Revue de l’ouvrage de Sophie Coignard, Le pacte immoral, Albin Michel, 2011.
« Mais ce jour-là, j’ai voulu comprendre. Comprendre l’hypocrisie, l’égoïsme de caste, le cynisme d’État, l’incapacité à réformer et, plus encore, à faire exécuter les décisions. L’éducation comme priorité absolue : la réalité, depuis plus de vingt ans, dément ce discours. »
L’intérêt de l’ouvrage
Je pourrais dire que le livre est Brighelli approved. Mais ce serait court.
Chaque année voit son lot d’ouvrages dénonçant la catastrophe de l’école. Le constat est amplement dressé et le problème a été analysé en tout sens : quel intérêt à un énième livre sur le sujet ?
C’est que Sohpie Coignard lève le voile sur les hautes sphères. Elle montre comment la convergence de certains intérêts concourent, au plus haut niveau, à la déliquescence sans fin du système scolaire.
Coupables connivences
Le titre de l’ouvrage est on ne peut plus clair. Il ne s’agit cependant pas de complotisme ; simplement de décrire la combinaison de facteurs concordants.
Des ministres peu motivés et sous la tutelle de Bercy, jusqu’aux enseignants indisciplinés et trop peu sanctionnés, en passant par les inspecteurs acquis aux thèses pédagogistes fumeuses ou par des syndicats oublieux de l’intérêt des élèves et de leur famille, l’univers ainsi décrit vous donne la nausée.
Tous et tout s’accommodent d’un système qui permet, à ceux qui savent, de tirer leur épingle du jeu. Peu leur importe, dès lors, que les autres se noient. Le pacte ainsi factuellement établi est simple : tant que la minorité privilégiée, à laquelle appartiennent d’ailleurs les Diafoirius qui ont concocté les ineptes réformes ayant fossoyé le système, s’en tirent, pas question de s’attaquer aux dysfonctionnements ! Pas étonnant qu’un problème qui se pose depuis trente ans n’ait jamais été réglé…
Mais l’État, toujours
Le tableau que brosse Sophie Coignard est proprement consternant. On pouvait se douter de certaines chose, mais la figure d’ensemble montre l’incurie généralisée et l’épais je-m’en-foutisme qui règnent jusqu’aux plus hauts sommets.
Il est clair qu’on ne peut se fier aux politiciens et aux fonctionnaires pour gérer une chose aussi capitale que l’éducation de nos enfants.
Pourtant, l’auteur ne va pas jusqu’au bout. Elle se contente d’une description dénonciatrice, sans pour autant tirer toutes les conclusions qui s’imposent. Elle ne voit pas que l’étatisme est le responsable et qu’il ne pouvait en être autrement (surtout quand on tient compte de la gestion de la fonction publique en France). C’est la grande faiblesse de l’ouvrage.
L’auteur épargne également trop les enseignants ; elle cède quelque peu à la tentation facile de les opposer aux méchants syndicats et aux vilains décideurs. Les enseignants sont certes victimes, au quotidien, du naufrage, mais leur attitude collective contribue à faire perdurer le désastre. Leur manque d’imagination et d’audace, leur passivité, leur mesquinerie statutaire, réduisent leur horizon contestataire à réclamer plus de moyens à système constant… Eux aussi ont pactisé.
Si l’on veut donc avoir une idée de ce qu’on pourrait faire, on lira utilement le livre de Philippe Némo, Pourquoi ils ont tué Jules Ferry ?, Grasset, 1991.