«Le clivage droite/gauche est moribond !» C'est du moins ce qu'affirme Nicolas Dupont-Aignan. Persuadé du contraire, je lui ai proposé de dialoguer sur le sujet.
Même si certains sujets ont pu ou feront l'unanimité chez les français, que ce soit par idéologie ou sympathie, il existe et existera toujours, à mon sens, un clivage profond entre les sympathisants de gauche et de droite.
Les tentatives opportunistes des centristes tels Giscard d'Estaing qui expliquait que : « La France qui aspirait à être gouvernée au centre» ou de François Bayrou « qui préconisait l’installation au pouvoir d’une coalition « allant du centre-droit au centre gauche (...) » - 20 Minutes ... Semblent bien vouées à l'échec.
Résultat : Ce sont surtout les candidats des partis extrèmes, refusant toute alliance, qui attirent le plus les électeurs. Jusqu'à, pourquoi pas, provoquer des surprises, lors du premier tour de la présidentielle de 2012 ?
Néanmoins, Nicolas Dupont-Aignan dont le parcours politique passe par le RPR, le Rassemblement pour la France de Charles Pasqua puis l'UMP, qu'il a quitté le 13 janvier 2007, pour se consacrer à son mouvement «Debout la République», continue de penser que les valeurs du gaullisme, appliquées au XXI eme siècle, pourraient réunir à nouveau tous les français.
C'est autour de ces remarques, réflexions, différences de parcours et d'idées que nous avons dialogué sur la fin ... ou non du clivage droite/gauche.
Slovar : «Le souverainisme transcende le clivage gauche-droite» lit-on sur un blog gaulliste. N'est ce pas le seul point qui puisse vous rapprocher des gens de gauche, à défaut de les fédérer ?
NDA : Souvenez-vous de la magnifique phrase de Charles de Gaulle : «je n'aime pas les socialistes parce qu'ils ne sont pas socialistes. Je n'aime pas les miens parce qu'ils aiment trop l'argent». C'est exactement le sentiment qui m'anime aujourd'hui. Une fois n'est pas coutume, l'analyse du Général est intensément moderne.
Il est évident que l'amour de notre pays, la défense de l'intérêt général (avant les intérêts extérieurs) et le combat pour la liberté des français sont autant de points que je peux partager avec des gens qui se réclament de la gauche.
Aujourd'hui notamment, la critique de l'Union Européenne comme une construction illégitime depuis le viol du référendum de 2005, véritable cheval de Troie de la gouvernance globale et d'une mondialisation inhumaine, dépasse le clivage traditionnel droite gauche.
Slovar : A part le grand saut de quelques éphémères ministres «d'ouverture» et quelques socialistes en mal de notoriété (Manuel Valls ou Gérard Collomb) qu'est ce qui vous permet de d'affirmer la fin du clivage ?
NDA : L'ouverture façon Nicolas Sarkozy, c'est une preuve supplémentaire de la convergence entre l'UMP et le PS sur les questions fondamentales. Comme le disait celui dont j'étais le compagnon de route Philippe Séguin, les deux (PS et UMP) ne sont rien d'autres que des détaillants qui s'approvisionnent chez le même grossiste. Ce grossiste, c'est la pensée unique mondialisée.
Je vous rappelle que le PS a lui aussi trahi le peuple français en votant le traité de Lisbonne dans le dos du peuple français ! En fait, le clivage est tombé ce jour-là. Plus récemment, PS et UMP ont voté à main levée, une nuit à l'Assemblée, le plan de "sauvetage" de la Grèce qui ne sauve en fait que les banques et plonge le peuple grec dans la récession et la misère (baisse du salaire minimum, rigueur, etc.).
Aujourd'hui, le vrai clivage est donc entre les mondialistes (superbement incarnées à gauche par DSK) et les patriotes, c'est-à-dire tous ceux qui sont attachés à l'Etat-nation, cadre de la démocratie et garant de la liberté des peuples.
Slovar : Vous vous revendiquez comme l'héritier du gaullisme. De Gaulle qui proposait la participation des salariés aux bénéfices des entreprises et affirmait que «la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille». Que ferait l'héritier du gaullisme, une fois président de la République, face à un MEDEF qui refuse toute ouverture de dialogue ou d'amélioration des conditions salariales ou de travail ?
NDA : Justement, il faut que le politique reprenne le pouvoir sur l'économique ! Vous verrez dans mon programme présidentiel pour 2012 (à venir NDR ) que cela se traduit par de nombreuses mesures concrètes, allant de la défense de l'exception agricole à l'OMC pour l'agriculture française à la nationalisation d'une banque en France.
En fait, toute action politique devrait tendre à favoriser l'économie réelle et l'emploi sur nos territoires. Or, nous sommes dans un système totalement fou où le financier l'a emporté sur l'économique ! L'euro en est le meilleur exemple : c'est une monnaie génétiquement conçue contre les peuples au service des banquiers, instrument d'une oligarchie mondialiste qui cherche à imposer son pouvoir contre les démocraties nationales.
Les élites françaises auront donc même été jusqu'à sacrifier l'Europe sur l'autel d'une monnaie destructrice d'emplois (mais au service de la finance). C'est dire si le politique doit impérativement reprendre le pouvoir !
Slovar : A première vue, votre «projet politique» disponible sur votre site ressemble à une compilation des meilleures propositions ... des autres parts politiques !
En autre : Protectionnisme économique - Sortie de l'Euro- Energies vertes - Baisse des charges sociales - participation des salariés - Taxe Tobin - Rétablissement des frontières.
C'est vrai qu'on peut y retrouver quelques idées de gauche, mais dans vos «101 propositions" du 6 octobre 2009 - Chapitre «Rebâtir l’école du mérite» vous proposez, comme l'UMP de : « Conditionner le versement des allocations familiales à l’assiduité scolaire, ainsi que l’accès au statut d’étudiant à un suivi réel du cursus universitaire » n'est ce pas justement une différence forte, un clivage avec la gauche ?
NDA : Celà sera encore mieux précisé dans notre projet pour 2012, mais si la gauche c'est «aucune répression sous prétexte que seule la prévention est efficace», alors oui, c'est un vrai clivage. Mais je ne crois pas que la répression soit exclusive de toute prévention ! Bien au contraire... Chacune se renforce de l'autre. Chacune est la condition nécessaire de l'autre.
Si vous regardez bien, sur de nombreux sujets, comme la participation par exemple, je suis plus à gauche que le PS. Quand on voit que François Hollande semble considérer la nationalisation d'une banque comme un crime.... C'est au contraire une mesure de salut public.
Slovar : A la proposition 35 du même chapitre, vous proposez de : «Créer dans le cycle secondaire des classes d’excellence où seront admis les élèves les plus méritants» Est ce bien le rôle de la République de créer des «ghettos» d'intelligence ? et un nouveau clivage avec la gauche ?
NDA : J'explique dans mon discours de la convention nationale pour l'école républicaine (6 février 2011) justement l'exact contraire. La question est à contre sens, j'ai affiné ma réflexion sur le sujet (ce n'est pas votre faute) : en fait, ce sont tous les lycées de la République qui doivent être des lycées d'excellence. Ce que vous décrivez est effectivement un formidable aveu d'échec.
Slovar : Dont acte ! Pour en revenir à votre «projet politique», on peut y lire dans : «Redonner aux français le goût de vivre ensemble» la proposition suivante : «En conditionnant l’aide au développement pour les pays pauvres au contrôle de leurs frontières et en limitant l’octroi des prestations sociales sur notre territoire» N'y voyez-vous pas une divergence majeure avec la gauche ?
NDA : Il existe en effet une gauche «internationaliste» qui est en pratique l'idiote utile du MEDEF. Car avec une idéologie sans frontière, et par exemple la régularisation des sans-papiers, on tire les salaires des ouvriers à la baisse ! C'est très bon pour une certaine catégorie de patrons sans scrupules, et très mauvais pour les artisans, les commerçants et autres patrons de PME bien ancrés dans l'économie réelle !
Les flux massifs d'immigrés profitent directement au «grand capital» pour paraphraser une certaine gauche et désavantagent directement les plus pauvres. C'est donc un comble pour la gauche de défendre les sans-papiers ! J'y vois une trahison du «peuple de gauche», qui ne vote d'ailleurs plus PS et que Mélenchon a pour mission de rabattre vers le PS.
En fait, profondément, vous confondez frontières et barrières. La frontière, ce n’est pas un mur ! La frontière, c’est au contraire le vaccin contre le mur. Là où il y a un faible et un fort, le faible réclame toujours une frontière. L’idéologie mondialiste et sans frontière, c’est au contraire l’idéologie du puissant contre le pauvre, c’est la loi du plus fort contre le faible.
Ce n'est quand même pas compliqué de comprendre que pour résister dans une mondialisation inhumaine - qui nous met en concurrence avec des esclaves chinois - soit on s’aligne en terme de salaire horaire et de nombre d’heures travaillées, soit on se protège ! (1)
Slovar : Pourriez-vous joindre votre voix à la gauche, lorsque celle-ci s'oppose à la remise en cause du temps de travail (48H00 maximum), une réforme globale des contrats de travail et de certains pans du Code du travail, comme les seuils sociaux, proposés par Hervé Novelli au nom de l'UMP
NDA : J'ai dénoncé la réforme des retraites telle que ficelée par Eric Woerth et j'ai voté contre à l'Assemblée. Vous avez votre réponse. Je dénonce d'ailleurs le mythe de l'allongement de la durée de la vie, qui permet de faire passer les plus graves régressions sociales pour légitimes.
Slovar : Le cumul des mandats est un débat fort à gauche. Le mandat national unique est-il selon vous une bonne solution. Si oui, seriez-vous prêt à abandonner certains de vos mandats, au nombre trois, si mes informations sont bonnes ?
Je vois une vraie complémentarité entre les mandats de député et de maire. En revanche, je serais prêt à abandonner mon mandat de président d'agglomération le cas échéant, car il est moins décisif dans l'intérêt de mes administrés.
Merci Nicolas Dupont-Aignan
(1) Nicolas Dupont-Aigan nous a confié qu'il devrait publier le 31mars, aux éditions du rocher « l'Euro, les banquiers et la mondialisation : l'arnaque du siècle »