A ma première écoute du 11ème album de Bright Eyes (déjà presque 15 ans de carrière !), je comptais en dire du bien. Et puis avec les écoutes, inhabituellement, le disque en question sonne finalement assez creux. Si le niveau dépasse largement celui des deux derniers albums solo de Conor Oberst, il n’atteint en rien la force dévastatrice de Lifted or The Story Is in the Soil, Keep Your Ear to the Ground, pour moi le sommet inégalé du groupe. Attention n’allez pas croire pour autant que The People’s Key est mauvais, mais on est en droit d’attendre un peu mieux du nouveau Dylan.
Quatre ans se sont donc écoulés depuis le très correct Cassadaga, et Bright Eyes continue d’évoluer. Le noyau dur s’est aujourd’hui resserré autour de Conor, Mike Mogis et Nate Walcott, ce qui n’a pas empêché le groupe de recruter quelques guests au sein de groupes amis (Cursive, Autolux, The Faint, The Berg Sans Niple). Pour ceux qui écoutent les paroles, le songwritting reste très bon. On y parle du futur, de philosophie, d’évangélisation, de voyage dans le temps, de la mort… avec une nouveauté chez Bright Eyes, une référence marquée au rastafarisme, avec l’intervention en fil conducteur de la voix de Denny, leadeur d’un obscur groupe texan auquel Conor semble vouer un culte. Mais le principe n’est pas nouveau non plus, c’est même l’une des marques de fabrique du groupe, notamment sur Lifted… .
C’est cette voix qui introduit "Firewall", et l’album par la même occasion. Un morceau pas si mauvais, dans un pur esprit Bright Eyes. Mais après ça patine un peu, dès "Shell games", premier single, on note l’apparition d’un synthé de moyen goût. Le titre est en effet taillé pour les ondes, malgré quelques fulgurances appréciées (à 2’30" par exemple). Qu’on ne s’y trompe pas, le timbre de voix de Conor est toujours aussi reconnaissable, et son talent pour écrire des folk songs qui marchent reste intact. Mais un disque spirituel qui manque d’ "âme" c’est un peu le comble vous en conviendrez.
Pour résumer on peut dire que l’album est fait de chansons down tempo sympathiques : "Approximative sunlight", "A machine spiritual", de chansons plus rock : "Jejune stars", "Triple Spinal" et de titres franchement inutiles : "Beginner’s mind", "Haile Selassie". En fait s’il ne fallait garder qu’un titre ce serait cette ballade crève-cœur écrite en période de deuil pour un ami, "Ladder song", où l’on retrouve enfin l’émotion de Conor, seul au bord d’un vieux piano. C’est bien peu à se mettre sous la dent pour ce qui est peut-être l’album d’adieu d’un groupe qui a déjà livré beaucoup.
En bref : la bande à Conor Oberst rajoute 10 folk songs à son répertoire déjà bien chargé, mais pas forcément les plus indispensables. On reste sur notre faim quand on sait de quoi ils ont été capables, et surtout quand on voit ce que peut faire la concurrence.
Le Myspace
"Ladder song" et l’album entier en écoute dans le salon de Conor: