nan, j'déconne!
Un bledard, c'est juste un type qui, un jour, a quitté son pays pour venir travailler en France et qui, tous les ans, à la même date, retourne au bled pour tuer un peu la nostalgie et retrouver ses racines. Tu peux lui proposer 15 jours de vacances sur une plage à Honolulu avec des femmes à poil, il s'en fout, lui ce qu'il veut, c'est rentrer "chez lui", pendant un mois, chaque été.
Donc, en bonne fille de bledard que je suis, j'ai traversé l'Europe chaque été en voiture avec mes parents, sur des trajets qui duraient de 24 à 48h (mais si, c'est possible, regarde autour de toi, tu connais forcément un bledard dans ton entourage!!) pour aller retrouver le Paradis sur terre (mouarf) : ZE BLED.
Toutefois, l'été de mes 14 ans, l'envie de prendre le large pendant les deux mois de vacances me titillait grave, la perspective de retrouver une tante nettement plus cool que ma mère et une cousine avec qui faire les 400 coups me branchait bien plus que l'idée de rouiller en bas de mon HLM (ah putain, c'qu'il est blême...) par 37°C.
Il se trouve que ma copine-voisine, 14 ans elle aussi, partait au bled dès la fin du mois de juin, accompagnée de sa grand-mère. Je suis donc arrivée à convaincre mon père de me laisser faire le trajet avec elles (la grand-mère était d'accord) en autocar. 30 heures d'autocar. J'étais motivée.
Ma copine et moi étions ravies : elle avait de la compagnie pendant tout le trajet et moi, je me faisais enfin la malle un été entier. Quelques jours avant le grand départ, on échafaude des plans, on se met d'accord, l'autocar part à 11h, on dit à nos parents de se retrouver à 9h30, on fait le trajet jusqu'à la gare routière (40 km) ensemble.
Le jour J, un samedi! Premier samedi des grands départs en vacances de l'été! Je suis sur le parking avec ma valise, mes parents, il est 9h30, on attend ma copine. Qui ne vient pas. 9h45, toujours personne. 9h55, je propose d'aller sonner à la porte, personne ne répond. 10h05, mon père, furieux, en arrive à la conclusion qu'ils sont partis sans nous.
"Saletés de gamines qui échafaudent des plans entre elles sans rien nous dire, de toute façon, j'ai jamais aimé son père, il n'en fait qu'à sa tête, blablabla, blablabla".... Furax, le pater. Et dans ces moments-là, il ne faut pas lui en compter. L'autocar part dans 55 minutes, on ne va pas lui la faire. Il ne sera jamais dit, ô grand jamais, que Monsieur Et sinonrien père va rater un autocar à cause de Monsieur Voisin qui ne pense qu'à sa gueule! Non, madame!
Et nous voilà partis sur l'autoroute des vacances (c'était vraiment mon jour de chance), à slalomer entre les Belges, "une fois", les Allemands "achtung bicyclette!", les Hollandais prêts à se mettre à poil au bord d'une rivière ardéchoise, le tout tranquille à 170km/h (la voiture, toute neuve, était en rodage...). Je n'avais jamais vu mon père dans cet état. C'était une question d'honneur. A 10h52, il arrêtait la voiture sur le parking de la gare routière après un freinage digne de Starsky et Hutch. Quel homme. (depuis ce jour, j'arrive toujours 3/4h à l'avance quand je dois prendre un quelconque transport en commun...)
Nous sortons en courant de la voiture, nous rejoignons vite l'autocar, ma copine est là, avec sa grand-mère, j'oublie tout mon stress. Il est 10h57.