Une soixantaine de participants ont assisté à l’intervention du Président du Conseil Régional Jean-Pierre Masseret sur le thème “La Lorraine parle aux lorrains” dans la salle d’honneur du Conseil général.
Pour l’occasion, le président de l’association Gilles Lucazeau s’est transformé en “animateur-interviewer”pour soumettre Jean-Pierre Masseret à une série de questions auxquelles celui-ci a répondu de bonne grâce.
Les temps forts de l’intervention ont porté sur :
Quid de la fusion annoncée des collectivités territoriales ?
Jean-Pierre Masseret répond que la réforme ne permettra pas de réaliser une véritable économie de moyens contrairement à ce qui en constituait la légitimité.En effet, les conseils généraux pas plus que les conseils régionaux ne seront supprimés dans leur existence réelle; simplement, les effectifs d’élus départementaux seront revus à la baisse tandis que ceux de la région seront sensiblement augmentés, le total des uns et des autres étant plus élevé qu’aujourd’hui…Surtout, les “conseillers généraux” de nouvelle génération seront appelés à siéger au futur conseil régional en ta nt que “conseillers territoriaux”..
Le Président Masseret y voit l’inconvénient d’une dispersion de compétence et d’une mise à distance par rapport aux problèmes locaux qui risque fort de conduire à des incompréhensions ou incohérences au niveau décisionnel.
Et au final, la réforme sera plus coûteuse puisque le nombre total de conseillers au plan régional sera plus élevé..!
Gilles Lucazeau fait observer que pour nombre de concitoyens, le “mille feuilles” administratif constitue une énigme en terme de compétences que la réforme, risque fort de rendre encore plus obscure, ce dont ne disconvient pas Jean-Pierre Masseret qui se plaît au passage à souligner le rôle décisif dans notre pays des communes qui demeurent le lieu d’expression démocratique par excellence.
Il qualifie le projet de “métropolisation” (en ce qu’il favorisera l’émergence de métropoles urbaines) et de “recentralisation” (en ce qu’il marque la prédominance du pouvoir central de l’Etat).
Peut-on dire que les premières lois de décentralisation sont aujourd’hui abouties ou ne constituent-elles que le décalque au plan régional de la centralisation étatique ?
Jean-Pierre Masseret ne cacha pas que le fonctionnement des régions “à la française” ne répond guère à l’idée d’une véritable décentralisation, tant le pouvoir central garde la main sur les orientations principales en instituant des compétences obligatoires, déléguées ou non, s’appuyant sur des “budgets contraints”..Il fait observer sur ce point que la marge d’initiative du Conseil Régional qu’il préside s’appuie sur un budget de l’ordre de 10 % du budget annuel, soit environ 150 millions d’euros. A côté des ressources -10 fois plus élevées- dont disposent généralement les régions voisines (Allemagne, Belgique, Luxembourg), les régions françaises font pâle figure.
Il n’empêche que la Lorraine semble souffrir d’un déficit d’image. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Pierre Masseret ne nie pans le fait, considérant que la situation géographique et climatique de la Lorraine ne lui est guère favorable. Cependant, il pense que sa “proximité interrégionale” avec des pays d’Europe dynamiques devrait lui permettre de faire valoir sa forte capacité humaine. Il constate, pour le regretter, que la Lorraine n’a pas encore su remplacer l’outil industriel qui a fait sa force jusque dans les années 70. Cela pose évidemment le problème de sa capacité propre à se donner une légitimité vis-à-vis de l’extérieur (les autres régions) comme à l’égard des lorrains eux-mêmes; si la Lorraine veut reconquérir sa juste place, il lui faut croire en sa propre capacité humaine.
Le budget régional vous paraît-il suffisant pour faire face aux véritables enjeux et seriez-vous favorable à la levée d’un impôt strictement régional ?
Si Jean-Pierre Masseret se montre plutôt réservé surl’opportunité d’une levée directe “d’impôts régionaux” qui serait mal perçue par la population, il insiste en revanche sur la faible marge de manoeuvre dont disposent actuellement les Régions pour faire face aux véritables enjeux, notamment après les transferts successifs de compétence de l’Etat vers elles. Il milite pour une forte péréquation “fiscale” entre les Régions au profit de celles qui sont les moins favorisées.(Pour un budget annuel de plus de 1 milliard d’euros, la Région Lorraine doit en consacrer plus des deux tiers aux seules dépenses de fonctionnement..).
Manifestement, la question fiscale de répartition des ressources constitue aux yeux du Président l’un des moyens de développement incontournables de la Lorraine.
Et le contexte de crise économique auquel se trouve confrontée la nation toute entière n’est pas suffisant pour justifier la conduite d’une politique fortement inégalitaire entre les Régions. Il constate, et s’en inquiète vivement, que la dette publique qui s’élève aujourd’hui à près de 2.000 milliards d’euros représente un handicap lourd pouir l’avenir, quand on passe que chaque nouveau-né vient en Fvrance avec une dette inscrite de 30.000 euros!
Quels sont donc les modes d’action souhaitables pour la Lorraine ?
Jean-Pierre Masseret considère deux niveaux d’action possibles et souhaitables:
1/ Une action “interrégionale” dans la cadre de la “Grande Région” (dont il est le président actuel) et qui permettrait de favoriser des innovations technologiques complémentaires et d’ouvrir aux lorrains une zone d’échanges économiques dynamisante.(Actuellement, les lorrains sont 200.000 à passer chaque jour les frontières pour aller travailler “à l’extérieur”).
2/ Une “structuration régionale” autour d’un principe de “polycentrisme” (avec le développement du fameux “sillon lorrain” partant de Thionville pour abouitir à Epinal en passant par les deux pôles métropolitains que sont Metz et Nancy.
A cet égard, la voie d’une vraie régionalisation des politiques semble avoir été heureusement ouverte avec la “fusion” des universités de Lorraine dont le haut niveau qualitatif n’est plus à démontrer…
Au plan international, que pense le responsable politique que vous êtes, Jean-Pierre Masseret, des évènements qui touchent le monde arabe ?
Il convient, nous répond le Président, de prendre acte de cette évolution qui va dans un sens démocratique tout en restant vigilant à l’égard des nouveaux pouvoirs qui y feront suite.
S’il est nécessaire de s’indigner face à certaines situations, encore faut-il savoir “pourquoi” s’indigner…
Pour conclure son propos à large spectre, Jean-Pierre Masseret insiste sur deux points qui lui paraissent essentiels :
- la politique spéculative lui paraît tout-à-fait suicidaire.
- la République française ne peuit se transformer en une addition de communautés et les communautés qui y vivent doivent impérativement adhérer à ses valeurs d’universalité..
Après un aussi vaste tour d’horizon, des questions ont été posées par le public, l’une plus spécialement consacrée à la “réforme hospitalière” qui, dans sa présentation actuelle, ne peut être, selon l’intervenant, que vouée à l’échec tant le rôle déterminant des fonds de pension fausse les équilibres nécessaires entre secteur public et secteur privé (constat partagé par Jean-Pierre Masseret), l’autre s’interrogeant sur la juste place de la jeunesse dans notre pays.
Et pour conclure ces débats riches et soutenus, le président Lucazeau affirmera que la vraie chance de la Lorraine, ce sont les lorrains eux-mêmes, ce qu’approuve Jean-Pierre Masseret.