1. Introduction
2. L’univers de Gundam
3. L’auteur (le présent billet)
4. L’innovation (à venir)
5. La colonisation de l’espace (à venir)
6. La métaphore (à venir)
7. Le newtype (à venir)
8. Conclusion et sources (à venir)
L’auteur :
a. Les débuts (le présent billet)
b. Premiers succès (à venir)
c. Le triomphe (à venir)
d. Dix ans de Gundam (à venir)
e. L’après Gundam (à venir)
a. Les débuts
D’une manière pas si surprenante que ça, les éléments de la culture américaine qui eurent le plus d’influence sur le jeune Tomino se trouvent être les productions Walt Disney que ses instituteurs l’amenaient voir avec sa classe de l’école élémentaire ; pourtant, bien que fasciné par ses films comme tous les enfants du monde, il considérait déjà leurs récits comme trop simplistes… (1)(2) De plus, et même s’il ne le comprit pleinement que bien plus tard, il ressentait ces productions – les seules du genre que les enfants japonais étaient autorisés à voir – comme un élément prépondérant de l’effort éducatif, c’est-à-dire propagandiste, mis en œuvre par les forces d’occupation du Japon, le GHQ, afin que le peuple japonais se laisse imprégner des leçons morales prônées par ces films… (1)
Il résultera de cette juxtaposition de traditions et de modernité, mais aussi de plaisirs et de regrets une vision pour le moins contrastée sur la culture du vainqueur, et qui trouvera de nombreux échos dans ses propres productions de réalisateur comme de scénariste et d’écrivain.
Néanmoins, le « Dieu du manga » lui témoigne une attention particulière en lui confiant non seulement le storyboard et le scénario mais aussi la réalisation de plusieurs épisodes de l’adaptation en série TV de son titre-phare : Astro Boy (Tetsuwan Atom ; 1952-1968) que Tomino, justement, dévorait alors qu’il était enfant, et même si cette œuvre lui donnait l’impression d’être une production américaine – un sentiment qui contraste forcément avec l’enthousiasme que les aventures du petit robot suscitaient chez le tout jeune Tomino puisque les États-Unis avaient fait perdre au Japon la Guerre du Pacifique, un événement alors tout récent et dont les traumatismes habitaient encore tout l’archipel (1). Mais si Tomino n’est pas le seul artiste débutant à travailler sur cette adaptation du manga-culte de Tezuka, lui seul a la responsabilité d’autant de secteurs différents du projet à la fois…
Il collabore à cette production jusqu’à la conclusion de la série en 1966 et reste le premier à dire combien cette expérience lui a apporté, notamment dans l’apprentissage de la construction de récits courts et dans la compréhension du besoin essentiel d’un rythme narratif adéquat pour faire un bon scénario.
La présentation reste simpliste car il y a peu de place ici pour la décrire plus en détails, sans compter qu’il ne s’agit pas du sujet de ce dossier, mais cette introduction paraît néanmoins pertinente afin de souligner l’influence possible de cette année d’étude sur la pensée de Tomino et son intérêt pour ce réalisme qui sert de clé de voute à Mobile Suit Gundam ; si l’occasion ne manquera pas de revenir sur ce point précis, en attendant, le lecteur soucieux d’approfondir sa compréhension du design industriel se penchera avec bonheur sur des ouvrages tels que La laideur se vend mal (R. Lœwy, 1963) ou Le Système des objets (J. Baudrillard, 1968), voire Le Système technicien (J. Ellul, 1977) pour une meilleure compréhension du rôle de la technique et du design industriel dans notre monde moderne.
La première différence avec l’œuvre originale qui saute aux yeux dans cette adaptation concerne le rythme narratif, car chaque épisode met en scène un nouvel ennemi que doit vaincre le héros – au contraire du manga de départ où les combats se montraient plus sporadiques et moins réguliers. Mais si les séries qui s’articulent autour d’un tel choix narratif souffrent en général d’une répétition de synopsis d’un épisode à l’autre, dans ce cas précis il n’empêche pas le récit de suivre une trame générale qui se développe à chaque nouvel acte au lieu de laisser ceux-ci tourner sans cesse autour du même schéma. C’est aussi une œuvre où le sens de la narration épique qui fait à présent la renommée de Tomino prend une place croissante tout au long de l’intrigue, même s’il se montre ici encore assez balbutiant : en effet, nombreux sont les personnages qui agissent selon leurs propres intérêts, allant parfois jusqu’à la trahison en occasionnant ainsi de sérieux retournements de situation… Bref, plus qu’une simple adaptation, c’est surtout une réappropriation presque complète du matériau de départ que Tomino a ainsi converti selon sa propre sensibilité, et où on sent assez nettement poindre les accents d’une culture littéraire classique.
Ce qui est une belle opportunité d’évoquer le lien possible, et souligné par de nombreux commentateurs, entre Yamato et Mobile Suit Gundam : ces deux œuvres, en effet, mettent en scène un équipage de jeunes gens à bord d’un vaisseau spatial à travers un périple dans l’espace. Hélas pour certains exégètes, tout porte à croire que ce lien s’arrête là ; car dans Yamato l’équipage de soldats embarque pour rejoindre une planète éloignée où se trouve le seul moyen de sauver l’humanité, alors que dans Gundam ce sont de simples pilotes d’essai survivants d’une escarmouche ayant mal tourné et qui tentent d’échapper à la destruction de la colonie spatiale où ils sont affectés tout en évitant d’abandonner à l’ennemi les prototypes d’appareils qu’ils testaient : les premiers sont des soldats héros qui quittent la Terre à bord d’un vaisseau « mythique » (3) pour accomplir leur devoir à travers une quête – dans la plus pure tradition de l’épopée mythologique ou chevaleresque, soit la dimension de la légende – alors que les seconds sont un simple équipage de navire de transport militaire contraint de battre en retraite pour survivre et rejoindre une forteresse spatiale au lieu de quitter les environs de la Terre – à travers une banale opération tactique, soit le registre commun du réel. Si ces deux propositions se ressemblent en apparence, dans la manière dont elles présentent un jeune équipage à bord d’un vaisseau spatial, soit dans la forme, elles différent en fait beaucoup sur le fond, par le but de leur voyage respectif (4). S’il reste tout à fait possible – mais aussi discutable – que Tomino a emprunté à Matsumoto l’idée de placer les héros de son récit dans un vaisseau spatial, il n’en reste pas moins évident qu’il s’est réapproprié ce postulat de départ pour mieux le transformer et ainsi l’adapter à l’univers complétement différent de son propre récit – et jusqu’au point que le résultat final n’entretient plus qu’un semblant de parenté avec l’original, ou supposé tel.
Au contraire de ce que peut laisser penser le titre, cette production n’entretient aucun lien avec le roman éponyme de 1850 par Alexandre Dumas et Auguste Maquet, car c’est en fait l’adaptation du film français de cape et d’épée réalisé par Christian-Jaque en 1964 sous le même intitulé ; mais c’est surtout une création de Sôji Yoshikawa à laquelle Tomino ne participera que tardivement, en réalisant notamment les épisodes 27 à 39, soit le tout dernier tiers de la série – pour cette raison, il semble assez peu pertinent de s’attarder dessus…
Pourtant, cette expérience apparemment triviale avec le studio Sunrise reste fondamentale dans le parcours de Tomino, car c’est en prolongeant cette collaboration à travers sa prochaine réalisation qu’il trouve l’année suivante l’opportunité d’aborder pour la première fois le genre qui fera sa renommée, avec une série de mechas intitulée Yuusha Raideen et qui connaîtra un certain succès auprès du public…
Suite du dossier (L’auteur : b. Premiers succès) (à venir)
(1) propos tenus dans une conférence du 7 juillet 2009 au Club des Correspondants étrangers du Japon – la retranscription (en) du 14 septembre 2009 chez Anime News Network. ↩ ↩ ↩
(2) propos tenus dans l’interview par e-mail accordée en septembre 2009 au mensuel Chopsticks NY – Japanese Culture in New York pour leur rubrique Celebrity Talk – la retranscription (en) complète sur le site officiel du magazine. ↩
(3) ce bâtiment s’appelle Yamato car il est construit, dans l’univers futuriste de cette série TV, à partir de la carcasse du navire cuirassé japonais éponyme de la guerre du Pacifique que commandait l’amiral Isoroku Yamamoto, héros de l’attaque surprise sur Pearl Harbor à la toute fin de 1941 : ce détail qui n’a rien de trivial souligne bien l’aspect nationaliste de cette œuvre et la dimension héroïque de la mission de son équipage fictif, au moins de manière sous-jacente. ↩
(4) la différence est d’autant plus importante dans la série TV de Mobile Suit Gundam où les jeunes gens qui fuient la colonie spatiale sont en grande partie des civils et non des soldats, ce qui souligne davantage leur statut de simples survivants réfugiés par rapport aux soldats héros des personnages de Yamato, le Cuirassé de l’Espace. ↩
L’auteur :
a. Les débuts (le présent billet)
b. Premiers succès (à venir)
c. Le triomphe (à venir)
d. Dix ans de Gundam (à venir)
e. L’après Gundam (à venir)
Sommaire :
1. Introduction
2. L’univers de Gundam
3. L’auteur (le présent billet)
4. L’innovation (à venir)
5. La colonisation de l’espace (à venir)
6. La métaphore (à venir)
7. Le newtype (à venir)
8. Conclusion et sources (à venir)