Y a la révolution (arabe) à la télé

Il y a 20 ans, j'étais un enfant. Assis devant la télé, j'assistais à une révolution. Un mur qui tombe à Berlin, un putsch en Russie, un empire qui s'effondre. Les yeux écarquillés, je vivais un roman d'espionnage, de guerre et d'amour en direct.

Aujourd'hui, je suis un peu plus grand mais toujours assis devant ma télé. Et je regarde d'autres révolutions. En Tunisie, en Egypte, en Libye. D'autres fous qui tapent du poing (Kadhafi), assassinent des innocents et protègent leurs trésors financier et idéologique.

La liberté est une valeur merveilleuse. Plus qu'un idéal, elle est inhérente à la création du monde par Dieu. Que des millions de jeunes arabes manifestent dans la rue en brandissant les 198 méthodes d'action non-violente enseignées par Gene Sharp (dont nous avons parlé plusieurs fois dans ce blog) ne peut que nous réjouir. Mais la liberté n'est pas juste un droit à gagner. C'est un chemin de vie quotidien.

Des révolutions de fleurs et de couleurs, il y en a eu beaucoup ces dernières années. Il y a eu la Serbie, l'Ukraine, la Géorgie, le Kirghizistan, le Liban... Beaucoup de potentats ont été renversés mais cela n'a pas toujours duré. Le Kirghizistan a connu à nouveau des élans autoritaires, le Hezbollah a repris la main au Liban, la Géorgie et l'Ukraine ne sont pas complètement stabilisées...

Car l'homme a du mal avec la liberté. Il a du mal avec la vraie liberté, celle qui trouve ses racines dans la charité. L'homme réclame souvent la liberté, car il veut "choisir" ce qui l'arrange. La liberté de faire les mauvais choix, les choix égoïstes. Pourtant la vraie liberté ne réside que dans la charité, le Bien, la vérité.

C'est ainsi que les révolutions ne passent pas toutes à la télé. Les révolutions arabes nous intéressent mais les troubles qui peuvent exister en Asie nous titillent moins. Les téléspectateurs ont des intérêts affinitaires. Intervention en Irak ou en Libye? Intervention en Afghanistan ou en Algérie. Les points de vue divergent en fonction de nos affinités personnelles.

Les diplomates, eux, ont plutôt des intérêts stratégiques. La destabilisation de la Libye inquiète à juste titre. Pétrole, immigration, fondamentalisme. Un petit pays peut s'avérer extrêmement important au regard des enjeux du monde. Alors, ils se disent qu'il serait temps de se bouger.

En fait, il serait temps de s'intéresser à l'homme. A sa liberté fondamentale. A son chemin de charité. Après des millénaires de billards à 3 bandes, nous devrions comprendre que la défense particulière à un moment particulier d'intérêts particuliers est une vision court-termiste qui ne tient jamais dans la durée. Tel autocrate nous protège de tel danger. Telle population est opprimée par telle autre. A la fin, l'homme ne change pas. Le pauvre d'hier devient avide. La brebis devient chacal.

Dans le Guépard, le vieux prince a cette vision magnifique : "nous fûmes les guépards, les lions ; ceux qui nous remplaceront seront les chacals et les hyènes et tous, guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre."

Y a révolution à la télé. Vive la liberté! Les populations arabes aspirent à quelque chose de grand. Peut-être certaines populations africaines (Cameroun, Angola) ou asiatiques suivront. Soutenons-les avec force aujourd'hui et soutenons-les avec douceur demain pour qu'elle passe de la liberté à la charité. Pour que nous aussi, en Occident, passions enfin à la charité.

Que notre diplomatie n'ait qu'un seul mot d'ordre la charité. C'est la charité qui doit gouverner le monde. Une société qui a comme unique but le bien commun est une société gagnante. Union Pour la Méditerranée, Organisation Internationale de la Francophonie, quels messages voulons-nous passer dans notre zone d'influence? Quelles actions? Quels objectifs? Redressemement moral ou économique? Liberté religieuse ou sécurité? Respect de la vie et partage des ressources ou stratégie alimentaire et énergétique? Développement ou enrichissement? Qui est la poule, qui est l'oeuf? Où est le sel de la terre?

Le psaume du jour a la réponse : "heureux est l'homme qui n'entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit."