L’émotion numérique existe-t-elle ?
La phase décisive de publication de notre travail photographique sur Internet se fait souvent sans intersession poétique et sensible.
Sur un site Web, l’exposition d’une photographie la place de fait au même niveau qu’un portrait d’un jeune mannequin souriant capable de promouvoir n’importe quel produit de consommation proposé par la dynamique agence photographique Fotolia. L’image sera trouvée et analysée à l’aide de recherches iconographiques, de mots clefs et de référencements ; peu de poésie donc et une concurrence effroyable! Avons-nous le moyen de nous différencier ? La scénographie d’une exposition photographique ou d’une mise en page sont les intersessions indispensables entre le créateur et le visiteur ou le lecteur. C’est l’investissement nécessaire pour expliquer, séduire et attirer son regard. Imaginons un processus analogue adapté aux publications du Web. Le photographe doit pouvoir proposer un parcours de découverte comparable à celui proposé au visiteur d’une exposition. Aller à la rencontre de l’œuvre, parcourir les salles, vivre l’émotion préalable, sentir croître la soif de découverte, puis satisfaire son désir de contemplation, attendre, ensuite, l’éloignement, la jouissance parfois, le regret et souvent le désir de la revoir. Pour se différencier et sortir son image de l’ornière du fonds photographique d’illustrations générales, il faut tout essayer pour placer l’observateur en sympathie avec le processus de création. Deux émotions fortes déjà anciennes m’offrent un parallèle. Deux expositions à presque vingt ans d’écart. Toutankhamon au Petit-Palais en 1967 et la rétrospective du peintre Edouard Pignon aux Galeries Nationales du Grand-Palais en 1985. Deux cheminements dans l’obscurité, puis soudain, deux éclats de lumière magnifiques, l’un autour du masque d’or suspendu au milieu d’un mur de papyrus, un choc immense, l’autre, un gerbe de couleurs partant d’une magnifique version des célèbres « plongeurs ». Devant la toile, le maitre était assis sur un grand banc dans une salle encore vide baignée d’une lumière douce et contemplait son œuvre. Une sorte de prière. Voilà deux parcours émotionnelles qui m’ont profondément marqué. Leur souvenir me revient au moment ou je m’interroge sur la banalisation de la présentation d’images sur le Web et sa détestable objectivité documentaire. Pouvons-nous recréer un parcours émotionnel pour l’exposition virtuelle de nos photographies ? Daniel Hennemand, v1.2 edillia, la gestion des photothèques d’entreprise