Finalement, de quoi se plaint-on ?
On pensait revenir de Twickenham avec une valise pleine et on rentre à la maison avec une défaite honorable (9-17) et le sentiment que, finalement, il y avait la place pour remporter une onzième victoire dans le sanctuaire du rugby anglais.
Mais si les partisans du verre à moitié plein se satisferont sans doute de cette défaite très éloignée de l'humiliation promise, les tenant du contenant à moitié vide retiendront de cette confrontation que le XV de France n'a pas gagné en intelligence depuis leur escapade Irlandaise.
Par ailleurs, on voyait sans doute l'équipe d'Angleterre plus forte qu'elle n'est en réalité. Et pour tout dire, il n'est pas impossible qu'au gré d'une préparation réussie, les tricolores parviennent à se défaire de la formation à la Rose en quart de finale de la prochaine Coupe du Monde (c'est en effet à ce stade de la compétition que les deux équipes devraient se rencontrer).
En attendant, disons-le tout net, les Anglais méritent leur victoire, patiemment construite devant, avec une mêlée qui a vite rappelé à son homologue française qu'il ne fallait pas tirer une généralité d'une domination face à des formations notoirement moins bien équipée que la blanche Albion. Au passage, la blessure du gaucher Andrew Sheridan a permis aux tricolores de reprendre en main un dossier bien mal embarqué.
Mais si les sujets de sa très gracieuses Majesté numérotés 1 à 8 ont répondu aux attentes de leurs supporters, ce fut bien moins réussi derrière. Les flèches blanches pourtant si efficaces jusqu'à présent ont eu du mal à décocher les fulgurantes attaques qu'ont leur vit produire à l'occasion des deux dernières rencontres. La faute, notamment, à une pression défensive très forte exercée par les défenseurs Français. Une pression pas toujours maîtrisée, d'ailleurs, puisque l'arbitre de la rencontre sanctionna à au moins deux reprises les hors-jeu de ligne, offrant à la botte de Toby Flood des munitions intéressantes et converties en points.
Sur l'ensemble de la rencontre, et au risque de paraître suffisant, on affirmera sans ambages que les Français ont très largement offert à leurs adversaires les situations qui leur ont permis de l'emporter.
Comme face à l'Irlande, par défaut de lucidité ou, pire, par manque d'intelligence, les hommes de Marc Lièvremont ont donné à leurs adversaires les occasions de scorer, alors que la défense Française paraissait susceptible de maîtriser les assaut Anglais.Ainsi, le seul essai du match, marqué par le XV de la Rose, fut inscrit sur une entame de deuxième période totalement galvaudée par les tricolores.
Et si, côté bleus, on a perçu une nette amélioration dans l'animation offensive, avec une paire de centres Jauzion - Rougerie plus complémentaire qu'escomptée, les fautes de mains, prises de balle arrêté et autres mauvais choix ont vite confirmé que les joueurs n'ont pas eu assez de dix jours pour peaufiner leurs automatismes. Bien qu'en progrès, le Bayonnais Yoann Huget n'a toujours pas convaincu et l'absence de Maxime Médard a fait cruellement défaut à cette équipe.
La charnière n'a pas suffisamment pesé sur le jeu. En particulier Dimitri Yachvilli n'a pas toujours su dynamiser le jeu, et il a même raté des transmissions. Il faut dire qu'une fois de plus, les tricolores ont souffert dans les rucks et, surtout, sur les maules. A la décharge du demi de mêlée français, il n'est pas facile de jouer derrière des regroupements mis sous pression...
Devant, il se confirme que Sébastien Chabal n'est pas le huit dont le XV de France a besoin. Ses interventions n'ont jamais été décisives et il n'a jamais avancé sur ses prises de balles. C'est pourtant son fond de commerce. La troisième ligne a été, de manière générale, moins performante qu'escomptée, et la paire Nallet-Pierre affiche ses limites.
Au terme de cette rencontre à l'intensité certaine mais à la qualité de jeu médiocre, on peut estimer qu'une fois de plus, les bleus repartent de Twickenham avec le sentiment d'être passés tout prêts d'un succès qui, franchement, n'aurait pas été volé. On n'accusera pas l'arbitrage d'avoir compté dans la défaite, même si on peut regretter une étonnante cécité sur les en-avants et les lancers en touches pas toujours rectilignes de la part de nos amis Anglais. La responsabilité de la défaite incombe au premier chef aux Français eux-mêmes et aux Anglais, qui ont fait ce qu'il fallait pour convertir leurs occasions. Bien qu'en deçà de ce qu'on pouvait attendre au vu de leurs dernières sorties, les hommes de Martin Johnson sont visiblement les mieux armés pour remporter le Tournoi 2011. Ils pourraient même faire le Grand Chelem...
Ce qui est certain, c'est que les sélectionneurs des trois grandes nations du sud peuvent dormir tranquille. En l'état actuel des choses, on ne voit pas comment la coupe du monde pourrait échapper à l'une de ces équipes.