Depuis 2005, Yves Marchand et Romain Meffre ont été sept fois à Détroit dans le Michigan. Avec à chaque fois un objectif, photographier les vestiges des bâtiments qui faisaient la splendeur de la Motor City, capitale de l’industrie automobile américaine où siégeaient Ford, General Motors ou Chrysler. Les multiples crises l’ont appauvrie et le développement des voitures, qui en avait fait sa richesse, a dépeuplé les centres-villes au profit des banlieues. Les usines ont fermé et les écoles, salles de bal et bibliothèques ont été désertées. La ville est devenue synonyme de chômage, de violence et de gangs. Iggy Pop, MC5 et Eminem ont chanté la misère et l’ennui de la cité déchue. « Détroit est un symbole, confient les deux photographes, c’est le fantasme de la ville américaine et de sa déréliction. Pour nous qui aimons les ruines industrielles, c’est l’endroit où il fallait aller. On trouve des paysages comme on n’en voit pas en Europe. » Avant leurs voyages, Yves Marchand et Romain Meffre repéraient, dans des livres d’histoire ou sur Internet, des bâtiments intéressants. Avec Bing Maps, le logiciel de cartographie en 3D de Microsoft, ils prévoyaient de visiter telle école ou tel commissariat. Sur place, entrer dans ces immeubles abandonnés depuis des années ne posait pas problème : « Il suffisait juste d’escalader une barrière ou de rentrer par une fenêtre brisée. Parfois, des passants, des clochards ou des ferrailleurs nous donnaient des conseils. Nous n’avons jamais ressenti d’animosité, plutôt de l’indifférence. » Une seule fois, une autorisation officielle a été nécessaire : pour entrer dans la mythique usine Ford.
Les deux photographes travaillent ensemble depuis 2001 et la question de savoir qui appuie sur le déclencheur de l’appareil argentique ne se pose pas. « Nos visions sont tellement semblables que, lorsqu’on arrive dans un endroit, on tombe tout de suite d’accord sur l’image à prendre. » Un projecteur est utilisé pour les intérieurs trop sombres et jamais le lieu n’est altéré. Les bâtiments étant vides, personne ne s’immisce dans le cadre et les livres ou les objets qui jonchent les sols ne sont pas réarrangés. « Il y a un aspect ludique à photographier des ruines. On est comme des gamins dedans. Et puis, ce sont les vestiges d’une civilisation. Dans quelques années, ces lieux n’existeront plus, ils auront été démembrés. » à Détroit, Yves Marchand et Romain Meffre ont photographié des salles de spectacle abandonnées et l’idée leur est venue d’en faire leur prochain ouvrage. Depuis, ils ont été à Los Angeles ou en Angleterre pour compiler ces restes de l’âge d’or du cinéma. Et une exposition des photos des ruines de Détroit à Détroit ? « Il faudrait encore attendre dix ou quinze ans. Quand tout aura été détruit et que les habitants auront oublié. » (source)
La totalité de la série de photos est visible sur le site des photographes : www.marchandmeffre.com
Over the past generation Detroit has suffered economically worse than any other of the major American cities and its rampant urban decay is now glaringly apparent during this current recession. Yves Marchand and Romain Meffre documented this disintegration, showcasing structures that were formerly a source of civic pride, and which now stand as monuments to the city’s fall from grace.
“Ruins are the visible symbols and landmarks of our societies and their changes, small pieces of history in suspension. The state of ruin is temporary by nature, the volatile result of the end of an era and the fall of empires. This fragility, the time elapsed but even so running fast, lead us to watch them one very last time: being dismayed, or admiring, wondering about the permanence of things. Photography appeared to us as a modest way to keep a little bit of this ephemeral state.”
More pictures can be viewed on the photographers’ website : www.marchandmeffre.com