Un cybercafé en Côte d'Ivoire. (Photo : AFP)Un cybercafé en Côte d'Ivoire. Par Christophe Champin / Patricia Blettery
A la faveur de la crise que traverse la Côte d’Ivoire, la diffusion de l’information emprunte des chemins de traverse. Les blogs, les réseaux sociaux et la téléphonie mobile jouent un rôle de plus en plus important. Ils sont souvent à la source de l’information et envoient au monde entier des nouvelles de Yopougon, Abobo ou Cocody.
Qu’ils soient sur place ou à l’étranger, les Ivoiriens, déjà très nombreux sur les réseaux sociaux, utilisent de plus en plus cette voie pour s’informer. Dans chaque camp, les pages Facebook se multiplient en faveur de l’un ou l’autre président du pays. Pendant la campagne, les équipes de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara avaient déjà développé des pages officielles. Mais beaucoup d’autres ont fait leur apparition. Les blogs jouent également la carte du « contre-pouvoir » avec des prises de positions tranchées à la mesure de la scission de la société. On s’y échange points de vue, petites infos, articles, vidéo, voire interviews audio, sur la crise, avec des commentaires, le plus souvent partisans en fonction de la tendance défendue. Pour beaucoup d’entre eux, ces réseaux sont devenus une source alternative d’information. Elle leur permet de disposer à la fois d’une revue de presse multimédia et de se transmettre les dernières faits et gestes des acteurs de la crise. Elle permet également aux membres de la diaspora de participer, de loin, au débat sur la vie politique de leur pays.
Dans les deux camps, les réseaux sociaux sont une forme de « contre-médias ». Du côté des partisans de Laurent Gbagbo, il s’agit de faire barrage, au « complot politico-médiatique », comme ils le disent, contre le président proclamé par le Conseil constitutionnel, en partageant avec les autres Facebookers pro-Ggabgo tout ce qui va dans le sens de leur poulain, notamment des vidéos contredisant systématiquement les positions du camp Ouattara et de la « communauté internationale ». (Voir la video diffusée sur Facebook à la gloire de Laurent Gbagbo, intitulée « Un chef n'est pas un chiffon » )
Dans le camp Ouattara, l’objectif est bien sûr inverse, à savoir partager le maximum d’informations allant dans le sens du chef de l’Etat reconnu par la communauté internationale. Il s’agit, par exemple de contrecarrer l’omniprésence de la télévision nationale RTI, fidèle à Laurent Gbagbo, en diffusant des éléments de Télé Côte d’Ivoire, une chaîne pirate fidèle au président reconnu par la communauté internationale. ( Voir la vidéo )
Les scoops sont sur Twitter
Mais l’autre révolution, se déroule sur Twitter, le réseau de microblogging, qui, selon certains, prendrait le pas sur Facebook et même sur les grands médias, en publiant de nombreuses infos, voire des scoops. C’est sur ce réseau que l’on signale au matin du 27 février que la RTI, télévision publique ivoirienne, ne diffuse plus sur Abidjan : une information confirmée par la suite par les médias internationaux.
Twitter est peut-être donc en train de gagner la bataille de l’information. Grâce au « hashtag » #civ2010, les ivoiriens font sortir l’info hors des frontières. Les propos, à l’image des scènes de rues, se radicalisent comme l'a signalé @Sanders225, très actif sur Twitter. Pas de censure pour le moment comme celle vécue en Egypte. Il faut dire que les deux protagonistes se sont eux même saisis de l’outil avec des comptes personnels, conseillés en cela - et c’est sans doute leur point commun-, par des professionnels de la communication et des fervents défenseurs des TIC (technologies de l'information et de la communication).
Le danger des rumeurs
Beaucoup ont compris l’enjeu des réseaux sociaux en ces périodes de crise politique, y compris les propagateurs de rumeurs. Depuis de longues semaines, la plus insistante aura été celle de la « grave maladie », voire de la mort d’Alassane Ouattara. Elle s’est répandue comme une traînée de poudre, jusqu’à ce que des photos ou des vidéos le montrant en entretien avec des visiteurs, ne pouvant souffrir de contestation, viennent la battre en brèche. Pour autant, celle-ci continue à ressurgir régulièrement. Certes bien avant Facebook et autre Twitter, le bouche à oreille suffisait largement à faire passer ce type d’information. Ce fut le cas, pour l’ancien président guinéen Lansana Conté, donné maintes fois pour mort, des années avant son décès effectif, en décembre 2008. Mais l’apparition des réseaux sociaux est un excellent accélérateur de rumeurs.