Un audimat presque parfait

Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Vous le savez, les émissions culinaires sont à la mode, notamment sur M6. C’est pourquoi, par pur opportunisme, j’ai décidé de vous proposer moi aussi une recette, en l’occurrence celle de la grille des programmes de M6 qui, je le rappelle, bat de plus en plus souvent à plate couture, en termes d’audience, la grille de TF1.Commencez par le plus important : prenez une belle grosse tranche de télé-réalité et un grand bol de magazine pseudo-informatif que vous ferez cuire ensemble dans une casserole. Avant toute chose, ôtez à chaque participant, animateur compris, sa cervelle. Tartinez généreusement de voyeurisme et de racolage dont vous atténuerez le goût, quelque peu agressif, avec une bonne couche d’hypocrisie et un soupçon de prétexte journalistique. Faites cuire à feu doux et, pendant ce temps, versez deux bols d’émission culinaire bon marché dans une cocotte ; pour lier la sauce, assaisonnez avec de l’esprit de compétition et du désir de domination sur autrui. N’ayez pas peur de rajouter de ces condiments car l’émission culinaire, sans eux, est parfaitement insipide ; pour les faire passer, arrosez d’hypocrisie sans modération.Pour attirer les blaireaux, faites chauffer au micro-ondes les « informations » peoples ; celles-ci, déjà vues et entendues partout, ne pourront vous être parvenues que surgelées ; faites de même avec le magazine sur les véhicules motorisés puis avec l’émission sur la déco que vous agrémenterez avec une bonne grosse vache bien grasse et sans cervelle. Pour le football, la préparation dépend de la saison : en saison de grande compétition internationale, faites cuire dans une cocotte de qualité, soignez la présentation au maximum et servez avec un commentateur style « beauf’ à Cabu » que vous aurez récupéré dans les poubelles de TF1. Hors saison, contentez-vous de le chauffer au micro-ondes sur son lit de vieux sacs violacés, couperosés et imbibés de pastis et de servir avec sa speakerine fadasse qui passera pour une bombe en comparaison de ses collègues mâles. Vous avez là les quatre ingrédients indispensables pour que votre grille plaise au bidochon moyen.Pour le film, il n’est pas nécessaire de se donner trop de mal : vous pouvez en prendre un avarié, qui a déjà été diffusé mille fois, l’important étant de le diviser en parties égales et d’intercaler entre chaque tranche vingt écrans de publicité à dix patates l’unité. Les publicités sont l’élément central, mais on ne peut les servir pures, d’où l’utilité relative du film dont la qualité est sans grande importance. Faites de même pour les séries : pour les séries américaines interminables, vous pouvez les récupérer dans les poubelles de Canal+ ; vous pouvez aussi cueillir dans votre jardin une série pseudo-humoristique sur la vie de couple dont vous aurez préalablement ôté toute racine susceptible de germer et de produire une fleur d’impertinence.Pendant la cuisson de ces plats, arrosez à intervalles réguliers de publicité, vous n’en mettrez jamais trop. Entretemps, préparez les amuse-gueules : faites cuire à point les heures de clips interchangeables (attention, ils doivent vraiment tous se ressembler !) de façon à ce que les danseuses en tenue légère soient assez chaudes pour appâter le client. Servez le t élé-achat tel quel, n’ajoutez aucun assaisonnement, un télé-achat qui aurait de la saveur ne mériterait plus son nom ; passez-le simplement au rouleau à pâtisserie pour être sûr qu’il soit parfaitement plat. Passez les informations au mixer à pleine puissance pour qu’elles obtiennent leur apparence prémâchée et que leur assimilation ne nécessite aucun effort de la part du consommateur ; pour la présentation, ajoutez une présentatrice bombasse, soigneusement écervelée elle aussi.L'effet des clips diffusés par M6 sur mon système nerveux.Quand tous les plats sont bien cuits, juste saignants comme il faut, vous pouvez servir pêle-mêle à vos téléspectateurs ; si vous avez bien travaillé, vous n’aurez même pas à vous soucier d’un ordre quelconque pour passer les mets, le public ne fera pas la différence et consommera sans chercher à comprendre. L’important est que vous puissiez lui servir une grille à 0% de matière grise, sans vilain arrière-goût d’esprit critique. Vous risquez de tâtonner au début et vous aurez fréquemment recours à de généreux ajouts de clips pour compenser vos maladresses, mais vous trouverez très vite le coup de main pour réussir sans vous donner de mal, et à vous l’argent facile ! Allez, kenavo !