Malmené, le libéralisme le fut dans les années 1930 davantage encore qu’il ne l’est aujourd’hui. Pour batailler face au collectivisme qui monte irrésistiblement, le chroniqueur américain Walter Lippmann publie en 1937 La Cité libre. Journaliste influent, conseiller du président Wilson, il invite par cette somme à repenser les fondements d’une société de liberté. Fustigeant la volonté de l’État de « donner le bonheur aux hommes », il condamne dans un même mouvement progressistes, socialistes et fascistes. Contre eux, il plaide pour d’amples réformes, pour la défense des droits individuels via des lois générales. Happé par les nécessités de son temps, Lippmann puise cependant dans une profonde culture philosophique et historique. Pragmatique, il n’est pas absorbé par des idéaux désincarnés. Plutôt qu’un gouvernement raisonnable du « public », il voit dans la démocratie un faisceau d’individus intéressés. Au sortir de la Grande Dépression, l’ouvrage connait un succès colossal.
La refondation du libéralisme est alors en marche. A l’initiative de Lippmann, un célèbre colloque se tient à Paris en août 1938, qui réunit une vingtaine d’intellectuels, parmi lesquels Hayek, Mises, ou les Français Jacques Rueff et Raymond Aron. Les participants se disputent sur l’héritage du libéralisme classique, débattent des limites nécessaires de l’intervention publique. Depuis, l’historiographie a fait de cette conférence l’acte de naissance d’un libéralisme renouvelé, qui ne s’épanouira pleinement qu’après la Seconde guerre mondiale.
Pour le lecteur d’aujourd’hui, le magnum opus de Lippmann conserve une fraicheur et une actualité appréciables. Cette réédition s’ouvre sur une longue préface, qui ne tait rien des ambiguïtés entourant l’auteur (sa jeunesse socialiste, ses sympathies sociales-démocrates), et se referme sur l’héritage de cette figure majeure : un pensée rajeunie, plus solide, dont s’inspire notamment Hayek.
Guillaume Clérel
La Cité libre, aux Belles Lettres, 458 p., 29 euros.
Écouter à ce propos la première partie du Libre journal des Contribuables du 15 février, où Benoîte Taffin recevait Alain Laurent, directeur de la collection « Bibliothèque classique de la Liberté » aux Belles Lettres.
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LES COMMENTAIRES (1)
posté le 02 mai à 18:39
Ce livre est à relire, pour répondre à ceux qui caricaturent le libéralisme. Le blog de la Fondapol y consacre un article : http://www.trop-libre.fr/le-marche-aux-livres/plaidoyer-pour-un-etat-vraiment-liberal