A propos de True grit des frères Cohen 3 out of 5 stars
En 1870, aux Etats-Unis, juste après la guerre de Sécession, Mattie Ross, 14 ans, est décidée à venger la mort de son père, assassiné par le lâche Tom Chaney pour deux pièces d’or et un cheval. Pour ce faire, elle engage Rooster Cogburn, un U.S. Marshall courageux mais vieillissant et porté sur l’alcool. Mais Chaney est déjà recherché par Labœuf, un Texas Ranger aux méthodes aux antipodes de Cogburn. Malgré une hostilité réciproque, les deux hommes tentent de s’entendre pour capturer Chaney…
Même si les frères Cohen s’en sont défendus, True Grit est bien un remake de 100 dollars pour un shérif de Henry Hathaway avec John Wayne (1970), qui reçut pour l’occasion le seul oscar de sa carrière. Autre certitude, True Grit (en anglais, « avoir du cran ») est bien l’adaptation d’un roman à feuilleton de Charles Portis publié en 1968 dans le Saturday Evening Post.
L’histoire de True Grit se déroule dans le futur Etat d’Oklahoma (1907), dans un espace naturel immense et désert, un « territoire indien » dangereux où peu de gens s’aventuraient si ce n’est des criminels et des repris de justice pour s’y cacher. C’est sans doute cet aspect « No man’s land » du décor qui a séduit les frères Cohen. La nature et ces vastes espaces abandonnés et lugubres reflètent souvent dans leur narration l’aspect « paumé » des personnages, tantôt leur misère humaine (Fargo, The barber) tantôt leur errance (No country for the old man, O’Brother).
Le seul point commun entre Cogburn (Jeff Bridges) et Labœuf (Matt Damon), c’est le but de leur mission : retrouver Chaney (Josh Brolin) et l’amener à Fort Smith (Arkansas) pour le traduire en justice. En dehors de cela, tout oppose les deux hommes. Labœuf est propre sur lui, pétri de justice, de morale et d’un code d’honneur qui contredisent ceux de Cogburn, marshall borgne et alcoolique plus prompt à s’affranchir des lois qu’à les respecter vraiment. En cela, Cogburn ressemble plus à un mercenaire « border line » qu’à un vrai shérif. Mais les deux hommes partagent une même qualité : la bravoure.
Si True grit ne renouvelle pas les codes du western (on pourrait même dire que c’est un western « classique »), il y a une chose que l’on reconnait dans le style des réalisateurs américains, c’est leur talent pour raconter des histoires. Dans tous leurs films, les frères Cohen ont un sens de la narration, du récit que bon nombre de réalisateurs doivent leur envier. True Grit ressemble plus à une fable qu’à un western, mais une fable loufoque peuplée de personnages saugrenus (apparition d’un dentiste barbu couvert d’une peau d’ours, cowboy nain imitant les animaux de la ferme). Comme souvent chez les frères Cohen, le mélange d’humour et de violence rend leur film étrange et atypique.
On sent l’influence de Sam Peckinpah dans le côté bizarre et décalé de certains personnages. Mais True grit a aussi un côté initiatique comme le Dead man de Jarmusch. La photographie de Roger Deakins est sublime. La reprise de certains clichés du genre (les bottes à éperons de Labœuf, l’évocation de légendes de l’Ouest et de l’épisode biblique d’Ezéchiel dans la vallée aux ossements) participent à un jeu des deux réalisateurs qui déconstruisent l’Histoire américaine pour mieux fabriquer leur propre mythologie. Ce qui marque dans ce western, c’est l’absence relative de péripéties, d’action ou de suspense à proprement parler. Le rythme est donné par les dialogues, remarquablement ciselés et caustiques, et par ce jeu de « vannes » constant que s’envoient Cogburn et Labœuf, deux personnages que tout sépare.
Hailee Steinfeld, la jeune actrice qui joue Mattie Ross, est stupéfiante d’assurance et de détermination. La maturité dont elle fait preuve pour une actrice de 14 ans est un atout majeur du western. Mais la vraie surprise du film vient de la composition de Matt Damon. C’est peut-être la première fois que l’acteur parvient à donner autant de consistance et de profondeur à son personnage. On est loin du héros un peu lisse des Jason Bourne ou même des récents Invictus ou autre Au-delà. Et la performance de Damon est telle qu’elle fait ressortir un défaut récurrent dans le jeu de Bridges. C’est que, depuis The Big Lebowski mais surtout Les chèvres du Pentagone et Crazy heart, l’acteur sexagénaire se repose un peu sur les lauriers du héros « cradingue » et alcoolique qu’il aime à incarner. Apôtre du plaisir épicurien et d’un laisser aller… un tantinet redondants.