The Style Council : Our Favourite Shop (1985)
De retour de Londres, ne sachant comment rendre intéressantes mes pérégrinations touristico-familiales, je pense faire oeuvre plus utile en évoquant cet album qui reste pour moi mythique, et qui représente dans mon imaginaire un Swinging London idéalisé, qui n'existe plus depuis longtemps certes, mais qui continue à me faire rêver.
J'en profite pour commencer un série sur les albums pop/rock/soul qui m'ont marqué, un peu dans la lignée de mes précédents articles de la rubrique musique. Cela faisait un moment que je souhaitais donner une plus grande orientation rock à mon blog ; il n'y a pas que le classique dans ma vie. Welcome dans les chroniques d'un pop newbie.
Le groupe et la musique :
Petit rappel : The Style Council (1983-1989) est le second groupe de Paul Weller, le godfather of mod, ex-leader de The Jam (1976-1982), qui mène sa carrière solo avec succès depuis 1991 (son concert à Wembley en décembre dernier était à guichets fermés, merci pour lui).
The Jam avait été un groupe de punk-rock guitare/basse/batterie avec Paul Weller en figure de proue, mais à la différence des autres groupes punks (Clash, Pistols, Damned, Buzzcocks) ils revendiquaient une inspiration ouvertement sixties, de style mod, entre the Who et the Kinks. Puis ils évoluèrent vers un son plus soul, rythm'n'blues, inspiré des hits de Motown. Il était donc naturel que l'évolution de Paul Weller le conduise à fonder un groupe comme The Style Council, de style ouvertement soul, jazz et funk, tout en conservant une solide base pop.
Paul Weller voulant garder un contrôle artistique total sur son projet, il dissout The Jam pour former the Style Council, et recruta des musiciens certes talentueux, mais destinés à l'accompagner, pas plus. Ce furent Mick Talbot (claviers), Steve White (batterie) et D.C. Lee (choriste, et épouse de Paul Weller).
La musique de Style Council est immédiatement séduisante, mais dissimule des textes au vitriol sur la situation politique et sociale de l'Angleterre des années Thatcher : chômage, racisme, inégalités. De tous leurs albums, Our Favourite Shop est le plus accompli. Il contient de nombreux tubes irrésistibles, le genre que l'on chantonne toute la journée sans pouvoir s'en défaire, comme "The Lodgers", "All Gone Away", "Walls Come Tumbling Down", et bien sûr l'imparable "Shout To The Top".
A noter que le disque a largement influencé les japonais de Paris Match, ce qui est une autre raison pour que je vous en parle. Bon, Paris Match n'en a conservé que l'aspect superficiel, à savoir une production luxueuse et l'inspiration soul/funk. Mais admirez la couverture de leur album, ils ont poussé le mimétisme assez loin !
Ce que j'en pense :
Depuis mes 15 ans, Our Favourite Shop est mon song-book préféré à moi que j’ai.
Je ne connaissais pourtant même pas les Jam quand je suis tombé la première fois sur Paul Weller assurant le playback de "Shout to the top" à l’émission Top of the Pops (ça ne s’invente pas !), dont les extraits passaient aux Enfants du Rock, sur Antenne 2. Ce gars avait la classe. Il avait l’air de s’en foutre éperdument, pourtant il faisait le job, et la chanson, la chanson ! Fiévreuse stylée, somptueuse. Il me fallait l’album. et quand je rangeais finalement la cassette (cf. à droite) dans ma chaîne stéréo pour la première fois, je n’en crus pas mes oreilles.
Ce groupe dont j’ignorais tout s’appelait the Style Council, nom intriguant, ce n’était pas du rock’n’roll, ensemble le philly sound et le mersey sound m’engloutissaient sans que je le sache. Puis je me suis attaché à découvrir chaque chanson, une par une, et je découvris que des textes d’un gauchisme aussi explicite pouvaient se dire avec accompagnement de moog et de cuivres, avec harmonies vocales et guitare funky. Dans le genre, il faut citer par exemple : ‘"Homebreakers’" amer (mais groovy) constat du thatcherisme à l’œuvre ; "All gone away", même thème sur un air de bossa lumineuse ; "Come to Milton Keynes", encore plus sombre et plus poppy, s’achevant sur un air de musical rétro ; bref, le fiel des textes est d’autant plus souligné quand il est placé dans un écrin musical a priori joyeux et inoffensif…
Il faut citer également "A stone’s throw away", Weller n’est cette fois accompagné que par un quatuor à cordes, ce qui me fait penser bien sûr aux Beatles, mais aussi plus étrangement aux Jam. Les tubes sont là aussi, "The lodgers" ironique description de l’exploitation au travail (avec la voix de D.C. Lee pour la touche acid jazz avant la lettre), "With everything to loose’ continue dans la même veine (« no choice or chance for the future, the rich enjoy less tax / dress the girls in pretty pink, the shit goes to the blacks »), enfin le groovyssime "Walls come tumbling down" se pose en hymne pour manif festive et colorée.
Cela dit, je reconnais que je n’ai jamais réussi à déterminer ce qui relève du militantisme ou de la pose pour magazines musicaux, faut les voir Weller et Talbot, poser pour les photos de pochette, parfaites gravures de modes avec les fringues qu’il faut, la coupe étudiée, et hommages appuyés à redding, aux fab four, au milieu d’un fatras de bibelots évoquant pêle-mêle le Tour de France, le film "Another country", la série "Le Prisonnier" et les horse guards… M’enfin, un groupe qui a sorti le plus mémorable single briton de l’année 1985, l’imparable "Shout to the top’, je veux bien leur pardonner quand ils surjouent un peu les working class heroes en costumes impeccablement taillés de Carnaby Street.
25 ans plus tard, l'abum n'a pas pris une ride et l'ayant depuis longtemps racheté en CD, je continue de l'écouter périodiquement, témoin d'une époque où l'on savait faire une pop classieuse ET intelligente, dansante ET militante, sans compter que le propos est toujours d'actualité. Et Shout to the Top reste, pour moi, à jamais, un hymne qui me met dans un état second. Mon Londres à moi, il est là, entre les cuivres, le piano de Mick Talbot, et la guitare de Paul Weller.
Pour vous donner une idée, voici le clip de "Shout to the top". Enjoy.
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