Nul ne sait où nous entrainera cette rupture historique avec des régimes moisis d’Afrique du Nord et du Golfe. Vagues migratoires sans précédent à court terme, implantation politique de la sensibilité islamiste et nationaliste ? La pression sociale va être difficile à retourner, et toutes ces populations n’ont pas les mêmes valeurs que les nôtres. Mais ce ne sera plus aux gouvernements de les leur imposer malgré elles. Cette jeunesse enthousiaste doit s’attendre à de la frustration lorsqu’elle se rendra compte que la réalité de son destin reste à construire. Les grèves pour augmenter les salaires qui ont suivi les révolutions ne les mèneront pas loin. Les solutions pour permettre à tous de prendre des risques et de profiter pleinement de la croissance mondiale ont été mises en oeuvre partout dans le monde, de la Corée du Sud au Chili en passant par Singapour et le Brésil. Ce sont les mesures préconisées par les libéraux : ouverture des frontières, protection de la propriété privée, encouragement à l’épargne productive, règlementation du travail réduite ou nulle, fiscalité faible, bureaucratie limitée, État fort dans ses rares prérogatives.
Ces États qui tombent les uns après les autres ne doivent pas nous faire oublier qu’ailleurs aussi, dans la partie du monde qui se proclame libre et démocratique, des États subissent aussi des assauts populaires. Les Tea Parties ont remis au goût du jour cette phobie bien ancrée du gouvernement central aux États-Unis. Après tout, il est largement responsable de la crise actuelle. En Belgique, c’est plus simple : il n’y a carrément plus de gouvernement depuis environ 250 jours. Et l’économie s’en porte plutôt bien. À l’autre bout du monde, même la Chine tremble. Les scandales comme celui de Wikileaks, le fait que les individus disposent d’une information de plus en plus complète de plus en plus rapidement ne les rend-il pas progressivement hostiles aux formes de gouvernements que nous avions connues jusqu’ici ?
L’autorité subie, même démocratique, l’opacité et la connivence, le bloquage de l’ascenseur social par des castes et les bureaucraties sont de moins en moins bien tolérés. Pourquoi en irait-il autrement en France ? Bien que nous soyons historiquement souvent les derniers à réagir, le sursaut n’est pas impossible dans les années qui viennent. À l’occasion d’une banqueroute du pays par exemple.