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Etat chronique de poésie 1145

Publié le 28 février 2011 par Xavierlaine081

1145

Lorsque je vous rencontrais, c’était sans crier gare, sans prévenir, et rien ne pouvait laisser supposer ce moment. Vous marchiez, l’air si triste, parfois. Mes yeux malgré moi vous suivaient. Je ne pouvais faire autrement, voyez-vous : c’était plus fort que moi. Je savais vain ce cheminement qui nous prenait et nous entraînait, en des avenues surpeuplées, sans que nul ne puisse se douter.

Si souvent vous étiez comme une apparition. Parfois le jour, parfois au soir, lorsque, épuisé, mon pas se faisait lourd à l’approche de ma porte.

Nous n’échangions aucun regard. Nous aurions sans doute été très gênés si nos pupilles avaient pu se croiser. Alors, nous détournions nos visages, sans pour autant être dupes de ce qu’ils cherchaient à enfouir au plus profond de nos âmes : ce frémissement dans le corps et le cœur.

Nous étions satisfait de cette seule présence de nos ombres. Lorsque le hasard nous mettait face à face, il se trouvait toujours une forme d’évitement subtil.

Nous savions pourtant devoir vivre dans cette proximité. Parfois, je vous croisais sur un passage clouté. D’un œil fugace nous échangions un message silencieux, imperceptible, mais qui, à lui seul tenait dans ses mains toute l’intensité d’une émotion que nous voulions à tout prix cacher.

Nos âges nous avaient appris toute la méfiance nécessaire, la prudence de mise lorsqu’une palpitation insensible met en mouvement deux êtres l’un vers l’autre. Nous avions nos obligations qui se constituaient en paravent nous offrant une issue honorable.

Nous étions, au fond, simplement heureux de savoir que, chaque jour, même sous une forme éphémère, nous allions nous rencontrer.

Il est parfois de ces vies qui ne sont communes que par un lien ténu, invisible, subtil.

Ce fil est ancré au cœur de l’un et de l’autre, invisible au commun qui nous croise, mais tellement présent qu’il nous invite à rougir lorsque nous en découvrons l’existence.

Bien que m’interrogeant sur la multiplicité de nos rencontres, j’ai eu la décence de ne jamais vous suivre. Je me contentais de le faire dans mes rêves éveillés.

Discrètement, je surveillais vos allées et venues, sans jamais franchir la ligne de la bienséance. Certains auraient affirmé avec leur aplomb qu’il s’agissait là d’une attitude d’amoureux transi. Mais, voyez-vous, ce fut une constante de vie que de ne jamais imposer la rencontre tant qu’elle ne serait pas totalement incontournable.

On a sa dignité et que vaut la vie si elle ne se déguste pas en désirs non assouvis, en rêves jamais réalisés, en quêtes insatiables qui parfois s’effacent avec le temps, ne laissant au cœur qu’un léger pincement.

Je me contentais donc d’admirer ce que quelque chose en moi prenait pour de la beauté. Je ne savais rien de vous. Je tentais bien de lire en vos traits, dans un frémissement de votre visage, une coquetterie de votre regard ces infimes traces que laisse une vie pas toujours drôle.

Je me doutais de vos errements sentimentaux, de ces déchirures qui vous laissent seule, avec enfants pendus à vos chausses, vie désormais brisée aux écueils de l’amour.

La voile affaissée sur les espérances du lendemain, il y avait dans la réserve de votre pas, ce petit rien qui signe une infinie solitude devant des souffrances non choisies.

Il y avait aussi, lorsque vos enfants me regardaient avancer, tenant par la main ma propre progéniture, ces yeux envieux qui me suivaient un moment et que vous feigniez de ne point observer.

Houspillant leurs jeunes âmes, je lisais en secret une déclaration. Je la savais vaine. Trop peu de temps désormais pour décliner encore le moindre avenir. Il nous faudra attendre une prochaine vie, si quelque croyance nous en laissait l’espérance.

Chaque jour est ainsi tissé de ces relations non avouées, de ces instants fugaces qui viendront nourrir, au dernier souffle, le nécessaire retour en des vies multiples où les promesses d’hier pourront étancher leur soif.

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Manosque, 22 janvier 2011

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