“… je ne suis jamais passé par la case trotskiste et que cela ne m’empêche pas d’avoir un avis sur l’info” J. -S. Ferjou – Co-Fondateur d’Atlantico
Presse et politique font mauvais ménage manifestement. L’irruption d’Atlantico dans le paysage médiatique du net génère un buzz. Sur Twitter et la mediasphère, c’est-à-dire quasiment nulle part. Mais l’impact pour le microcosme est là, tout ce qu’il y a de connecté sur la place de Paris virevolte à la conférence de lancement. Pour voir de ses yeux le nouvel avatar de la presse hexagonale que l’on affuble de bastion web de droite, d’ilot conservateur. C’est attendu mais cela fonctionne comme une campagne de communication promotionnelle bien huilée. Entrée réussie, controverse maîtrisée, plumes huppées et surtout articles décomplexés minutieusement tempérés pour donner le change.
Grandes promesses innovantes donc, sauf dans le domaine des rémunérations, où la gratitude à plus que jamais cours. Dans la parfaite imitation d’autres supports comme Marianne. La publicité côtoyant les contributions de blog gratis.
Dans ce grand soir du journalisme, il y a la promesse de sortir de la morale et des préjugés selon J.-S. Ferjou co-fondateur. Il harponnera certains de ses confrères “disons que les mots capitalisme et libéralisme ne nous font pas peur. […] Disons que je ne suis jamais passé par la case trotskiste et que cela ne m’empêche pas d’avoir un avis sur l’info”. Facile à imaginer pour un entrepreneur qui a biberonné à TF1. “Disons” en creux que les journalistes dans leur majorité déversent un brouet marxisant sur les consommateurs d’informations. “Disons” qu’Atlantico va rompre avec le sur-moi trotskyste de la corporation. Mais rien de moralisateur, ni de dogmatique.
Pourtant, Altantico se défend d’être un media de droite, libéral ou conservateur. A. Dassier responsable en 2007 de la campagne de N. Sarkozy et actionnaire du site déclare “Nous avons parmi nos contributeurs des conservateurs, des libéraux mais pas que ça. Nous avons surtout des individus”. Dans une tournure individualisante, comme par réflexe idéologique… Circonvolutions toujours pas assumées.
Lors des soubresauts de l’affaire Woerth-Bettencourt, la presse web (en particulier Mediapart) fut affublée de Trotsko-fascisme (encore Léon) par la droite politique, et guère mieux traitée par les conservateurs médiatiques comme le Figaro. Facile posture sur le manque de crédit de l’internet dont il suffit de balayer d’un revers de main les allégations pour les transformer en rumeurs (fausses). Avec Atlantico dans le giron ces postures de dénigrements du Web vont devoir s’argumenter plus sérieusement. Sous peine de noyer tous les bébés dans l’eau du bain.
La petite mesquinerie des tortillements sur la ligne éditoriale montre les limites du projet. Inutile de dresser des listes qu’elles soient dans l’actionnariat, le management ou les contributions. Le cœur est à droite. Et alors ? Alors on ne s’assume pas. Pas par pesanteurs idéologiques pseudo-marxisantes, mais par la sacro-sainte objectivité journalistique. Qui fait du support médiatique un objet en suspension hors des prises de position politiques de ses éléments, “des individus” comme l’affirme automatiquement A. Dassier. Comme si l’agrégation de voix libérales conservatrices pouvait donner autre chose qu’une chorale libérale conservatrice. Et alors ? Alors on se défausse mollement avec un billet anti-sarkozyste assez sobre. Ou pire, par des justifications assommantes de contributeurs qui se pensent de gauche (et dont on peut croire en la sincérité) en jouant la carte de l’ouverture, de l’indépendance ou de la prise de risque. Comme un arbre en plastique qui masquerait la forêt.
Le même jour, à Libération vieux media mainstream, N. Demorand prenait ses fonctions. Et déclarait quelques semaines avant “vouloir réenchanter la gauche”…
*environ 98.6% de la population
Vogelsong – 1 mars 2011 – Paris