Ce 10e volume de la série "Masada Book 2" interprété par la formation Bar Kokhba, issu lui-même d'une déjà très longue lignée d'albums écrits par le compositeur
et musicien américain John Zorn dès 1992 (sous l'appellation Masada), en est le parfait exemple et reflète parfaitement cet
état de fait.
Intitulé "Lucifer" et paru en 2008 sur le label Tzadik, il pourrait facilement représenter à lui seul ce qui se fait de mieux en matière de musique jazz d'avant-garde juive (même
si dans le cas de John Zorn l'horizon artistique ne s'arrête jamais là ou beaucoup souhaiteraient le voir se fondre avec la masse uniforme des musiques à étiquettes). Le chef endosse pour
l'occasion le triple rôle de producteur-compositeur-arrangeur tout en maniant la baguette autour du sextet le plus populaire qu'il lui ai été donné de monter, acclamé par le public lors de ces
rares apparitions, et avec lequel il n'avait toutefois rien enregistré en studio depuis 10 ans. Il comprend le Masada String Trio (Mark Fieldman au violon,
Greg Cohen à la basse, Erik Friedlander au violoncelle), augmenté de Marc Ribot à la guitare, Joey Baron à la batterie, et
Cyro Baptista aux percussions, lesquels se produisent sous le nom de Bar Kokhba Sextet (c'est clair jusqu'ici?). Ce n'est qu'en 2004 que John Zorn commence à
composer le second Masada Book, "Book Of Angels", avec l'idée, avouons le un peu folle, de s'attaquer à l'écriture de 300 nouveaux morceaux s'ajoutant à cette oeuvre pourtant
déjà hors norme (Masada n'en comptait que 100....), eux même regroupés dans toute une série d'album réalisés avec des formations différentes.
Vous l'aurez compris, ce 10e volume à l'organigramme plus que respectable était très attendu et promettait, avant même sa publication, de nous en faire voir de toutes les couleurs. Et bien croyez
moi personne n'a été déçu. Ce disque est somptueux de bout en bout et vous fera passer des moments magiques dont vous ne vous détacherez plus. Je ferai d'ailleurs volontiers un parrallèle avec
l'album "Sabaly" de Cheick Tidiane Seck, tant dans les nuances apportées dans leur musique respective que dans l'envie flagrante de "bousculer" les codes établis, avec la manière
s'il vous plait. S'en avoir à forcer, tous les musiciens s'en donnent à coeur joie et prennent chacun leur tour de courts chorus alimentant à merveille les 10 titres du disque. Revenir dessus
pour en parler plus en profondeur ne serait pas utile. Tout est bon dans cet idiome savant. Virtuosité, simplicité du corps, respirations, constructions, prises de paroles, unicité. Je n'ai
finalement qu'un seul reproche à lui faire. Le léger manque d'improvisation (en partie dû à une écriture très calibrée du maestro en chef). J'aurais aimé que certains morceaux soient plus longs
afin que tous puissent s'y exprimer plus à souhait (un détail). Malgré tout c'est un sans faute qui raviera un panel d'auditeurs variés et nombreux. Succès garanti.