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Article d'opinion : Qurayshiyah DURBARRY (Île Maurice).

Par Ananda

JE FAIS UN RÊVE !

Il y a presqu’un demi-siècle de cela, nous avons obtenu notre indépendance. Cet évènement historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l'espérance dans les yeux de notre peuple. Mais 42 ans ont passé et nous en sommes toujours au point de départ. Au lieu d’être unis par notre indépendance, nous nous sommes divisés en religions, en castes, en groupes. 42 ans ont passé et nous vivons encore sur l’île solitaire de nos croyances, dans ce vaste océan de culture qu’est notre île et on se regarde toujours avec le même regard méfiant. 42 ans ont passé et nous sommes toujours hindous, musulmans, chinois et tamouls, mais pas mauriciens. 42 ans ont passé et « sinoi pa dimoune, lascar raciste, indiens pingres» et nous proclamons toujours haut et fort que nous ne sommes pas racistes !
On nous a montré un leurre. Tous les articles des droits humains ont été signés selon lesquels tous les mauriciens, femmes et hommes, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. Or ces papiers jaunissent au fond d’un tiroir. On nous a montré une oasis mais quand on s’en est rapproché, c’était le désert qui nous entourait. Il est aujourd'hui évident que notre république a failli à sa promesse. On a délivré au peuple un chèque sans valeur ; un chèque qui est revenu avec la mention "Provisions insuffisantes". On foule aux pieds la méritocratie. L’inégalité communautaire est flagrante. Je l’embauche parce que c’est quelqu’un de ma communauté. Les protégés envahissent tout, partout. Les cousins et les neveux sont sur place parce que ce sont les cousins et les neveux de Monsieur X ou Y. Ils encombrent les bureaux, sans diplôme et certificat tandis qu’il y a des chômeurs qui sont plus qualifiés !
Le temps est venu de sortir de la glaise où nous avons vécu pendant ce demi-siècle. Il ne suffit pas de hurler « Nou pays, nou fierté » comme slogan pour changer les mentalités. Notre expression, notre opinion sont entendus mais oubliés aussitôt. Le moment est venu de rendre manifeste cette honteuse situation. Nous devons nous lever pour dire que cela suffit, et c’est aujourd’hui que nous devons le faire !
Un tsunami de développement a déferlé sur nous. Mais à quoi bon ce succès si, aujourd’hui, il nous manque l’essentiel ? On a l’internet à haut débit 24h sur 24 mais on n’a pas d’eau, pas d’électricité 24h sur 24 ! Avec toute cette pluie comment peut-on avoir des coupures d’eau ?! Les prix augmentent en flèche. Même avec la valeur du billet les achats ailleurs coûtent moins ! Même le lait, aliment de base, est devenu, pour bon nombre de nos compatriotes, un aliment de luxe!
Le moment n’est plus d’attendre qu’un jour nous atteignons le pied de l’arc-en-ciel. Le chaudron d’or est à notre portée si nous créons notre arc-en-ciel ! Le moment est maintenant venu de réaliser le rêve d’une île développée où il fasse bon vivre. Où tout le monde puisse jouir d’un minimum de facilités, d’un minimum de droit ! Où la grève de la faim ne devienne pas un ultime recours pour que nos droits les plus élémentaires soient respectés ! Où nous n’ayons pas à frapper aux portes des ministres pour obtenir la moindre chose. Où nos droits soient acquis et non donnés ! C’est le moment de créer vraiment cette île carte postale que nous pavanons dans tous les magasins touristiques.
Il est temps pour nous, les jeunes, de se faire entendre. Nous en avons assez de parler à des aveugles et à des sourds. Nous devons tous nous cramponner au câble du mauricianisme, le seul câble qui nous unisse. Il faut aimer notre pays, aimer notre langue et notre culture.
Nous nous révolterons tant que nous n’atteindrons pas l’égalité, tant que la méritocratie ne prévaudra pas, tant que les postes ne seront pas occupés par des personnes qualifiées. Tant que les pauvres n’atteindront pas le même niveau de vie sociale que les riches. Tant que nous ne regarderons plus les autres d’un œil suspicieux. Tant qu’on refusera d’accepter l’autre comme son frère ou sa sœur ! Cloîtrés dans notre petite "île" mentale, nous  sommes incapables de voir au delà de notre pensée limitée. Nous n’avons pas encore appris à embrasser notre prochain, même s’il est différent. Nous n’avons pas encore appris que la différence, au lieu d’aliéner, enrichit !
Même si ce n’est pas une bataille gagnée d’avance, mes amis, je fais pourtant un rêve. Je rêve qu’un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : Nou pays, nou fierté. Je fais aujourd'hui un rêve ! Je rêve qu’un jour musulmans, hindous, tamouls, chinois pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité, sans préjudice ni hypocrisie. Je fais aujourd'hui un rêve ! Je rêve qu’un jour, nous vivrons dans un lieu où les riches n’auront pas tous les avantages en raison du fait qu' ils peuvent tout se payer, tandis que les pauvres, eux, doivent se contenter du strict minimum. Je fais aujourd'hui un rêve ! Je rêve qu’un jour « Nou pays, nou fierté » ne sera pas seulement un slogan mais un cri qui sortira des poumons de tous avec ferveur. Je fais aujourd'hui un rêve ! Je rêve qu’un jour nous chanterons cet hymne avec fierté :
« Around thee we gather
As one people as one nation
In peace, justice and liberty”
Et que ces vers sonneront en tant que vérité. Qu'un jour, nous nous attraperons par la main, et dirons : « Unis enfin !! Unis enfin !! Nous voilà unis. Enfin !! »


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