J’ai longtemps cherché à comprendre comment Terror Bird était arrivé à mélanger autant d’influences. Les morceaux de cet album me rappellent les plus beaux envoûtements causés par le label 4AD des Dead Can Dance ou autres Bel Canto. Human Culture pourrait aussi être un de ces albums d’une scène alternative fantasmée, coincé entre le punk et la new wave des années 80, quelque part du côté de Berlin. A l’heure où la pop se glisse dans des déguisements de sorcières, les rythmes digitaux hantés par les mélodies de Nikki Never font de ce disque un enchantement et un désenchantement, une musique jouée dans une urgence contrastée, parfois happée par un refrain qui claque dans les tampes comme Human Life, parfois spectatrice d’une structure qui va déraillant comme Cheat Yourself. Nikki a réussi à emprisonner les forces qui s’opposent en elle dans sa musique, elle lui ressemble et ne cherche pas à masquer ses stigmates. Sur des partitions squelettiques, que ses machines recrachent comme des spectres sonores sur les murs des villes, un piano est prêt à rendre l’âme, une boîte à rythme devient indomptable quand la voix ensorcelée de Nikki Never soutient ce château de cartes musical risquant à tout moment de s’écrouler. Je rêve d’entendre cette voix m’hypnotiser seule avec ce piano qui creuse des sillons dans ma tête. Non pas que j’élude le son batcave ou gothique, bien au contraire, mais je suis subjugué par la beauté des mélodies et cette façon intemporelle que Nikki a de placer sa voix.
Dès les premières notes de piano de Married Women, on vole éclairé par la lune, planant au dessus d’une ville endormie. La voix de Nikki nous guide avec la beauté d’un ange, et lorsqu’elle range ses ailes, elle se mue en prédateur noctambule, nous invitant dans ses catacombes pour danser jusqu’à s’en briser les os. We Were Monsters. Au matin, elle fixe ses lunettes noires opaques et nous attire dans un cimetière où on laisse retomber la folie d’une nuit entière à oublier le jour. Make Believe nous laisse avec des sentiments contrariés, l’envie de rester ensemble et ce sommeil qui nous assomme, une réverb puissante cristallise cette première face qui trouve son inspiration dans la moiteur de la nuit. Mise à part l’urgence de vivre, qu’on retrouve dans le morceau éclatant Human Life, si l’ange de la face A devient lourd comme un cygne qui serait prisonnier de son destin sur un lac gelé, la face B tend elle vers la noyade. If We Escape d’abord, avec la voix éthérée de Nikki prenant de la hauteur pour nous dévoiler une place encore plus sombre aux mélodies toujours plus sublimes. Sur Keep me Haunted, des trémolos apparaissent dans sa voix indiquant les premiers signes d’un délitement consacré par un Who’s Sorry Now concluant Human Culture. Décidément, il ne restera rien.
Audio
Terror Bird - We Were Monsters
Terror Bird - Human Life
Video
Tracklist
Terror Bird - Human Culture (Night People/Adagio830, 2011)
1. Married Women
2. We Were Monsters
3. Cemetaries
4. Integrity
5. She’s a Revolutionary
6. Make Believe
7. If We Escape
8. Dumb Sick
9. Keep me Haunted
10. Human Life
11. Cheat Yourself
12. Last Moment
13. Who’s Sorry Now