Alors que les profits explosent chez les grands constructeurs, 50.000 suppressions d’emplois sont programmées dans la filière auto. Dans la vallée de Seine, de Flins en passant par Cléon jusqu’à Sandouville, Renault s’apprête à supprimer 2.000 emplois sur les 3 sites. Pour les équipementiers, la casse de l’emploi s’accentue : 316 licenciements chez Cooper à Bolbec, 730 emplois menacés chez Sealynx à Charleval.
Il n’y a pas que dans l’auto que les salariés trinquent. Cà licencie dans la Chimie comme chez IFRACHIMIE récemment. Dans le commerce, c’est la multiplication des suppressions de poste comme chez BUT ou CARREFOUR, avec l’application de la méthode KAIZEN venant de l’industrie. C’est sans compter aussi avec la multiplication des ruptures conventionnelles plus souvent imposées que réellement souhaitées dans les PME-PMI et les milliers de suppressions de postes dans la fonction publique, éducation nationale en tête.
En quelques années, cela représente des centaines de milliers d’emplois détruits. Au-delà des travailleurs licenciés, c’est aussi des centaines de milliers de familles qui basculent dans la misère et autant de jeunes qui ne peuvent pas décrocher leur premier emploi.
A l’unisson, le patronat et le gouvernement, nous disent que les licenciements d’aujourd’hui sont nécessaires pour le maintien de la compétitivité des entreprises, pour la création massive des nouveaux emplois de demain. Nouveaux emplois, mon œil ! Pas besoins de chercher beaucoup pour constater que les licenciés de NPC à Caudebec-lès-Elbeuf ou d’ailleurs ne trouvent pas de boulot, que nos gosses jonglent entre chômage, stages et petits boulots…
Défendre une nouvelle politique industrielle, une fausse bonne idée.
Quant à la « gauche », elle nous chante les louanges d’une nouvelle politique industrielle qui permettrait à la fois de maintenir l’emploi et de satisfaire l’appétit des actionnaires des grands groupes. Mais concrètement, cela passe par toutes les formes qui permettent de financer discrètement les entreprises avec l’argent public, c'est-à-dire avec l’argent de nos impôts. RENAULT connaît bien la musique, avec la mise en concurrence des productions entre les sites, ce qui lui permet d’obtenir de la part des majorités PS/PC comme des majorités de droite du fric de toutes parts (partenariat via les pôles de compétitivité, prêts à taux zéro, aides du Conseil Régional ou de la CREA).
Ce n'est pas en se berçant d'illusions sur d'éventuels intérêts communs avec les constructeurs ou en rappelant les liens sacrés entre RENAULT et la France que l’on va sauver les emplois. Les actionnaires, eux, ne pensent qu’à une chose : combien çà rapporte et vais-je gagner encore plus si je transfère l’activité ailleurs. Le patron de Sandouville ne dit rien d’autre quant il dit chiche au «projet industriel » de la CGT de l’usine, à la condition de se mettre d’accord d’abord sur la baisse du coût du travail de 20%. Même discours à Turin chez FIAT où l’on dit : « vous voulez garder du boulot, alors il faut accepter une dégradation des conditions de travail ». L’histoire récente nous montre que dès lors qu’on accepte ce cadre, les patrons vont nous bouffer tout cru.
Seule une lutte déterminée, dans l’unité, peut permettre de gagner sur la question de l’emploi
Que l’on se batte contre les licenciements ou sur la réforme des retraites, tout le monde comprend bien qu’on ne peut pas gagner boite par boite, que notre seule force, c’est notre nombre, c’est l’union des salariés, des jeunes et des chômeurs, c’est notre capacité à faire grève et à bloquer l’économie.
Bien sûr, la situation n’est pas la même chez les sous-traitants, confrontés généralement à des licenciements secs et chez les constructeurs, où dernièrement, les appels aux départs volontaires ont plutôt fait le plein. Si les conditions sont différentes, notre objectif doit être le même : préserver l’ensemble des emplois pour offrir un avenir aux générations futures.
L’initiative des Unions Départementales CGT de Seine Maritime, de l’Eure et des Yvelines, soutenue par Solidaire 76, de travailler à unifier les luttes des entreprises de la filière auto, avec le rassemblement organisé à Cléon le 18 février est un premier pas positif. Elargir le mouvement, aux autres organisations syndicales présentes dans la filière mais aussi tisser des liens avec les autres secteurs, de l’industrie, du tertiaire ou de la fonction publique, voilà ce à quoi il est nécessaire de travailler. Prochain objectif, la réussite de la manifestation régionale du 14 mars 2011 à Rouen.
Et ensuite ? Pas besoin de tourner autour du pot : la perspective est bien la préparation d’une grande manifestation nationale interprofessionnelle contre la casse de l’emploi et pour l’interdiction de tous les licenciements.
Interdire les licenciements, c’est bien de cela dont il s’agit car il n’est pas concevable qu’on laisse un seul salarié se faire licencier tant qu’un actionnaire s’accaparera ne serait-ce qu’un centime de profit. Répartir les richesses, répartir le travail entre toutes les mains en réduisant le temps de travail, remettre en cause le pouvoir des patrons : pouvoir de licencier, pouvoir de décider à notre place ce qu’on produit, pouvoir de faire du fric sur notre dos… voilà ce qu’il faut briser. Utopique ? Pas plus que les révolutions tunisienne ou égyptienne. De part le monde, nous sommes des centaines de millions à être les victimes d’un capitalisme qui n’enrichit vraiment qu’une toute petite minorité. Nous pouvons, nous devons changer ce monde !
Quelle stratégie pour gagner ?
Après l’échec de la puissante mobilisation contre la réforme des retraites, il est légitime de se poser cette question. Rien n’est simple, mais une chose est sure, c’est que l’orientation actuelle des confédérations syndicales n’apporte aucune réponse. Une fois de plus, c'est le saucissonnage des journées d’action, secteur par secteur, dont tout le monde sait qu’il ne permet pas de gagner. Les décisions du dernier CCN de la CGT n’aideront pas les militants à trouver le fil conducteur des luttes. Après des rassemblements devant les chambres patronales, le 24 février pour peser sur les négociations en cours sur les retraites complémentaires ; on va vers des initiatives multiformes le 8 mars sur l’égalité professionnelle puis sur une action sur la pénibilité le 28 avril et pour boucher les trous, une campagne salaires basée sur la tenue des NAO boîte par boîte…
Pourtant, d’autre choix sont possibles. Ainsi, refusant d’enterrer le « Tous Ensemble », l’AG interpro du Havre et l'intersyndicale CGT, FSU, Solidaires et CFDT ont organisé, le 1er février, un « meeting international de lutte ». Avec la présence de représentants syndicaux de Grande Bretagne, d'Espagne et de Belgique, d’entreprises en lutte comme les FRALIB (13), les FORD (33) ou encore les COOPER de Bolbec (76), c’est l’idée de la convergence des luttes qui a d’abord été mise en avant.
En appelant en clôture du meeting à ce que tous les syndicats européens et toutes les organisations du mouvement social élaborent une plateforme revendicative commune, coordonnent les mobilisations au plus vite, construisent un véritable plan d’actions et de grèves pour gagner, l’interpro du Havre a donné la voie à suivre.
Tout cela dépasse aujourd’hui le cadre européen. De Tunis à Tripoli, du Yémen à l’Egypte, de Paris à Washington en passant par Athènes et Buenos Aires, les revendications mises en avant par les travailleurs et les jeunes en lutte posent chaque fois les mêmes questions : celle de la répartition des richesses et celle du pouvoir. Il y a plus de 150 ans, Karl Marx scandait « Travailleurs de tous les pays – unissez-vous ». Ce mot d’ordre est aujourd’hui d’une actualité brûlante.
La puissance des grèves de l’automne 2010, en France, a montré que les forces existent pour refuser de payer la crise. Ici comme là-bas, nous devons prendre en main notre destin. Attendre 2012, pour choisir entre les partisans d’un capitalisme brutal ou d’un capitalisme qui le serait moins n’est pas la solution. Contre les suppressions de postes, pour l’interdiction des licenciements, pour l’augmentation générale des salaires et des minimas sociaux de 300 €, pour la défense de la Sécu, nous devons reprendre le chemin de la rue.