Dans la toponymie érotique imaginaire, il y a un septième ciel... C’est probablement ce septième ciel là qui inspire Philippe Le Guay, le réalisateur du film « les femmes du 6° étage ». Ces femmes du 6° étage, ce sont les petites bonnes espagnoles qui colonisent les fameuses « chambres de bonnes » d’un hôtel particulier parisien. Le propriétaire s’appelle Jean-Louis Joubert, il est incarné par Fabrice Lucchini, homme d’argent austère et un peu coincé.
Elles sont une bonne dizaine à mener là-haut la corrida et à mettre du soleil sous le toit... à partager leurs petits secrets et leurs misères, à dire du mal ou à se moquer gentillement des patrons, à chanter la sérénade et à bavarder avec l’accent du sud.
Sitôt qu’elle réussit la « cérémonie d’investiture de l’œuf coq du matin » si cher à « Monsieur », la petite Maria adoubée par les Joubert, « fait aussitôt des merveilles » dans la maison. Et voilà que Monsieur se met à ouvrir les yeux, à rêver sur les peintres espagnols, sur la sensualité des Vélasquez et des Goya, sur l’image tourbillonnante de la Gitane au dos du paquet de cigarettes dérobé à son associé. Les doigts claquent, les pieds frémissent, le ventre tord (savoureuse scène des comparses de Maria, un brin superstitieuses, penchées sur le lit de Monsieur et occupées à lui « enlever le mal »).
C’en est fait. Joubert ne dort plus, se désintéresse des affaires, ne jure plus que par la grâce torride de la jeune fille dont le charme pourtant discret est relevé par l’exubérance de ses comparses, claquant des mains, roulant les hanches, martelant le sol du talon sur les airs enflammés du flamenco. Et voici Patrice Lucchini, les yeux hallucinés, le corps en castagnettes, torrero malgré lui, (le même qui, dans un spectacle bien réglé, récitait Céline ou « un Cœur simple » mais qui subissait aussi le charme de Louise Bourgoin dans « la Fille de Monaco ») Fabrice à nouveau entraîné dans une folle corrida, dont l’issue n’a de sens que dans la jubilation du spectateur.