Notre Ministre des Affaires étrangères, interrogée à l’Assemblée nationale par le député socialiste Alain Vidaliès à la suite de la révélation par Le Canard enchaîné du 16 février d’une transaction immobilière réalisée par son père au cours de leurs vacances de fin d’année en Tunisie, a dénoncé l’ « abjection d’utiliser [ses] parents pour [s’] en prendre à [elle] ». Il me semble que Michèle Alliot-Marie ait ainsi démontré qu’elle ne connait que très imparfaitement le sens des mots, ce qui est fâcheux lorsque l’on s’occupe de diplomatie. Abjection qualifie en effet un degré extrême d’abaissement, d’avilissement. Demander ainsi des explications à un ministre serait donc se situer au comble de l’abaissement, s’avilir totalement.
Revenons-en donc aux faits. Notre ministre avait planifié des vacances de fin d’année en Tunisie. Ce pays connaissait des troubles assez sérieux avant son départ et il eut peut-être été plus judicieux de renoncer à ce voyage mais, soit. Elle n’a pas voulu ou pas pu modifier ses projets et a maintenu ce déplacement. Là-dessus, on apprend d’abord qu’elle a utilisé l’avion de Monsieur Aziz Miled, rencontré fortuitement, pour se rendre à Tabarka. Elle y a résidé dans un hôtel appartenant à ce même homme et, à ma connaissance, n’a pas produit de facture établissant qu’elle avait réglé de ses deniers les frais de son séjour. La semaine suivante, on apprend qu’elle et sa famille ont utilisé le même aéronef pour une excursion à Tozeur. Puis, ultime révélation, ce même volatile révèle que ses parents ont profité de ce séjour pour acheter à ce même Monsieur Miled une SCI. Bien sûr, ces publications successives prennent un air d’acharnement systématique sur une pauvre ministre si compétente mais, à qui la faute ?
Si elle ne s’était pas enfoncée dans ses omissions et ses contradictions, et, surtout, si tous les faits révélés n’étaient de nature à faire suspecter certaines confusions entre la sphère publique et la sphère privée, l’affaire se serait éteinte d’elle-même. Heureusement pour elle, le Premier ministre n’a pas eu lors de son voyage en Egypte une conduite irréprochable. Déminant sa situation en révélant les conditions de ce déplacement quelques heures avant que Le Canard enchaîné ne les rendent publiques, Fillon a pu se tirer d’affaire sans grande difficulté, d’éventuels censeurs se trouvant aussitôt taxés de manœuvre politicienne. Il a ainsi involontairement protégé MAM : il devenait ardu de la virer sans congédier aussi son supérieur, sanction que la délicate alchimie ayant présidé à la reconduction de Fillon rendait impossible.
Mais revenons sur cette incroyable mise en cause des vieux parents de Madame. S’attaquer aussi lâchement à de pauvres personnes âgées à seule fin d’atteindre leur fille ! Quelle ignominie ! Tout d’abord, et je m’en réjouis, ces aimables nonagénaires semblent encore très ingambes. Et à l’âge où certains se préoccupent de leur futur caveau, ils ont encore assez de foi en leur avenir pour se livrer à des investissements. Comme je serais étonné d’apprendre qu’ils ont décidé de léguer leurs biens à la Croix-Rouge ou à quelque autre organisation charitable, je suppose que cette dernière acquisition reviendra le moment venu à leurs héritiers naturels, parmi lesquels leur chère petite Marie. Ils ont poussé la délicatesse jusqu’à choisir comme support de transmission la Société civile immobilière, le plus pratique pour réaliser des transferts de propriété. Notre irréprochable ministre est donc bien la bénéficiaire potentielle de cet achat. Et là, mais j’ai presque honte de m’abandonner à des pensées aussi basses, voire abjectes, comme ce bien est situé à l’étranger, qui plus est hors d’Europe, si le moment venu, on oublie de le mentionner dans l’actif successoral, l’administration des impôts aura sans doute quelque difficulté à détecter cette omission, technique pratiquée avec art par notre chère Marie.