Derrière les apparences : voici le thème de cette semaine chez les Impromptus Littéraires
Elle est arrivée là un peu par hasard. Sans point de chute. Elle a rejoint le flot des gens qui partent pour démarrer une nouvelle vie. Laisser ses souvenirs et essayer de les oublier, comme si avant il ne s’était rien passé. Elle s’est échouée dans cette petite ville de province. On la voit dans sa blouse blanche au liserérosé à servir les clients. Derrière le comptoir, elle s’affaire avec efficacité. S’occuper les mains lui permet de ne pas penser.C’est devenu son échappatoire même si la culpabilité, la douleur ne franchissent jamais cette porte de sortie. Aimable, polie, jamais désagréable. Elle s’efforce de rigoler aux blagues déjà entendues maintes fois, de s’intéresser au temps qu’on prédit. Elle sourit quand on lui demande « une baguette de pain, ma jolie ! Normal, hein ? On est dans une boulangerie ». Ne s’offusque pas quand les derniers clients débarquent pressés un peu avant 19h30 et s’étonnent, méprisants qu’il n’y ait plus de choix. Les remarques désobligeantes glissent sur elle. Les compliments ou les mots gentils, pareil. Elle s’active du matin au soir. Toujours la dernière partie pour reculer le moment où elle devra retrouver son studio meublé. Derrière les apparences d’une vendeuse, elle dissimule une vie qu’elle a perdue. Machinalement, elle enlève sa blouse puis se démaquille. Elle se retrouve seule avec elle-même devant sa glace. Sans les artifices dont elle se munit sur la journée, son visage lui renvoie son passé. Violent, douloureux. C’est le moment le plus dur. Celui où elle doit se confronter à ses cauchemars. Elle s’agrippe au lavabo et pleure. Elle s’effondre sur le sol en murmurant « mon bébé, mon trésor ». Comme si ces paroles pouvaient lui ramener l’enfant qu’on lui a pris. Son enfant.