LES PAUVRES me font pitié. Et les riches aussi. Les riches davantage, car ils sont plus malheureux. Un pauvre peut penser que, s'il cessait de l'être, il serait heureux. Le riche sait qu'il n'y a aucun moyen de l'être.Un pauvre n'a qu'un seul souci, ou un seul souci majeur ; sa pauvreté. Un riche, n'ayant malheureusement pas ce souci, est obligé d'avoir tous les autres. Je n'ai jamais connu d'homme riche plus heureux qu'un homme pauvre ; à moins qu'on entende par bonheur ce qu'on peut acheter chez le tailleur ou le bijoutier, ou manger au restaurant.
Mais je ne crois pas que même ceux (...) aillent jusqu'à ce point de matérialisme historique.
Les pauvres sont heureux ; ils ont une illusiion et croient que ce sont le tailleur, le bijoutier, le patron de restaurant qui dispensent le bonheur. Ils le croient. Les riches, eux, sont des athées du tailleur.
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Lu dans Un singulier regard de Pessoa :