Lundi 28 février sur toutes les ondes, il fallait faire le service après vente du remaniement gouvernemental expresse de la veille. Nicolas Sarkozy était apparu sacrément coincé, sur toutes les chaînes, pendant quelques minutes. Le lendemain, il fallait faire prendre les vessies pour des lanternes. Des départs contraints pour des décisions volontaires. Des bévues pour des circonstances. Nicolas Sarkozy a désormais grillé toutes ses cartouches.
La prochaine fois, sera-t-il capable de se remanier lui-même ?
Service après-vente
Nicolas Sarkozy a perdu la main face aux évènements internationaux comme nationaux. Depuis 2007, seuls deux ministres ont conservé leur poste, rappelle le Nouvel Obs. Mais il faut faire mine de toujours le gouvernail élyséen. Les hommes usés du président délivrèrent les éléments de langage habituels en ces circonstances troublées, après cette déclaration présidentielle télévisée de dimanche soir : le printemps arabe avait bon dos, puisqu'il justifiait un nième changement d'équipe, le douzième en moins de 4 ans.
Michèle Alliot-Marie n'avait commis aucune faute, même si son remplacement est « politique » et Alain Juppé est, lui au moins, « expérimenté.» On pourra au moins s'intéresser désormais à cette fondation d'utilité publique de l'ex-ministre des affaires étrangères, sans être suspecté de vouloir déstabiliser inutilement la Sarkofrance...
Nicolas Sarkozy ne pense qu'à son action présidentielle même si Brice Hortefeux le rejoint comme conseiller politique. La campagne se prépare, à moins qu'il ne s'agissait de trouver un placard doré pour l'encombrant ministre multi-condamné. Arnaud Leparmentier détaille pour le Monde cette « folle » journée de dimanche 27 février. Concernant l'ami de 30 ans, « si Hortefeux s’en va, il faudra trouver une explication », s'inquiétait un « ami » du ministre de l’intérieur ce jour-là vers 14h.
Dans les coulisses de l'Elysée
A l'Elysée, Xavier Musca reprend les rênes du secrétariat général laissé vacant par Claude Guéant. Il aurait résisté à cette jolie promotion... jusqu'à lundi matin. Il cumulera ces fonctions avec celle de « sherpa » pour l'organisation du G20.
Son collègue Henri Guaino était à nouveau sur les ondes, France Inter ce lundi après France info vendredi dernier. Il refusait de reconnaître toute panique ou crash diplomatique. Il réfuta toute maladresse à MAM d'avoir passé ses congés de Noël en Tunisie.
Lui-même a passé ses vacances de Noël... à Tripoli. Il l'a reconnu aux Inrockuptibles, dans leur édition à paraître mercredi. Comme l'on le soupçonne le collusion l'agace : « Oui, je suis allé passer mes vacances de Noël chez l'ambassadeur de France à Tripoli. De France ! A titre personnel. Je n'étais pas chez Kadhafi : j'étais en Libye chez l'ambassadeur de France. Ne tombons pas dans un terrorisme moral ! »
Marginalisé ?
L'autre volet de cette contre-offensive politique était diplomatique. La France s'est décidée à lancer une « opération humanitaire massive » en Libye. Dans les zones libérées du joug du colonel Kadhafi, que d'aucuns en Sarkofrance saluaient encore comme leur « frère » il n'y a pas si longtemps, François Fillon a annoncé lundi que deux avions français étaient envoyés le jour même à Benghazi, une ville libérée à l'est de la Libye. Des renforts suivront.
Vendredi dernier, le parquet annonçait avoir ouvert une double enquête préliminaire sur les avoirs du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et de l'ancien président égyptien Hosni Moubarak, suite à une plainte des organisations non gouvernementales Sherpa et Transparence International France. Les mêmes s'étaient attaquées, en vain jusqu'à maintenant, aux biens mal acquis de quelques autocrates africains toujours en poste.
En fait, la France suit l'administration américaine. Hillary Clinton vient d'annoncer l'envoi des forces navales et aériennes autour de la Libye en vue d'opérations humanitaires locales.
Dimanche soir, Nicolas Sarkozy a vanté l'Union pour la Méditerranée (UPM) nouvelle formule : moins de dictateurs autour de la tablée, davantage de démocraties émergentes qu'il faut aider et soutenir. C'est désormais la compétition entre chefs d'Etat européens, une course à l'échalote démocratico-humanitaire pour montrer qu'on est là après avoir été absent pendant des décennies. La spécificité française dans la démarche est la menace migratoire qu'on agite comme un chiffon. Le premier ministre espagnol Zapatero a exposé vendredi les mêmes craintes, mais en les assortissant d'un flegme qui tranche avec la dramatisation électoraliste du Monarque français. Pour Zapatero, l'afflux de réfugiés est « le prix à payer pour la liberté et la démocratie.» Il fut le premier chef d'Etat occidental à se rendre en Tunisie, ce dimanche. Il y a 7 jours, il applaudissait sans réserve le printemps arabe tandis qu'en France on tergiversait encore sur la révolte libyenne On est bien loin des positions françaises. Quand il était encore ministre de l'immigration, la semaine dernière, Brice Hortefeux avait refusé tout accueil de réfugiés tunisiens.
Et pendant ce temps...
François Fillon était à Troyes, pour parler économie. Il s'est félicité de l'exonération de charges sur les bas salaires : « On estime son impact à quelque 800.000 emplois crées ou sauvegardés, ce qui fait de cette stratégie (...) sans doute l'instrument le plus efficace de la politique de l'emploi ». Les débats sur le coût du travail frisent le ridicule tant les chiffres ne s'accordent plus, depuis quelques semaines, avec l'argument sarkozyen favori sur la mauvaise compétitivité française vis-à-vis de l'Allemagne. Le coût du travail n'est pas si cher en France : ça fait mal à l'exécutif sarkozyen de l'entendre, mais c'est officiel. Quel affront !
Plus grave, les projets fiscaux du gouvernement Sarkozy suivent leur cours. Le site Marianne2.fr s'est procuré un court argumentaire élyséen, transmis via Bercy à quelques proches parlementaires pour les convaincre de la suppression de l'ISF. Et que lit-on ? Une sacrée révélation : les 100 foyers les plus riches de France déclarent 28,7 millions d'euros chacun en moyenne, soit 2,9 milliards d'euros au total. Ce chiffre hallucinant est à comparer avec le revenu moyen déclaré par foyer fiscal en France : 22.000 euros. L'écart est de 300 durées de cotisations minimales (42 ans).
D'où vient-il ? De salaires démesurés ? Que nenni ! 94 % de ces ressources annuelles proviennent des revenus du capital. En fait, l'objectif de cette note est de convaincre quelques-uns de ces parlementaires influents que ces richissimes gagnent plus que les détenteurs de patrimoine, imposés à l'ISF. Et oui ! Il y a plus riches que riches ! « les 100 plus gros patrimoines taxés à l’ISF gagnent beaucoup moins que les 100 plus gros contribuables » explique Emmanuel Levy pour Marianne2. Tout est bon pour convaincre de faire disparaître l'ISF. Même des révélations fiscales qui mettent à mal l'idéal républicain égalitaire et travailleur.
« c'est mon devoir de prendre les décisions qui s'imposent quand les circonstances l'exigent » nous expliquait Nicolas Sarkozy dimanche soir.
Vraiment ?