Tokyo abrite un des plus grands marchés aux poissons du monde : le Tsukiji market. Tous les jours, 2.500 tonnes de 450 espèces de poissons font l'objet de transactions entre 10.000 vendeurs et acheteurs ! Il faut y aller très tôt le matin, après la criée ... enfin, pour ceux qui ne sont pas allergiques au poisson ...
Ce n'est pas mon cas : vous l'aurez compris si vous allez plus avant.
Je commence par le thon, c'est le plus impressionnant et aussi le plus contreversé. Les japonais sont de grands amateurs de thon rouge, gras et surgras. C'est surtout la partie ventrale qui est la plus prisée pour la confection des sashimi et des sushi.
Le peuple japonais est sans aucun doute celui qui en consomme le plus, ce qui engendre la surpêche, notamment pendant la période de reproduction où les espèces se regroupent et sont de fait menacées d'extinction.
53% des thons vendus crus au Japon sont importés, dont 80% sont pêchés dans la Méditerranée.
Fin 2010, les Etats pêcheurs de thon rouge ont opté pour une stabilité des quotas de pêche pour 2011 provoquant la déception des ONG écologistes qui réclamaient une réduction drastique, nécessaire selon eux pour sauvegarder l'espèce.
Difficile de trouver un équilibre entre les intérêts des pêcheurs et la préservation de la ressource, mais aussi d'éviter la surconsommation.
J'en consomme en sashimi, surtout lorsque je suis au Japon, car il faut reconnaître qu'il est particulièrement bon. Mais je suis consciente du problème et surtout, je ne voulais pas parler du Tsukiji market en feignant d'ignorer cette situation.
"Etant plutôt du genre archaïque, j'ai mieux trouvé de quoi satisfaire mes besoins de sensations et d'images à Tsukiji, le marché aux poissons.
Un grouillement de vie marine, là-bas.
Anguilles qui ondulent.
Crâbes qui tatonnent.
Toutes sortes de pieuvres qui se tordent.
Mais les thons, surtout : ces corps lisses aux belles courbes encore couverts de givre, marqués de caractères rouges, fumant dans le soleil du petit matin. La vie d'ailleurs : les gros pêchés dans le Pacifique Sud, les plus petits au large de Capetown. Tous ces corps gras, souples, glissants, luisants, naguère rapides nageurs, allongés là sur le quai, leurs orbites aveugles bouchés avec de la glace grise, et les acheteurs éventuels qui font une petite entaille dans leur chair, l'examinent attentivement à la lumière d'une torche électrique (ah! cette chair rouge sombre et brillante), pendant que le crieur, petit homme râblé, une casquette de base-ball sur le chef, est sur le point de se faire éclater une veine en tapant du pied sur son estrade comme un gros bébé en colère, tout en faisant monter, monter, monter à toute vitesse les enchères. Quand les enchères sont terminées, les poissons sont traînés jusqu'aux étals où le découpage commence : avec d'énormes haches, avec de longs couteaux, avec des scies électriques - jusqu'à ce que tout soit prêt pour les restaurateurs de Tokyo qui feront bientôt leur tournée. Seules les têtes des poissons sont laissées sur le quai, éparpillées au milieu des boîtes en polystyrène :
Ces têtes de thon
on dirait qu'elles aimeraient prononcer
un dernier mot
Une grande partie des crâbes de Tsukiji doit se diriger vers le célèbre restaurant de crâbes de Shinjuku qui exhibe au-dessus de sa porte un énorme crâbe inquiétant, agité de soubresauts mécaniques.
Chaque fois que je pense à Shinjuku, je vois ce crâbe.
Cité-cancer."
Les cygnes sauvages
Kenneth White
Mais on ne trouve pas que du thon dans cette immense marché, appelé aussi "le ventre de Tokyo" . Tous les produits de la mer, d'une remarquable fraîcheur (un peu sanguinolants aussi ... désolée) se trouvent au Tsukiji : poissons de toute sorte, crâbes, coquillages, crustacés, poulpes, et tant d'espèces que je suis incapable d'identifier ...
Tsukiji, Tokyo, mai 2009