Auteur : James A. Levine
Titre : Le cahier bleu
Edition : Pocket 2011 (247 pages)
Quatrième de couverture : « Vendue à neuf ans par son père, Batuk n’a pour seul horizon qu’une unique rue de Bombay. Et pour toute compagnie les clients qui viennent assouvir leurs pulsions sur une jeune fille dont le seul tort est d’être jolie. Mais au fond de la case qui lui sert de chambre, Batuk cache un véritable trésor. Un petit cahier bleu qu’elle a réussi à dissimuler à cette vieille bique de Mamaki.
Que peut donc raconter une prostituée de quinze ans dans un journal intime ? Son existence, avec la philosophie d’une femme ; ses rêves, avec le regard d’une petite fille. Il suffit parfois de quelques grammes de papiers pour s‘accrocher à la vie… »
Etonnante découverte que ce petit livre. Il s’agit, comme dans Sozaboy de Ken Saro Wiwa, ou de Johnny chien méchant d’Emanuel Dongala, d’une histoire tragique. Tragique et encore plus douloureuse que cela touche des enfants innocents, embourbés dans des situations dramatiques (prostitution comme ici, ou enfants soldats dans les deux autres exemples suscités), et tout cela à cause de la bêtise et de l’irresponsabilité des adultes. Oui, qu’a fait Batuk pour mériter le sort qu’il lui a été destiné ? Que peut-elle faire pour s’en sortir ?
Mais là ne réside pas la particularité de ce livre. Le plus étonnant est à quel point, un être humain aussi brimé que Batuk, puisse aborder les problèmes de sa misérable vie, avec autant de recul, de courage et de sang-froid. On a l’impression qu’elle n’en veut pas à son père de l’avoir vendue, qu’elle n’en veut pas à sa matrone de l’exploiter, ni à ses clients de venir assouvir leurs bas instincts dans la bouche de son Lapinou. Elle n’en veut à personne. Elle nous raconte, à travers la plume lucide et précise de James A. Levine, avec sérénité et poésie, comment elle fait des petits pains au lait (surnom qu’elle donne aux passes qu’elle effectue dans sa petite case), sa philosophie de la vie, faite d’un mélange lucide et conscient de mutisme de résignation et de désespoir.
Histoire forte, elle vous prend puissamment par la nuque, et vous enfonce la tête dans ce trou, où on ne peut vivre, et où l’on ne peut qu’essayer de survivre. Cette histoire, inspirée de faits réels, si ce n’est complètement vraie, ne me rappelle pas à quel point, j’ai eu de la chance en vivant une enfance tranquille. Au contraire, elle crée en moi une détresse, une peur que cela puisse encore arriver à des enfants, furent-ils complètement inconnus. C’est tout à fait le genre d’histoire qui me rappelle avec beaucoup de frustration l’étendue de mon impuissance à y faire quelque chose.
James A Levine est professeur de médecine à la célèbre Mayo dans les Minnesota où il réside avec son épouse et leurs filles
Livre lu dans le cadre d’un partenariat de lecture avec Blog o book et les éditions Pocket, que je remercie pour cette lecture.
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