NOUVELLE
Editions du moteur (sortie 10 mars 2011)
Voici, en avant-première, le nouveau bijou de Stéphane Héaume : une nouvelle de 39 pages parue dans une collection "Histoires courtes" ("des histoires courtes qui pourraient devenir des films" selon les deux éditrices http://leseditionsdumoteur.fr/pages/editions1.php)
Un huis-clos dans un palais vénitien, un tableau du peintre tchèque Kupka, des mystérieux visiteurs retrouvés assassinés...Voici quelques éléments du décor...
"Carlo Baffometi -c'était le nom du maître- n'avait pas un ego atrophié, c'est le moins que l'on puisse dire. Il avait ordonné sa vie, carrières, honneurs, rumeurs, passions, autour du personnage qu'il s'était composé. Chaque fil de sa broderie intime avait été trempé dans le bain d'une musique en vitrail; une partition écrite par des soins, sur mesure, si je puis dire. Il aurait pu être chef d'orchestre ; il avait été l'un des grands décorateurs de cinéma du demi-siècle écoulé.
Ce n'est pas que l'art de la vitrine lui fut cher, il abhorrait le paraître ; c'est que l'enchantement était pour lui le but ultime, tout du moins le plus noble, de toute entreprise artistique. Combien de fois me m'avait-il pas dit lorsque je lui rendais visite dans sa chambre, les derniers temps. Allongé sur son lit dans la posture du gisant, déjà, les bras étendus le long du corps, à demi enveloppés dans un peignoir de satin pourpre piqué de minuscules croix d'or, il tournait son visage vers moi. D'une voix calme qui avait su dompter les foules, il murmurait :
"Hugo, mon petit Hugo, ne te désenchante jamais"
Justement, ce petit Hugo, né dans le palais vénitien de Minari, le palais de Baffometi, n'y est jamais sorti. Il n'en sortira que le jour de sa majorité.
Soixante dix ans plus tard, il se souvient de son enfance, dans cette prison dorée, mystérieuse, en compagnie de la servante du vieux décorateur et de son affreux secrétaire, Mindorf, odieux personnage.
Quelques mois avant ses 18 ans, tout se gâte. Le vieil homme est sur le point de mourir, tandis que de mystérieux visiteur sont retrouvés morts non loin du palais.
Tous ces mystères semblent avoir une origine : une aquatinte du peintre Kupka, l'idole noire...
L'écriture de Héaume, très visuelle, donne naissance à de magnifiques tableaux envoûtants comme celui dont il est question. Après le point final de la nouvelle, on aimerait encore déambuler longtemps dans cettte propriété.
Un merveilleux conte sur le maléfice de l'art.