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9# SiLHOUETTES. Yiannis Lhermet

Par Collectif Ratures // Poésie // Grenoble

mire-pola

Soudain il ouvre les yeux !

- Vous êtes formidables…Vous êtes sublimes !

Il ne les supporte pas ces jeunes premiers qui ont le charisme d’une huître et qui murmurent des paroles mielleuses, la voix tremblante, les yeux mouillés…

- L’amour, l’amour, ils n’ont que ce mot à la bouche…

Et ces chanteurs qu’on voit depuis vingt ans…dont le seul mérite est de se casser la voix pour faire hurler quelques pisseuses de douze ans…

Lui, qu’est-ce qu’il en a à branler de ça…Après le boulot il rentre, crevé. Et c’est pour voir ces connasses se pavaner en petite tenue.

Et c’est pour voir ces soi-disant intellectuels qu’il ne peut pas encadrer s’asseoir autour d’une table et discuter.

De quoi d’ailleurs ?

Du dernier film de celui-là, du prochain livre de l’autre, de politique…

Plus ils expliquent, plus on n’y comprend rien.

Le costard de droite détruit les arguments du costard de gauche « à coup de oui mais vous » en quatre-vingt un… vous en quatre-vingt quinze… blablabla et blablabla et blablabla…

Mais qui sont-ils, au fond, ces gens qui font la pluie et le beau temps à la télévision ?

Ils ont chacun leur rôle à y jouer : la potiche sympa, le philosophe et l’autre comique à la noix qui n’est là que pour sortir une vanne, un jeu de mots minable.

Et ça parle au nom de la France !

- Le peuple français veut ceci… il ne supporte pas ça…

Qu’est-ce qu’ils en savent ces cocos ?

Et puis y a les jeux où l’on gagne du pognon avec des questions à la con.

A quoi ça sert de connaître la capitale de la Namibie si on n’y est pas allé ?

De savoir la date de publication des Fleurs du mal si on ne les a pas lues, enfin…

Ceux qui l’énervent le plus ce sont ces parasites qui fleurissent autour des grandes causes, qui n’ont d’existence qu’à travers elles : cette mémère, chanteuse périmée qui lutte contre le sida et puis ce grassouillet qui récolte des pièces…

Ce sont toujours les mêmes phrases : nous avons besoin de vous…

- Oui, mais de nous, qui s’en soucie ?

Il n’a même plus la force de s’énerver. Il est là, les yeux dans le vide, le pouce qui gigote sur la télécommande.

Les images défilent, les mots ne l’atteignent pas :

- Travailler avec Luc c’était extraordinaire…

- Un attentat sanglant a touché ce matin très tôt le centre de Bagdad… les autorités américaines comptent…

- On est déçu bien sûr mais les gars se sont bien comportés, on a fait notre match là…

- Je suis né en 1854 dans une petite ville du nord de la France. Mon père est parti dans les colonies... très tôt je compose mes premiers poèmes qui parlent de l’errance… je suis ?

   - Pour un lavage étincelant…

   - Je suis, je suis…  

   - Luc m’a montré le scénario, c’était magique ! J’avais l’impression que ce rôle avait été écrit pour moi et quand…

   - Arthur Rimbaud ! Oui, Pascal, c’est gagné !

   - Le deuxième vous est offert…

   - Demain les Verts joueront leur…

   - Mais si…

  

   - Bonsoir et à demain…


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