Il ne tient qu’à nous d’être suisses !

Publié le 24 février 2011 par Lecriducontribuable

Il y a toujours des leçons à tirer des réussites – et aussi des échecs – des autres pays en matière de gouvernance économique et politique.

On a donc raison d’aller voir comment font les Allemands, les Scandinaves, les Anglais, les Américains, les Australiens ou les Néo-Zélandais, pour gérer leurs affaires publiques et leurs systèmes de solidarité.

Il y a pourtant un pays, très proche de nous, qui est rarement donné en exemple, et même le plus souvent moqué, qui s’appelle la Suisse, et qui a beaucoup à nous dire sur la façon de conduire un peuple sur le chemin de la prospérité durable, et, au delà, du bonheur collectif.

C’est cette étude qui fait l’objet de ce petit livre de François Garçon[1], paru pour la première fois en 2008, et présenté aujourd’hui dans un format de poche, en version actualisée.

Au début du XXe siècle, la Suisse était en Europe l’un des pays les plus pauvres. Il n’avait à offrir que ses montagnes et ses glaciers. La population, en masse, allait se placer, pour survivre, en France, en Italie, en Autriche ou en Allemagne.

Aujourd’hui, cent ans plus tard, la Suisse, avec près de huit millions d’habitants, affiche une prospérité insolente, avec un niveau de vie individuel près de deux fois supérieur à celui de la France, et avec un renversement complet des flux migratoires : 122 000 Français franchissent chaque jour la frontière pour aller de l’autre coté du Lac Léman et du Jura, pour bénéficier de salaires doubles de ceux qu’ils auraient de ce coté-ci.

Quelques éléments du succès suisse laissent tout observateur français songeur : équilibre budgétaire, excédent de la balance commerciale (y compris avec la Chine…), modération des dépenses publiques et des impôts, chômage à 2 ou 3%, position de leader mondial dans de nombreux secteurs, et pas seulement pour le chocolat et le fromage de Gruyère, mais aussi pour l’horlogerie, le tourisme, la chimie fine, la mécanique de précision, l’industrie pharmaceutique et l’agro-alimentaire.

On dira, bien sur, «les Suisses sont les Suisses, et nous ne sommes pas des Suisses».

Mais il semble bien que le caractère propre des populations et leur tempérament, forgé par une longue histoire spécifique, n’y soit pas pour grand-chose. Car l’une des caractéristiques de la Suisse est la part élevée de la population d’origine étrangère (près de 30%, trois fois plus que chez nous). Et la part encore plus élevée des personnels d’origine étrangère dans les états-majors des grands groupes (plus de 60 % chez Nestlé) ou dans les équipes d’enseignants des universités.

C’est bien la preuve que l’explication de ce succès époustouflant, sur la longue période, est moins dû à des caractéristiques individuelles qu’aux règles qui régissent le système politique.

On ne peut rien comprendre à la Suisse si l’on ne commence pas par assimiler qu’il s’agit d’une confédération de 26 cantons, autant de républiques souveraines, toutes farouchement jalouses de leur indépendance et de leurs prérogatives.

A partir de là, le pouvoir central, qui siège à Berne, ne peut être que modeste : sept conseillers (ministres) seulement avec un «président» désigné pour un an seulement. Pas de grand ministères. Pas de grandes administrations. Pas d’hommes politiques professionnels. Un régime d’assemblée, avec une recherche permanente du consensus.

L’essentiel se joue donc au niveau des cantons et des communes. C’est là qu’intervient la démocratie directe, avec ses référendums et ses initiatives, qui permettent au peuple, en permanence, de contrôler et de proposer. Du coup, vingt fois par an, le peuple va voter.

En France, on a retenu par exemple l’initiative nationale qui a abouti à l’interdiction des minarets, contre les opinions unanimes des formations politiques, Union démocratique du Centre (UDC) exceptée. Mais le plus souvent les sujets sont autrement plus triviaux, et pratiques.

Cette démocratie directe vivante et effective joue un rôle considérable pour l’éducation des citoyens. Comment expliquer autrement que par les vertus de la démocratie directe que, scrutin après scrutin, les Suisses se prononcent pour la concurrence fiscale, contre toute «harmonisation», qui ne vise en fait qu’à surtaxer les «riches», ce dont les «pauvres» ne veulent surtout pas, sachant trop bien l’utilité sociale des «riches»…

Alain Dumait


[1] Le modèle suisse Pourquoi ils s’en sortent beaucoup mieux que les autres, Éditions Perrin, 254 pages, 2008, réédition augmentée, Tempus, 344 pages, décembre 2010

Articles similaires :