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Conte cruel de la bourgeoisie (avec le temps va…)

Par Borokoff

A propos de La Bella Gente de Ivano de Matteo 3 out of 5 stars

Conte cruel de la bourgeoisie (avec le temps va…)

En Italie, un couple de bourgeois vieillissants de Rome part se reposer à la campagne. Alfredo est architecte, Susanna est psychologue dans un centre pour femmes victimes de violences physiques. Quand Susanne aperçoit sur le bord de la route une jeune prostituée ukrainienne frappée par son « macro », elle décide de la recueillir dans sa maison…

C’est un beau portait de femme et une peinture grinçante de la bourgeoisie romaine que livrent La Bella Gente. Un tableau dissonant d’une certaine élite intellectuelle et progressiste qui a vécu la révolution estudiantine de 1968 pour la réforme des Universités (le « mai rampant ») et la fameuse bataille de la Villa Giulia à Rome.

En France, on qualifierait Alfredo et Susanna de « socialos-bobos », ces anciens étudiants communistes de 1968, pétris d’idéal révolutionnaire mais qui sont devenus des quinquagénaires bourgeois ne faisant plus montre de socialisme que dans leurs paroles.

C’est justement cette situation et ce sentiment d’embarras qui poussent Susanna (Monica Guerritore) à recueillir la jeune prostituée. Parce qu’elle est révoltée par ce spectacle d’une jeune fille tabassée sous ses yeux. On ne peut pas dire que son action parte d’une mauvaise intention, mais la suite du film et la morale de l’histoire montreront Susanna sous son vrai jour et dans des dispositions beaucoup moins altruistes.

Que dire de La Bella Gente ? Que ses analyses sociale et psychologique sont assez subtiles et bien senties. Tout le film tourne autour de l’évolution du personnage de Suzanne, au départ très généreuse mais qui va peu se replier sur elle et exclure la jeune Ukrainienne dont la beauté « lolitesque » la rend non seulement jalouse mais lui fait craindre le pire, c’est-à-dire qu’elle ne tombe rapidement dans les bras de son mari après ceux de son fils.

Susanna n’assume pas d’avoir pris sous son aile cette jeune prostituée. Le film est construit comme un piège, une toile d’araignée se refermant peu à peu sur l’Ukrainienne, lâchée par tous. De Matteo décrit bien à la fois la gêne de Suzanne tournant brutalement le dos à la jeune slave et la libération que son expulsion provoque en elle. On aurait aimé que la charge soit un peu plus féroce, le portrait de couple plus acide, plus « buñuelesque ».

Mais là où De Matteo est plus fin, c’est qu’il ne se contente pas d’un portrait un peu binaire de Suzanne passant de la gentillesse à une méchanceté et une froideur soudaines. Non, en excluant la jeune fille,  Susanna, en son for intérieur, sent bien qu’elle a contredit tous ses idéaux socialistes. Et cela la rend aigre. L’embarras dans lequel se retrouve Alfredo, coincé entre deux femmes de générations différentes mais de fort caractère, nuance cet effet. La Bella Gente, c’est le constat lucide mais amer pour une femme qu’avec le temps, ses idéaux aussi ont pris un coup de vieux.

www.youtube.com/watch?v=MZabmd9SNCc


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