Où va le monde, mes petits amis, où va le monde ?! On ne peut plus faire des affaires tranquille en France sans être embêté par de méchantes start-ups innovantes venues – de l’étranger ! – égorger nos monopoles et nos compagnies privées d’état ! Aux armes, citoyens ! Boutons les employeurs étrangers hors de France ! Sus à Skype !
Oui, Skype. Ce sont eux les vilains du mois.
Cette société, pour ceux qui auraient vécu dans une grotte les dix dernières années, offre à tous ceux qui sont connectés à internet un moyen simple de faire de la vidéo-conférence. Comme c’est gratuit pour les gens qui communiquent de Skype à Skype, le succès est rapide. Et les prix défient toute concurrence dès qu’on contacte un téléphone ou un mobile d’un opérateur différent.
À force de défier cette concurrence, elle s’est réveillée : ça n’a pas loupé, les trois gros opérateurs français, sentant nettement leur marché douillet et massivement protégé par une législation foisonnante, ont commencé à s’agiter autour de ce service, apparu très rapidement, et utilisant une technologie complètement différente de la leur, pour aider les gens à communiquer à des prix plancher.
- donner aux organismes d’état responsable de la surveillance discrète des citoyens la possibilité d’écouter les appels passés,
- faire en sorte que Skype puisse acheminer les appels d’urgence
- et faire en sorte que les abonnés du service puisse conserver leur numéro s’ils viennent d’un tierce opérateur (portabilité du numéro, comme on dit à l’ARCEP).
L’affaire est d’une banalité et d’une idiotie parfaitement standards dans notre pays.
Comme il s’agit d’un concurrent direct, méchant vilain, et pire que tout, américano-capitaliste, les lois françaises se sont bien vite dressées pour protéger le citoyen d’un accès rapide et quasi-gratuit à une ressource importante.
Pour rappel, le rôle de l’état en France est de s’assurer qu’absolument tout le monde trouve toutes les denrées, les biens et les services, aux mêmes prix scandaleusement élevés à la suite d’une taxation vexatoire et permanente. Débouler sur le marché en proposant un service différent, qui ne fait pas tout ce que les autres font, mais pour un prix rikiki voire nul, c’est absolument scandaleux !
Et puis, au-delà des petites lignes tatillonnes des lois sur les télécoms, on peut voir un peu plus loin, sur le plan économique et social : on commence comme ça, par lâcher la bride citoyenne et administrative de Skype, et ensuite, les consommateurs, libres de faire jouer toute la concurrence, vont réclamer la même chose pour l’énergie, les transports, et, de déliquescence en catastrophe anti-collectiviste, l’assurance maladie, chômage ou vieillesse… On voit tout de suite le problème : c’est bel et bien d’une défense du système de société à la française dont il s’agit ici !
L’heure est grave ! Les systèmes collectivistes de l’après-guerre et ceux mis en place par Pétain sous Vichy sont clairement menacés ! Sonnez la charge, fonctionnaires régulateurs des autorités compétentes ! Taritataaa !!!
Non ! On ne peut pas laisser Skype agir de la sorte ! Donner la possibilité aux gens de se parler entre eux, gratuitement, sans payer pour les annuaires papier, et louper l’occasion de se ridiculiser encore une fois dans les nouvelles technologies et dans le monde entier, c’était trop pour les fières administrations en charge, comme on doit se le rappeler,
- d’accroître l’attractivité du pays pour les entreprises étrangères,
- de sauvegarder les emplois en s’assurant que les entreprises peuvent s’y développer
- d’augmenter la richesse et le bonheur national brut des habitants en y favorisant l’innovation et les communications.
Reprenant donc avec ferveur la devise « Égalité — Taxes — Bisous » maintenant célèbre aux frontispices de nos Mairies, ces administrations se sont donc mises en tête de tomber sur Skype, qui nous narguait depuis trop longtemps, et à bras raccourcis. Non mais ! Eux aussi devront absolument être égaux, moyennant quelques taxes, pour qu’ils puissent distribuer des bisous citoyens, équitables, éco-conscients et surtout pas trop bon marché.
Et soyons bien clair : pas question de s’arrêter là ! Pour être implacablement logique, l’administration fraônçaise, phare de lumière étatique dans l’obscurité de ce monde peuplé de renards libéraux qui attaquent les poules libres dans le poulailler libre, se chargera ensuite d’attaquer, comme le suggère finement mon collègue blogueur Sfadj, les autres félons capitalistes, qui opèrent aussi dans les communications sur internet et se déguisent en innocentes entreprises, comme Yahoo, Microsoft, ou Facebook.
Notons au passage que ces entreprises, comme Skype, ont aussi le mauvais goût d’être américaines et de faire du profit. Ce sont deux bonnes raisons pour leur cogner gentiment sur la gueule, éventuellement jusqu’à leur départ du pays.
Il ne manquerait plus que des Français travaillent pour eux ! Ce serait le pompon !