Le buddy movie, sous-genre cinématographique à part entière, ne se borne pas uniquement au cinéma américain, loin s'en faut. Ainsi, Le corniaud, La chèvre, La grande vadrouille ou encore Le boulet constituent des exemples de buddy movies à la française, mettant en scène deux personnages qu'a priori tout oppose et qui devront faire malgré eux équipe commune pour finalement finir par s'apprécier mutuellement, conformément aux codes du genre.
C'est ainsi que Dany Boon obtint le succès que l'on connaît avec Bienvenue chez les Ch'tis, mettant en scène un duo de protagonistes antagonistes, à travers un choc des cultures Nord/Sud qui fit rire (presque) la France entière. Rien à déclarer reprend le concept du buddy movie (on ne change pas une recette qui gagne), réunissant Dany Boon et Benoît Poelvoorde dans une histoire qui, sans atteindre la constance comique du précédent film du réalisateur, n'en demeure pas moins une comédie réussie devant laquelle on rit de bon coeur, révélant en outre, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, un joli travail de mise en scène de la part de Dany Boon réalisateur.
La majeure partie de la critique française ne pardonne pas un gros succès populaire, a fortiori s'il s'agit d'une comédie. Le nouveau film de Dany Boon était donc forcément attendu au tournant par des plumes idiotement acerbes qui trépignaient d'impatience à l'approche de la sortie du film pour y déverser leur fiel, ainsi que sur son metteur en scène. Certains allèrent jusqu'à dire que la médiocrité de Rien à déclarer mériterait de faire classer la région Nord en zone sinistrée. Abject. En l'état, le film de Dany Boon, loin d'être parfait, remplit son contrat: faire rire.
Ainsi, les scènes de la voiture tunée, de l'ambulance ou du repas final possèdent une vraie puissance comique, qu'il s'agisse des dialogues, du jeu des acteurs et de la mise en scène (voir à ce titre la façon dont Dany Boon filme la découverte par les deux personnages principaux de leur 4L transformée en bolide de course).
Le sens du comique et du timing de Dany Boon, ainsi que de la mécanique et de la rythmique des dialogues, confèrent à Rien à déclarer un pouls qui ne s'estompe pratiquement jamais, le long-métrage filant à une allure vertigineuse sans créer l'ennui. Par ailleurs, Dany Boon fait montre d'un vrai talent de réalisateur, à l'image de la scène inaugurale, plan-séquence d'une belle sobriété débutant dans les airs pour terminer à l'intérieur d'un restaurant. Le format Cinemascope choisi par le metteur en scène achève de faire de Rien à déclarer non pas une grande oeuvre cinématographique, en tout état de cause un film témoignant de l'importance qu'accorde Dany Boon à l'aspect formel de son métrage.
Cependant, le film souffre d'un certain nombre de scories témoignant d'un malheureux laisser-aller dans l'écriture et le jeu de plusieurs scènes. A l'image de l'épisode des sachets de drogue planqués dans l'anus de son porteur (toujours excellent Bruno Lochet), qui n'en finit pas de rebondir et de rebondir encore, jusqu'à en devenir lourd, les personnages de Dany Boon et Benoît Poelvoorde en rajoutant encore et encore lors d'une inutile scène d'hôpital qui aurait dû être coupée au montage tant elle n'apporte strictement rien au récit. Par ailleurs, la séquence au cours de laquelle Dany Boon fond en larmes devant le discours que tient sa fiancée à Benoît Poelvoorde est elle aussi totalement ratée, le jeu de l'acteur-réalisateur sonnant affreusement faux, et le monologue débité par la ravissante Julie Bernard larmoyant à souhait. Deux séquences dont il n'y a malheureusement rien à sauver, et qui dénotent totalement dans un film qui, par ailleurs, propose une mécanique comique parfaitement huilée et maîtrisée.
Soulignons enfin le jeu de Benoît Poelvoorde, parfait en connard raciste intégral, qui confirme qu'il demeure l'un des meilleurs acteurs de sa génération, tous genres confondus.
Rien à déclarer peut donc se targuer de parvenir à ses fins: faire rire. Et même si les ingrédients utilisés par Dany Boon sont les mêmes que dans Bienvenue chez les Cht'is (duo que tout sépare, thématique des préjugés, mensonge fondateur (celui de Kad Merad envers sa femme dans les Ch'tis, celui de Dany Boon envers Poelvoorde dans Rien à déclarer), la mayonnaise prend. Les imperfections sont bien présentes, mais elles n'empêchent en rien de faire du film un très agréable moment à passer. N'en déplaise aux plumes frustrées.