La chance ne sourit qu’à celui qui la provoque. Soit. Étendons le dicton à l’heureuse coïncidence ou le hasard bien fait et notre rencontre avec Sébastien Forrester n’en deviendra que plus intelligible. Car faute d’avoir fouillé au sein du catalogue de Not Not Fun Records - où, en juin 2010, est paru Hyperion, premier essai d’Holy Strays - l’onde vertigineuse dégagée par la musique de celui-ci ne s’est lovée dans nos esgourdes qu’à la faveur d’une compilation de La Station Radar savamment békotée (lire). Phrenesia - titre présent sur ladite collaboration - ou l’appel d’un océan de nuit, fascinant et impavide. Il n’en fallait pas moins pour remarquer la présence de ce parisien d’adoption dans notre agrégat de relations numériques et tout mettre en œuvre pour convertir celle-ci en fructueuse et intuitive amitié. Ainsi, après avoir enregistré live dans un appartement quelques morceaux devant les caméras d’Hartzine, Holy Stays ouvrira les débats le 7 mars prochain à l’International en compagnie de Terror Bird et d’Ela Orleans (lire), soirée prolongée le 9 mars suivant au Motel (lire) où Sébastien, bien entouré de Fleur et de Jérôme de La Station Radar, nous fera part de son éclectisme aussi large que raffiné. Et s’il s’agissait de faire des présentations en bonne et due forme, quoi de mieux que de laisser Sébastien évoquer lui-même Holy Stays en plus de commenter sa mixtape à écouter et télécharger ci-dessous.
Quelques mots…
Les influences à l’origine du groupe sont multiples, j’écoute énormément de musiques qui sans le savoir façonnent la manière dont j’approche le processus de création. Je ne conçois pas Holy Strays comme appartenant à un genre ou une scène isolée, mais comme une sorte de laboratoire où mes influences et émotions prennent vie par la musique. Se décrire comme appartenant relevant d’un style bien précis ne pourrait être qu’une entrave, d’autant plus que le projet est jeune. Je préfère laisser les morceaux prendre forme naturellement, entre improvisation et composition.
Au moment de débuter Holy Strays j’écoutais énormément de jungle, de drum&bass, de musiques électroniques plus ou moins issues de krautrock. Le son de ces courants a sans doute influencé la manière dont j’ai conçu les morceaux de Hyperion. Je puise une large partie de mon inspiration dans la percussion, par laquelle j’en suis venu à la musique. La puissance du rythme, au fondement même de la transe, me fascine. Plus récemment j’en suis venu à écouter beaucoup de dub, de grime, de hip hop, de musique brésilienne et cubaine. Le mouvement Tropicalia notamment, regorge de trésors.
Mixtape
HLSTRS (download) - Timeless (Mixtape for HARTZINE)
01. Roni Size - Western
Je retrouve dans la jungle la frénésie des beats et l’aspect répétitif, lancinant, dansant de la pulsation. Roni Size est l’un des premiers dj d&b que j’ai découvert, l’un des pionniers du genre aussi. Ce morceau s’autorise timidement quelques changements, se concentre sur une ligne de guitare mystérieuse, simpliste et percussive.
02. Scientist - Dance of the Vampires
Le dub est l’un des genres musicaux que je préfère, principalement en raison de la transe qu’il communique, mais aussi du soin porté à la production des titres. Le son de Lee Perry reste une référence en la matière. L’écho et le sampler sont de sa création, sans lui la musique électronique n’aurait pas la forme qu’elle a aujourd’hui. Et il demeure un incroyable performer. Ce titre de Scientist comporte l’une des meilleures lignes de basse que je connaisse, brillante de simplicité et de groove.
03. Mobb Deep ft. Lil Kim - Quiet Storm (Remix)
Surement l’un de mes titres préférés dans la discographie de Mobb Deep, d’une grande mélancolie, l’atmosphère qui s’en dégage est incroyable, d’autant plus qu’elle ne tient qu’à un beat et trois accords de piano.
04. Hector Zazou & Boni Bekaye - Mangungu
Un album hybride, il fait figure d’ovni dans le paysage musical des late 70’s : une sorte d’afro art pop qui même à l’afrobeat musiques rituelles, rythmes traditionnels, et rugosité de la cold wave.
05. Holy Strays - Wakanda’s Fury
Un remix club d’une interminable jam enregistrée en juin 2010, à l’origine parue sur DeepTapes sous forme d’un split avec Psychic Handbook en septembre.
06. Jon Hassell & Brian Eno - Delta Rain Dream
Eno est l’un de mes producteurs préférés, il est aussi le musicien qui m’a introduit à la musique new age. Ses BO sont passionnantes, il sait sans cesse se renouveler, bâtir des paysages sonores inédits et prenants. Sa collaboration avec le trompettiste Jon Hassell plonge l’auditeur dans les tréfonds d’une musique mystique oscillant entre krautrock et envolées cinématographiques. Ses derniers travaux aux couleurs afrobeat sont tout aussi fantastiques.
07. Holy Strays - Strictly Above-All Nympheas (Live Impro)
Une pause entre mes prises de son de batterie, un clavier, une envie de jammer.
08. Asiko - Lagos City
Le mélange des rythmiques afrojazz et des guitares disco me fascine… Un nombre incalculable de formations a vu le jour entre Brazzaville et Niamey dans les années 70, cette scène foisonne de bijoux. Ces groupes jouaient de la musique pure dans le sens où aucun préjugé ne semblait se mettre en travers de leur chemin, ils n’obéissaient qu’à leur instinct, leur envie de danser, de dénoncer par le groove les injustices subies.
09. My Disco - Sunray
Ce morceau incarne tout ce que le minimalisme rock peut avoir de jouissif : une percussion répétitive, une instrumentation dépouillée, la puissance et l’espace incroyable qui se tisse entre chaque note.
10. Yoga - The Fourth Eye
J’ai découver Zak Mering – l’homme derrière Matrix Metals et Outer Limits Recordings – avec une première k7 sur NNF en 2009, Flamingo Breeze. Il n’en finit jamais de multiplier les projets, tous plus surprenants les uns les autres. Sous le pseudonyme de Yoga, il délivre un savant mélange d’ambient lo-fi, de black metal et d’imagerie occulte. Sa dernière collaboration house / disco avec Amanda Brown de LA Vampires est aussi l’un de mes disques de 2010.
11. Ataxia - Another
Sans doute à mes yeux le plus beau morceau de ce jam band éphémère, entre épuration et puissance des mélodies. Les vocaux féminins me touchent particulièrement. John Frusciante est au sommet de son art.
12. Swans – She Lives
Le son de Swans a été une révélation, tant par sa violence que par l’émotion unique que chaque morceau délivre. L’évolution qu’a suivie le groupe témoigne du goût de Gira pour l’exploration, un procédé dans lequel je me retrouve. She lives est d’une noirceur incroyable et d’une très grande beauté.
13. J Dilla - Timeless (Instrumental)
Un instrumental jazzy de J Dilla qui reste l’un de mes producteurs préférés.
14. How to Dress Well - Take it On
J’ai découvert How to dress well récemment : sorte de Michael Jackson introverti, acide et lointain, noyé sous des torrents d’échos. Les accents r&b de Love Remains, son dernier album paru sur Tri Angle records, sont magnifiques.
15. The Microphones – I Want Wind to Blow
Avec premier projet de Phil Elvrum a réinventé la pop lo-fi en y intégrant la beauté légère du folk. La découverte de ce groupe fût une révélation.
16. Burial - Dog Shelter
Burial reste pour moi l’artiste phare de la scène dubstep anglaise. Loin de se limiter à cette étiquette, sa musique ne cesse de transcender les genres : jungle, d&b, r&b, minimale, ambient.