C'est la relâche. Pour moi aussi. Pendant que les enfants que les enfants jouent aux espions - leur nouveau jeu préféré et le mien aussi car j'ai droit à des avertissements comme «On est invisibles; tu ne nous vois pas!» (super les chéris, moi non plus vous ne me voyez pas!!) - je peux avoir le contrôle de la manette de télé et regarder des trucs que je n'ai jamais le temps de faire avant.
Un après-midi, j'arrête sur TLC, LE poste par excellence des trucs bizarres! - et j'ai bien cru m'évanouir. Ces émissions qu'on y présente, du genre témoignages, reportages et images bouleversantes, retiennent notre attention et il est même difficile de changer de poste. Cette fois-ci, j'étais hypnotisée. L'émission en question: Toddlers&Tiaras, un espèce de reportage sur les concours de beauté pour les tout-petits. Et quand je dis tout-petits, il y avait une catégorie pour les moins de 18 mois où c'était les parents qui poussaient les enfants sur une auto-jouet, les tiraient dans un charriot décoré ou encore les faisaient péniblement marcher en tirant sur leurs minuscules petits bras. Puis, on a suivi 3 familles à travers leur préparation au concours jusqu'à la remise des prix... ouffffffff! On voyait les mères leur faire répéter des chorégraphies, nous montrer toutes les récompenses reçues, nous faire visiter la garde-robe (ou plus souvent LA pièce de la maison consacrée aux concours de beauté!), etc.
J'ai vu des enfants aux sourires figés et aux yeux blasés, des airs préfabriqués, des émotions «stagées», des démarches pas du tout de leur âge, des poses limite vulgaires pour une fillette de 5 ans, des déhanchements déplacés, des tenues ridicules, etc. J'ai vu des crises de vedettes à 3 ans. Des enfants qui insultent leur père ou leur mère car ceux-ci prennent plus de 10 secondes à leur enfiler un bas collant (ultra moulant, bien sûr) à dentelles. J'ai vu une mère mettre une prothèse dentaire à sa fille de 3 ans pour que son sourire soit plus équilibré et plus blanc. J'ai entendu des fillettes dire «Je suis certaine de gagner, car les autres ne le méritent pas!». J'ai vu une mère appliqué un bronzage en spray sur le corps de sa fille de 7 ans en plein milieu de sa cuisine. J'ai vu de fort jolies fillettes se faire transformer pour devenir des poupées au teint parfait, se faire remodeler les lèvres sous les mains agiles de leur mère qui les maquille outrageusement. Et plus encore, j'ai perdu le fil de tout les noter... Bref, j'ai vu comment transformer un enfant en un adulte. Ça m'a profondément choquée. Et je ne suis pas la seule. Un groupe Facebook a même rebaptisé l'émission Bitches in the making et se demande si cette émission ne devrait pas être bannie.
Mais ensuite, je me suis sentie profondément triste. Pauvres petites filles! J'ai ragé contre les mères aussi. Puis enfin, quelqu'un leur a posé la question qui me brûlait les lèvres. «Les autres me jugent-ils pour ce que je fais? Probablement, oui. Pour moi, ce n'est pas pire que suivre mon gars au hockey. Et est-ce que ça change quelque chose pour moi leurs jugements? Non....». Alors, ces mères sont un peu conscientes que les autres les trouvent folles, mais ne s'en font pas avec leurs commentaires. Elles continuent. Persuadées que leurs enfants sont bien là-dedans.... Pourtant, on voit bien , de l'extérieur en tout cas, que certaines de ces petites filles avaient encore des élans de fillettes de 4-5 ans (dieu merci!): elles courraient partout, traînaient une poupée ou trépignaient pour un bonbon. Moi de l'extérieur, je voyais tout cela, mais leur mère, non. Elles ne voyaient plus rien. Plus rien. Obnubilées par la poursuite d'un de leur propre rêve, vivant par procuration à travers leurs enfants. Aucune d'elles pensaient mal faire. Le font-elles vraiment? Je n'étais plus autant certaine. Non ce n'est pas sain ce qu'elles font faire à leurs petites, non ce n'est pas de saine compétition. Oui c'est leur montrer que l'apparence est ce qui prime. Oui c'est leur inculquer des valeurs superficielles. Mais ces mères avaient aussi besoin de se faire secouer pour se réveiller que d'un câlin, je pense. Car on voyait qu'elles savaient que ce qu'elles faisaient était plus ou moins bien. Mais ne savaient plus quoi faire pour en sortir. Parce que c'était important pour ELLES. Pas pour leurs petites, mais pour elles. Pour se valoriser. Pour montrer qu'elles avaient réussi. Pour accumuler des prix. Pour épater les autres. Pour avoir un but dans la vie. Pour exister. Tout simplement. Et ça aussi, c'est d'une tristesse...