un monstre au grand cœur- tendre combattant qui atteint la réussite en se débarrassant de ses fardeaux. Soit cette famille envahissante, ce contexte social peu reluisant, cette pauvreté latente- spectre qui aspire les rêves et les espoirs de réussite. Ce portrait là, cette étude psychologique, O. Russell la maîtrise parfaitement. Il tire le meilleur de ses protagonistes et de ses acteurs, impressionne dans sa manière intelligente d’exp(l)oser le foyer, tout à la fois comme moteur et frein, poison et besoin. Avant de se tirer une balle dans le pied en regagnant des chemins plus confortables et conventionnels où il abandonne tout regard critique pour caresser tout le monde dans le sens du poil (le drogué qui devient clean, le timide qui s’émancipe, les tensions qui s’évaporent par magie), The Fighter promettait du drame, de la chair et des tripes. Il préfèrera finalement les violons aux armes, les sourires aux larmes, et l’amour aux déchirures, en anti Million Dollar Baby, branché sur le mode (discutable) du tout est bien qui finit bien. Un virage décevant, ou comment transformer un volcan bouillonnant en sirop douceâtre.
Sortie France: 9 mars 2011.