Comme chaque année, la Cour des comptes a publié son rapport annuel, moment très attendu. Le rapport de la Cour des comptes, c'est un peu comme le “Beaujolais nouveau“. On y goûte, on le déguste, et puis on l'oublie… Ainsi, comme chaque année, un constat très sévère est dressé par le comité des sages, sur la gestion des finances publiques. Et le “cru 2011” ne déroge pas à la règle. Publié ce jeudi 17 février, ce rapport distille encore d'innombrables recommandations et décerne quelques bonnets d'ânes aux mauvais gestionnaires des deniers publics. Et comme tous les ans, on s'offusque devant ces gaspillages recensés, ces incohérences accumulées, ces déficits cumulés…
Cette année, la juridiction financière épingle notamment la prime pour l’emploi - PPE -, visant à inciter les chômeurs à reprendre une activité, car trop complexe, faiblement incitative, mal pilotée, et surtout faisant doublon avec le « RSA activité ». Le comité des sages dresse également « un bilan décevant » de la campagne de vaccination contre le virus H1N1 de l’hiver 2009 - 10, qui a fait beaucoup de bruit pour rien. Elle a coûté finalement 662,6 millions d’euros pour à peine 5,4 millions de personnes, contre les 510 millions d’euros annoncés - soit 60 euros par vaccin et 110 euros par personne vaccinée. Parce que les contrats d’achat de vaccin ont été mal négociés avec les laboratoires, et qu’une organisation dispendieuse a fait déraper les coûts. Les magistrats financiers dénoncent également le fonctionnement du CNFPT - l'organisme chargé de l'emploi et de la formation des agents des collectivités territoriales -, marqué pendant de longues années, par la ”persistance de graves anomalies de gestion“. La cour préconise aussi le gel du salaire des fonctionnaires jusqu'à la fin de année 2013, la suppression du régime du “quart de place” touchant aux tarifs SNCF des militaires, et la remise en cause des niches fiscales des arbitres internationaux. Mais seulement, comme tous les ans aussi, après l'euphorie de la publication du rapport, plus rien…
Suivant l’expression de la journaliste au Figaro Anne Fulda, “la Cour des comptes est comme un gendarme sans bâton“. Le comité des sages pointe des dépassements et des anomalies, et émet des recommandations. Mais il ne dispose d’aucun droit de suite, d’aucun pouvoir de sanction directe. Et son seul vrai pouvoir est donc de répéter, année après année, que décidemment “Madame la marquise, tout ne va pas très bien“. Alors évidemment, au bout d’un certain temps, s’installe une certaine lassitude. La dénonciation des dépassements et la répétition de l’urgence, en deviennent presque coutumières. Certes, à l’initiative du nouveau président socialiste, Didier Migaud, pour montrer que la juridiction créé en 1807, peut aussi être énergique et tenace en matière de réajustements, une sorte de classement a été établie pour la première fois. Sont mis en exergue les mauvais élèves, les multirécidivistes de la mauvaise gestion. Le port de Marseille figure en tête du classement, avec pour exemple la grille salariale des grutiers, percevant une rémunération allant de 3500 à 4500 euros nets, pour 12 heures de travail hebdomadaire. Le Centre National de la Fonction Publique y figure également, ainsi que le programme Chorus, « prologiciel » interministériel de gestion comptable et budgétaire, parmi tant d’autres.
Mais ce classement et ces bonnets d’âne d’un nouveau genre, auront-ils réellement un effet disuasif… C'est peu probable. Mais alors, une sérieuse question se pose. A quoi sert finalement d'avoir une Cour des comptes, si elle n'est dotée d’aucune capacité de sanction ?
J. D.