Chronique du lundi 28 février 2011.
Le test grandeur nature que constitue la rencontre contre l’Angleterre permet de savoir où en est l’équipe de France. La bonne nouvelle, c’est que l’on en est à peu près au même niveau que l’an dernier, à la même époque. On perd de peu en Angleterre après les avoir battu de peu chez nous. La mauvaise, c’est que l’on en est à peu près au même niveau que l’an dernier à la même époque. On assure les bases et on balbutie le reste. C’est le principe de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide selon l’angle de vision. Le problème, c’est qu’en cette année de Coupe du Monde, Marc Lièvremont a perdu du temps qu’il faudra rattraper à partir du 1er juillet prochain. Explications.
La France reste une nation majeure grâce à sa solidité : nous voilà rassuré.
Le match face à l’Angleterre a permis de nous rassurer sur la dimension physique de cette équipe. Elle a plutôt très bien tenu le choc face à la puissance Anglaise, étant même capable de faire déjouer son adversaire pendant toute la deuxième moitié de la 2ème mi-temps. Ce n’est pas un mince exploit et nous pouvons nous sentir rassuré sur les bases que sont la mêlée, la touche, l’organisation défensive et la densité physique au combat. J’avais, par exemple, émis des doutes sur la complémentarité de notre 2ème ligne et ce match a permis de me rassurer. La vaillance de la paire Nallet – Pierre a fait plaisir à voir et ces deux joueurs ont été performants aussi bien au combat que dans les airs. C’est même grâce à leur couverture du terrain, en complément de la 3ème ligne, que les attaques anglaises ont été incapables de trouver des espaces. Bravo à eux, ainsi qu’à l’ensemble de notre pack, qui tient la boutique depuis presque 2 ans maintenant.
Mais c’est bien là le problème. Nous avons un pack d’avant qui peut tenir la dragée haute à n’importe quelle équipe : Angleterre, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande. A ce sujet, rien de nouveau depuis le Grand Chelem 2010. Par contre, comme l’an dernier à la même époque, l’animation offensive de l’équipe de France reste anémique et balbutiante. Entre des joueurs qui n’arrivent pas à se trouver de manière limpide et rapide, la tierce Trinh-Duc -Jauzion – Rougerie, et des joueurs qui sont en manque de confiance, Clément Poitrenaud voire Moragan Parra, il est difficile d’espérer beaucoup d’une ligne de trois-quarts à géométrie variable. On peut toujours reprocher aux joueurs qui sont sur le terrain leur manque de performance, mais il est difficile de leur en vouloir quand on voit leurs conditions de travail. En plus d’être l’équipe qui s’entraîne le moins, la ligne de trois-quarts française change tout le temps. Comment voulez-vous que se développent des automatismes ? Comment peut-on espérer battre ses adversaires sur du timing de passe ou la fluidité dans le jeu de ligne ? Notre ligne de trois-quart joue comme une sélection, pas comme une équipe, et c’est normal. Les joueurs ont très peu de repères communs. Ils souffrent dès qu’il s’agit d’affronter des adversaires qui tentent de les mettre sous pression et qui, eux, ont un vécu commun fort et des automatismes qui leur permettent de faire la différence.
A cause de l’incapacité qu’a eu Marc Lièvremont à faire des choix et à s’y tenir depuis le mois de novembre dernier au moins, l’équipe de France balbutie son rugby et ce sera le cas encore jusqu’à la fin du Tournoi. Le contexte de la Coupe du Monde avec un squad fermé dès le départ et 2 mois d’entraînement permettra peut-être de rattraper le temps perdu. Peut-être…
De nouveaux points positifs malgré tout :
Un élément m’a marqué sur ce match, c’est la montée en puissance de François Trinh-Duc dans la conduite du jeu de l’équipe. En enchaînant les 3 matchs du Tournoi, le Montpelliérain prend de l’assurance et son jeu tend à s’épanouir. Il n’a pas un gros coup de pied, rien de nouveau, mais cela ne l’empêche pas de se servir de son jeu au pied pour créer l’alternance et mettre l’adversaire sous pression. On le sent décomplexé à ce niveau-là et, du coup, il commence à mieux exprimer toute la palette du 10, alternance pied -main, large- au près, ballons portés-passes, et surtout il donne l’impression de gagner une maturité dont l’équipe de France a grandement besoin.
Il serait peut-être intéressant de faire travailler, jusqu’à la fin du Tournoi, la paire de demis qui semble choisie par Marc Lièvremont, en remettant Morgan Parra titulaire. Cela permettrait, au moins, à ces 2 joueurs, de continuer à se construire un vécu commun, bien utile lorsqu’il faut prendre des options de jeu en un dixième de seconde.
Je suis un peu plus dubitatif concernant la paire de centres. Yannick Jauzion et Aurélien Rougerie ont rendu une copie propre mais, justement, peut-être qu’elle est un peu trop blanche, cette copie. Ils n’ont jamais réussi à surprendre des adversaires qui, bien que solides, ne sont pas la paire de centres la plus dangereuse du monde. Le problème, encore une fois, c’est que si vous êtes toujours en phase d’apprentissage commune, il est difficile de compter sur complicité et fluidité pour surprendre vos adversaires. Le moins que l’on puisse espérer, c’est que ces 2 là finissent le Tournoi ensemble, sur le terrain, pour monter en puissance et surtout en vitesse d’action.
Au chapitre retour, Vincent Clerc a montré une vélocité qui a semblé manquer par ailleurs. Sans Maxime Médard, et même des profils style Palisson ou Andreu, l’équipe de France ne semble pas capable de prendre de vitesse ses adversaires, ce qui est un autre problème pour marquer des essais. En plus de se pénaliser par le manque d’automatismes, le match de l’Angleterre a montré combien il est important d’avoir de la vitesse pour tenter de surprendre les défenses. Le positionnement de Damien Traille à l’arrière est, à ce sujet, problématique. Son gabarit ne lui permet pas d’être très rapide sur les premiers appuis, ceux qui peuvent faire la différence en bout de ligne, à ce poste. On voit l’évolution actuelle où des joueurs comme Foden, puissant et pas trop grand, apportent par leur vitesse un point d’impact décisif dans l’attaque Anglaise.
Une année blanche :
La défaite en Angleterre a certainement servi à en rassurer certains, mais elle ne nous a rien appris. Il n’y a rien de nouveau dans le jeu de l’équipe de France, si ce n’est quelques changements de tête. La surprise, c’est que les têtes nouvelles qui sont apparues, mis à part Yoann Huget, sont des têtes anciennes. Aurélien Rougerie a remplacé Mathieu Bastareaud et Dimitri Yachvilli, Vincent Clerc et Jérôme Thion ont fait leur retour. Est-ce qu’il faut se rassurer de ce supplément d’expérience ou s’inquiéter d’un retour passéiste d’un entraîneur devenu frileux ? Difficile à dire. En tout cas l’équipe de France a, ce week-end, assuré l’essentiel pour terminer ce Tournoi la tête suffisamment haute pour regarder en direction de la Nouvelle-Zélande. Rien de plus…
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