"Jadis, Kath, Ruth et Tommy ont été élèves à Hailsham ; une école idyllique, nichée dans la campagne anglaise, où les enfants étaient protégés du monde extérieur et élevés dans l'idée qu'ils étaient des êtres à part, que leur bien-être personnel était essentiel, non seulement pour eux-même, mais pour la société dans laquelle ils entreraient un jour. Mais pour quelle raison les avait-on réunis là ? Bien des années plus tard, Kath s'autorise enfin à céder aux appels de la mémoire et tente de trouver un sens à leur passé commun. Une histoire d'une extraordinaire puissance, au fil de laquelle Kath, Ruth et Tommy prennent peu à peu conscience que leur enfance apparemment heureuse n'a cessé de les hanter, au point de frelater leurs vies d'adultes."
Mon avis :
"Auprès de moi toujours" : Titre digne d'un roman à l'eau de rose à la Barbara Cartland. Mais dès les premières lignes, nous savons que ce livre va nous emmener loin et qu'il n'a rien à voir avec les romans d'amour dégoulinants de sucre.
L'histoire est mystérieuse, énigmatique, la compréhension du récit progressive. Tout comme le sera cette chronique pour ne pas prendre le risque de dévoiler le dénouement final. Surtout pas.
La quatrième de couverture en dit suffisament pour ne pas revenir sur le contexte et les personnages principaux. Je peux toutefois ajouter que Kath (la narratrice), Ruth et Tommy sont des êtres à part, qu'ils partent (au sens figuré) à la recherche de leur si particulière destinée, tentant par là de donner un sens à leur passé commun. Dès les premières lignes, nous ressentons un certain malaise qui se dégage de la narration de Kath. Et ce malaise perdure. Notamment à cause de l'emploi de certain mots "donneur, gardien, accompagnant..." qu'il nous est impossible de définir, du moins pas du tout de suite.
Nous savons que les élèves du pensionnat sont des êtres particuliers, qui parfois effraient mais dont on privilégie le bien-être. Notre lecture est rythmée par d'incessantes interrogations : Quel est le but de ces mystérieuses ventes d'objet ? Pourquoi accorde-t-on autant d'importance au développement artistique des élèves ? Kazuo Ishiguro joue véritablement avec notre tension nerveuse. Il nous accorde quelques bout de vérité et embraye ensuite sur un autre sujet, et ce juste au moment où on jubile enfin d'approcher doucement des réponses à nos interrogations. C'est un maître en la matière car une fois la vérité éclaircie, le ton ne change pas. Habitant en Angleterre depuis de nombreuses années, l'auteur renoue avec ses ancêtres japonais par son style d'écriture et c'est un bonheur pour nous lecteurs.
Les denières lignes parcourues, nous restons là, assommés, le livre à la main, en prenant conscience que nous venons de lire un roman remarquable. Indiscutablement très émouvante, cette lecture vous fait monter les larmes aux yeux et, au même instant, de nouvelles interrogations apparaîssent sur la morale, les sciences et le statut de l'art... Interrogations personnelles cette fois.
Un roman à découvrir et un auteur qui mérite son statut de grand, très grand romancier contemporain.