Dépression post traumatique

Publié le 27 février 2011 par Darouich1

Impossible de faire quoi que ce soit hier soir. J’ai fait au plus simple pour le dîner. Une petite soupe pour moi. Notre puce, ravie, a eu droit à un supplément de saucisses. Je l’ai prévenue que nous irions nous coucher tôt. Pour que cela soit efficace, je l’ai autorisée à dormir dans notre chambre. Je ne suis pas sûre que les psys seraient d’accord mais je ne peux pas faire autrement, j’ai besoin d’elle. Nous étions couchées à 20h30. Je lui ai lu péniblement une première histoire. Elle l’a terminée avec son imagination et n’en n’a même pas réclamé une deuxième. C’est dire à quel point elle a du sentir mon épuisement. Laquelle de nous deux s’est endormie la première ? J’ai dû la battre d’un battement de paupières. Depuis qu’elle dort avec moi, j’ai remarqué que son sommeil est très agité. Comme toi, elle parle en dormant. Elle parle trop doucement pour que j’arrive à comprendre ce qu’elle dit mais elle prononce des phrases entières et cela m’intrigue. Est ce normal ? Le contexte familial y est-il pour quelque chose ? Elle a toujours beaucoup bougé la nuit. Nous l’avons toujours trouvé tête bêche le matin. Sauf que dormant près de moi, elle me réveille parfois en sursaut. Cette nuit, j’ai senti une pression sur mon ventre. Quand j’ai ouvert les yeux, elle était agenouillée devant moi, une main pressée sur mon ventre, les yeux mi-clos. « Est-elle somnambule ? », me suis-je demandé, un peu effrayée. Elle cherchait tout simplement une position pour se recoucher. Elle a spontanément posée sa tête sur mon ventre et s’est rendormie profondément. Elle n’a eu l’air de ne s’apercevoir de rien. Ce n’est pas la première fois que je la vois à moitié levée dans son lit, les yeux mi-clos et murmurant des choses que je n’entends pas.

Dimanche dernier après la messe, j’ai salué le prêtre qui a baptisé notre puce et qui a célébré tes funérailles. Il m’a demandé comment j’allais. Je n’ai pas eu envie de lui mentir et je lui ai dit que je n’allais pas très bien en ce moment. Les humains quels qu’ils soient n’aiment pas qu’on leur fasse ce type de réponse. Il m’a chaleureusement pris la main mais a été un peu surpris par ma réponse. « Mais sinon, vous avez des amis, de la famille, des personnes qui peuvent vous aider à vous organiser ? ». « Je n’ai aucun problème avec l’organisation de ma vie grâce à la solidarité de ma famille, de mes amis, de mes voisins, de tout le monde. Je n’arrive simplement pas à m’habituer à son absence. C’est cela qui est dur, faire face à l’absence ». Il a hoché la tête en signe de compréhension mais n’a rien pu me dire. Que peut-il y faire ? Même un prêtre ne peut rien contre ce que je vis. Il m’a proposé de le contacter si besoin. Je suis sûr qu’il a été soulagé que je prenne congé sans insister davantage. J’imagine qu’il doit faire pour moi ce qu’il sait faire de mieux : prier. Je ne lui en veux pas. Je serai moi-même incapable d’apporter une réponse adéquate à une personne en deuil. Que peut-on y faire d’ailleurs ? La mort a ceci de particulier qu’elle est irréversible.

Les jours s’allongent. D’habitude cela me met en joie. Fin de l’hiver, annonce des beaux jours. Cela me redynamise d’ordinaire. Ce matin avant d'arriver sur mon lieu de travail, je suis allée à la boulangerie et j'ai acheté une formule: 3 pains au chocolat pour 1€90. J’ai recommencé à lire dans les transports, le livre de Christophe Faure que j'avais interrompu en plein milieu. Le hasard faisant particulièrement bien les choses, j’ai repris mon livre au moment où l'auteur parle de la colère. Inutile de mentir, je t’en veux. Je t’en veux de ce que tu nous obliges à vivre ta fille et moi. Je m’en veux de ne pas avoir réussi à te protéger. J’en veux surtout à Dieu d’avoir permis que tu souffres autant. J’ai compris avec Christophe Faure que ce que je vis depuis quelques semaines est normal. Cela s’appelle une dépression post traumatique. Mon envie de mourir, mon incapacité à me projeter dans l’avenir et même mon incapacité à me dynamiser à travers notre puce, fait partie du processus normal du deuil. De le lire m’a rassurée. Je me disais que notre puce n’avait vraiment pas de chance. Son père se donne la mort et sa mère veut le suivre. Comment est-ce possible alors que nous l’avons désirée et que nous l’aimons profondément ? C’est comme cela, c’est tout. Cela n’a rien à voir avec l’amour que je lui porte. Cela à avoir avec ton absence et la violence de ton geste. Je ne suis pas que la mère de notre puce. Je suis aussi ta femme.
Ce soir avant de reprendre les transports, j'ai racheté 3 pains au chocolat pour 1€90. Avec mes 10kg en moins, 6 pains au chocolat dans une journée n'ont aucune importance.