Ce qui suit a été déniché sur le site de l’association l’APRES à Toulouse
L’Association « l’APRES » se crée en Octobre 2008. Elle est le prolongement de la démarche d’ouverture à différentes sensibilités militantes d’alternatives sociales, culturelles, écologiques et économiques, suite à la mobilisation autour de l’Autre Liste aux élections municipales de mars 2008.
Ce souci de convergence se conçoit dans des débats où le consensus n’est pas recherché, mais où les multiples engagements individuels pourront s’exprimer dans le respect des différences, dans un lieu collectif non-hiérarchisé qui s’inscrit dans une transformation profonde et durable de la société.
l’APRES souhaite susciter une réflexion sur les alternatives et la diversité des engagements autour de l’intérêt général prioritairement local.
Trois vecteurs peuvent porter ce projet :
- un « autre » bar : lieu d’échanges dont la vocation n’est pas commerciale mais sociale, avec une presse disponible, des informations sur les différentes associations partenaires ou proches, des rendez-vous et une possibilité de tenues de réunions.
- une « autre » épicerie : relocaliser l’économie induisant l’évolution de nos pratiques de consommation alimentaires, en tissant des liens avec les producteurs locaux de produits naturels (pas exclusivement bio) et amoureux de leur métier.
- une programmation culturelle favorable aux rencontres et à l’ouverture, voire aux débats, autour d’intervenants sensibles à notre démarche.
Dans une note du 14 février, ce blog rend compte assez longuement d’une intervention et débat avec Alain Lefebvre autour de la "culture pour chacun", au cours de laquelle il propose son point de vue sur les nouveaux enjeux des politiques culturelles. Plus qu’un point de vue, une analyse éclairée dont je ne donne ici qu’un bref passage.
Après avoir brossé le panorama du contexte et tenté de clarifier les notions d’art, de culture et de créativité, Alain Lefebvre analyse l’actuelle remise en question des politiques culturelles
I La remise en question
« Le modèle de la politique culturelle à la française ignore le « citoyen ». Il est construit sur l’idée d’émancipation des individus qu’il faut éclairer par la rencontre avec les oeuvres de l’art et de l’esprit. Dans ce cadre, le citoyen n’est qu’un individu conditionné. Si on fait parler le citoyen, il demandera ce qui lui fait plaisir, il aura comme attente le divertissement alors que la politique culturelle s’est battue pour « l’épanouissement », qui passe par l’exigence artistique et non le plaisir facile. ». Constatation faites par Jean-Michel Lucas dans un texte de 2007 pour Uzeste musical. Dr Kasimir Bizou
2) La figure du spectateur émancipé ou le récepteur est aussi un producteur. Je reprend ici le titre du dernier ouvrage de Jacques Rancière, mais pas pour en faire l’apologie car je trouve qu’à côté d’une réflexion exigeante et complexe sur l’émancipation mais aussi sur la notion de distance (ce qui relie l’individu au social) le livre comporte un certain nombre de lieux communs. Cela dit on ne peut manquer d’être frappé par la convergence de ses propos avec ceux de Michel de Certeau 30 ans plus tôt. Ce même Michel de Certeau qui a servi de référence à toute une génération d’animateurs culturels et socio-culturels dans les années 70, du moins ceux qui n’étaient pas paralysés par le paradigme althussérien des appareils idéologiques d’Etat ou par le panoptique de Michel Foucault. Quelques extraits de Michel de Certeau dans Les arts de faire :
« Les protestations mêmes contre la vulgarisation/vulgarité des médias relèvent souvent d’une prétention pédagogique analogue ; portée à croire ses propres modèles culturels nécessaires au peuple en vue d’une éducation des esprits et d’une élévation des cœurs, l’élite émue par le « bas niveau » des canards ou de la télé postule toujours que le public est modelé par les produits qu’on lui impose. C’est la se méprendre sur l’acte de « consommer ». On suppose qu’ « assimiler » signifie nécessairement « devenir semblable à » ce qu’on absorbe, et non le « rendre semblable » à ce qu’on est, le faire sien, se l’approprier ou réapproprier. Entre ces deux significations possibles, le choix s’impose, et d’abord au titre d’une histoire dont l’horizon doit être esquissé. » (pp.240-241.)
Rancière dans une émission radiophonique « Les vendredis de la philosophie » reprenait de façon saisissante le langage de De Certeau : « Il n’existe nulle part d’individus passifs en face des images. Si l’individu est passif, le spectacle n’existe pas, l’image n’est pas vue. En face d’une image, en face d’un spectacle, il y a un travail d’attention, un travail de sélection, un travail de réenchaînement. Un film n’existe que par l’attention du spectateur. Le spectateur fait un peu son propre film avec celui qui est en face de lui, à travers toute une série d’enchaînement avec les spectacles qu’il a déjà vu, les montages d’images et de mots qui l’ont construit lui-même et qui font sa propre aventure intellectuelle. Pas besoin d’être « un intellectuel » pour avoir une aventure intellectuelle.
[…] Il y a comme une ruse du spectateur. On le programme, on lui propose du plaisir, il le prend mais pas forcément comme on veut qu’il le prenne. »
Dans Le spectateur émancipé p. 19 Jacques Rancière écrit encore ceci : « L’émancipation commence quand on comprend que regarder est aussi une action qui confirme ou transforme cette distribution des positions. Le spectateur aussi agit, comme l’élève ou le savant. Il observe, il sélectionne, il compare, il interprète. Il lie ce qu’il voit à bien d’autres choses qu’il a vues sur d’autres scènes, en d’autres sortes de lieux. Il compose son propre poème avec les éléments du poème en face de lui. »
Nul besoin, dans la perspective du spectateur émancipé, de faire appel à une intelligence collective qui ne serait rendue possible que par la main invisible de la Toile.
Alain Lefebvre confronte ensuite valeur d’échange et valeur d’usage des activités artistiques et culturelles, pour conclure :
Valeur d’usage, valeur d’échange, culture descendante/culture ascendante, des tensions à gérer plus que des oppositions frontales. La tension est forte. Ainsi les responsables culturels sont très fortement sollicités pour défendre les valeurs extrinsèques de la culture. C’est un devoir social, accompagné d’une nécessité financière qui oblige à rechercher des sources de financement dans d’autres lignes budgétaires.
Tout est à lire de cette clarifiante intervention : -à C’est ICI.
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