Un texte un peu long, qui m'a pris plusieurs jours et nuits de rédaction, (que j'ai mis aussi en pièce attachée pour celles et ceux qui préfèrent imprimer et lire plutôt que de lire sur un écran), mais assez aéré je pense, pour faciliter la lecture. Pour celles et ceux qui veulent, à débattre, à critiquer, ouvert aux suggestions, naturellement! publié aussi dans les lieux habituels.
Elodie
Les classes sociales en France aujourd’hui, les partis politiques et l’avenir du "mouvement" communiste
1. On ne parlera pas ici de "2012", de "droite" et de "gauche" ni de "sarkozysme", ou alors pas sans aborder la question de la représentation des classes et de la défense de leurs intérêts
Je préviens d’emblée celles et ceux qui voudraient me voir aborder la question de la présidentielle et des législatives de 2012 sur le mode convenu et électoraliste de passer leur chemin, ils ne trouveront pas cela dans ce papier.
Ils y trouveront en revanche peut être des pistes de réflexions, qui, éventuellement, pourront leur être utiles pour réfléchir à ce sujet, mais pas plus, car, si on ne peut pas complètement négliger la question de "2012", l’essentiel est bien ailleurs.
Car ce qui est certain , c’est qu’aborder le sujet de 2012 sans se poser la question de la représentation éventuelle du peuple, dans toute sa diversité sociale et culturelle, et donc, des classes sociales dont sont issues les votants (et les abstentionnistes ou non inscrits), et de la défense des intérêts des unes et des autres ne peut que mener à une impasse politique.
Loin de continuer à accréditer la fiction (au sens quasi-juridique du terme) d’une division de la vie politique entre "droite" et "gauche", au contraire, il nous faut, toutes et tous, faire les efforts nécessaires pour situer clairement les enjeux politiques actuels.
"Droite" et "gauche", je le dis depuis plusieurs années maintenant, ne sont plus (s’ils l’ont jamais été ) des critères pertinents pour déterminer un quelconque choix politique.
En effet, si la ligne de fracture de la société passe par l’exploitation de l’homme et la propriété du capital, et l’extorsion, au besoin armée (on le voit en Libye ou ailleurs) de toute plus-value, alors on sait qu’il y a "à gauche" de plus en plus de partis et de figures politiques qui ne remettent plus ces lignes de fractures en cause, ni de près ni de loin.
D’autres qui font semblant d’y apporter des "corrections" (tout en refusant de se positionner clairement par rapport au capitalisme).
Si l’on en reste au clivage "droite/gauche", qui est désormais presque exclusivement fondé sur des "valeurs" qu’on pourrait souvent qualifier de "droits-de-l’hommistes", on fait le lit du marais démocrate-chrétien, marais dont on doit bien constater qu’il permet la jonction de certaines fractions de "gauche" et de "droite".
La question du "vote anti-sarkozy" ne sera pas abordée non plus ici (je m’en suis déjà expliquée dans d’autres articles, le "sarkozysme" n’existe pas, c’est un cache-sexe pour "la gauche" justement et si notre objectif est seulement de "bouter Sarkozy" hors du gouvernement de ce pays, nous prenons plusieurs risques politiques conséquents).
Je ne dis évidemment pas non plus qu’il faut que cet individu soit maintenu au pouvoir. Je dis que la façon dont nous allons le chasser lui et les siens, et tous ceux de son espèce, représentants politiques directs du Capital, n’est pas anodine, est déterminante même, pour l’avenir et ne se fera certainement pas dans les urnes, et peut être même pas en 2012 d’ailleurs.
Ceux qui ne veulent pas voir cela, ou qui le voient mais jettent dessus un voile, "à gauche", se préparent des lumbagos terribles pour cause de contorsions foireuses d’entre-deux tours...On ne leur apportera pas la pommade!
In fine, ce petit article va donc plutôt traiter du renouveau de l’organisation des communistes, communistes qui, comme nous le savons ne sont évidemment pas "de droite" mais ne sont pas non plus "de gauche", puisqu’ils sont "communistes" et que cela dit tout (ce qui n’empêche nullement certaines alliances avec certains groupes ou partis à certaines occasions, sur certains sujets, le cas échéant, qui se réclameraient de "la gauche").
2. De quoi le gouvernement actuel est-il l’expression en termes de lutte de classe?
Voilà à dire vrai, la question qui me semble préférable à celle de savoir de quoi Sarkozy pourrait être le nom. (Cela me démangeait un peu).
Le gouvernement actuel est l’expression politique d’une alliance de la petite bourgeoisie exploitante et de la bourgeoisie, ou plus exactement d’une fraction de la bourgeoisie particulière qui est à la fois financière et compradore (les deux vont souvent ensemble ces dernières décennies), c’est à dire dont les acteurs tirent principalement leurs plus-values de la financiarisation et (alternativement ou cumulativement) de la vente des actifs " de l’Etat français" à l’impérialisme américain.
On pourrait les comparer d’une certaine manière, à des ferrailleurs, qui désossent les voitures et les revendent au poids du métal ou du plastique...
C’est une alliance étonnante et hautement contradictoire, car c’est en quelque sorte l’alliance du parasite et du parasité, puisque cette fraction de la bourgeoisie ne peut tirer ses profits que de la soumission et de la paupérisation de la petite-bourgeoisie exploitante qui est elle nécessairement "locale " et "nationale" et qui a tout intérêt à maintenir une forme de fordisme dans son exploitation (alors que la fraction de la bourgeoisie que représente cette ligne de l’UMP a tout intérêt à éradiquer jusqu’au fordisme lui-même).
C’est donc, en termes de lutte de classe, une alliance potentiellement explosive. Mais qui pour l’instant fonctionne car elle est faite "sur la peau" des exploités (et que ceux -ci ne sont ni représentés ni organisés).
On peut l’appeler "gouvernement de droite" si c’est ce que "la droite" recouvre comme réalité sociale ("la gauche" recouvrant alors l’alliance de la petite-bourgeoisie exploitante et de la petite-bourgeoisie exploitée, soutenue par une fraction du prolétariat).
Mais notons que l’expression "droite" ou "gauche" ne dit absolument rien de l’hégémonie dans l’union (or la détermination de la position hégémonique est fondamentale)....
La petite bourgeoisie exploitante a été portée là par la bourgeoisie, notamment par une fraction de celle-ci, qui voyait en elle le moyen d’obtenir le consentement populaire de la petite bourgeoisie exploitée et d’une partie du prolétariat susceptibles, pour des raisons économiques, sociales et culturelles, de venir en appui à des intérêts bourgeois.
Soit directement en adoptant volontairement des positions de classe bourgeoises (discours policier, sécuritaire, raciste et individualiste), soit indirectement en prenant pour argent comptant les pseudos-positions politiques de classe de la bourgeoisie vis-à-vis du prolétariat (l’OPA de Sarkozy sur une partie du prolétariat et sa tentative de récupération de la classe ouvrière, par exemple -tentative qui évidemment allait majoritairement échouer mais n’a été faite que pour convaincre la partie de la petite-bourgeoisie qui assumait son alliance avec les plus exploités du prolétariat).
C’est comme cela que l’on fabrique une majorité, c’est en liant par des positions politiques des classes sociales qui n’ont finalement que des intérêts mineurs et sporadiques en commun (voire qui auraient surtout des intérêts à long terme divergents!).
Mais ce que la bourgeoisie sait, et met en œuvre actuellement avec brio, c’est que si la majorité politique (pour eux principalement, mais aussi pour nous) est nécessairement composite et faite d’alliances avec des classes ou des sous-couches qui ont fondamentalement des intérêts communs restreints, voire divergents, ce pour quoi elle doit justement batailler ferme, c’est pour assurer son hégémonie dans cet assemblage hétéroclite.
Seule compte l’hégémonie dans l’assemblage. C’est le tour de force presque toujours renouvelé des capitalistes que de parvenir à être hégémoniques tout en étant strictement minoritaires, et ô combien minoritaires dans la société.
A ce titre et plus que jamais on peut dire actuellement que la bourgeoisie est une classe sociale numériquement archi-minoritaire, et relativement divisée, mais politiquement archi-hégémonique et capable d’alliances objectives.
Il y a travail de la bourgeoisie pour être hégémonique, et il y a consentement d’une grande majorité de la petite bourgeoisie et d’une fraction du prolétariat à cette hégémonie bourgeoise.
La question est de savoir comment la bourgeoisie parvient à cette hégémonie (et donc, corrélativement, au consentement des "autres" à cette hégémonie) tout en étant si strictement minoritaire.
Bien sûr, il y a la propagande, l’idéologie...on ne va pas revenir là-dessus ce soir car ce sont finalement les aspects les plus simples à comprendre et les plus saillants de la mise au pas, mais cela suffit-il?
Non. Le déterminant, ce sont tes conditions de vie immédiates, à toi et ta famille, tes amis, "l’essentiel" est dans ce que tu manges, ce que tu touches, ce que tu vois, ce que tu possèdes. Et tout cela, ce ne sont pas des "idées", MAIS CEPENDANT, c’est "la bataille des idées" qui y amène.
Sauf que pour eux, c’est un "acquis", pour nous, c’est un "à prendre" .
Plusieurs moyens, pour les capitalistes d’assurer matériellement leur hégémonie idéologique sur la petite bourgeoisie exploitante (et une partie de la petite-bourgeoisie exploitée).
En transférant la gestion, la "location", pourrait-on dire, d’une partie du Capital (dont les capitalistes restent propriétaires in fine, bien évidemment) à toute une partie de la petite-bourgeoisie, que ce soit directement par l’attribution d’actions, de parts sociales, de titres, de rentes.., que ce soit indirectement par la possibilité que la bourgeoisie leur offre de "commander" en son nom et d’être rétribué pour ce faire ; au niveau national ou local.
Directement aussi en faisant dépendre du maintien d’une forme de "capitalisme régional" la survie de ces mêmes petits-bourgeois exploitants. L’avocat d’affaires "provincial" qui ne sera plus rien, à terme, si Airbus se tirait de Toulouse, entraînant avec soi la grande majorité des PME du secteur. C’est le cas du "petit capital parasitaire du gros". Et ce n’est pas peu encore dans ce pays.
La petite-bourgeoisie exploitante assumant quant à elle une forme de contrôle de la petite-bourgeoisie exploitée et d’une fraction particulière du prolétariat (la "classe moyenne").
C’est par ce système de contrôles-gigognes, exactement comme dans les sociétés capitalistes où l’on peut contrôler 100% d’une "société petite-fille" avec seulement 20 % des parts de la "société mère", que fonctionnent les relais hégémoniques du Capital.
3. La question de l’hégémonie des communistes dans le prolétariat en cas d’alliance nécessaire, et ponctuelle, d’intérêts de classe différents
Le prolétariat, et parmi lui toute la fraction du prolétariat qui lutte plus ou moins consciemment contre le capitalisme, parfois avec les mauvaises armes, n’a pas de prébendes à offrir à la majorité de la petite-bourgeoisie.
Ou plus exactement devrais-je dire, exception faite de la partie du prolétariat qui était consciemment organisée dans le PCF et dont les castes dirigeantes successives ont permis à la petite-bourgeoisie (incarnée, notamment, mais pas seulement, dans le Parti socialiste), ces 40 dernières années, "d’union de la gauche" et "de programme commun" en "gauche plurielle", d’acquérir la plupart des "fiefs électoraux", seules "prébendes" dont cette image du prolétariat ait jamais pu se targuer.
Qu’y avait il d’autre à "offrir", me dit-on sans cesse, (puisque l’idéalisme est à bannir, que seul compte le matérialisme sauce stalinienne). "Nous avons troqué ce que nous avons pu dans les limites raisonnables pour juguler notre perte d’hégémonie".
Mais, surprise, cela ne "fonctionne" pas! La seule chose qui fonctionne avec cette méthode, c’est la descente aux enfers du PCF entant que tel.
Personne ne se demande plus d’où est venue cette "perte d’hégémonie".
Beaucoup considèrent que c’est une affaire réglée par l’explication de "l’effondrement de l’URSS".
Bien-sûr que l’effondrement de l’URSS a porté un coup dur (mais, je pense, surestimé, et surestimé à dessein) à l’hégémonie d’une partie du prolétariat (identifié dans le PCF et la CGT) sur le mouvement d’alliance avec d’autres fractions de la "classe populaire".
Mais est-ce l’explication déterminante?
Non.
Il faut tenter une autre analyse, une autre explication. Je la tente brièvement, sans prétendre qu’elle est juste, et encore moins qu’elle est la seule juste!
3.1. Détour par les 40 dernières années du PCF à nos jours
Le PCF, qu’on le déplore ou pas, là n’est pas la question, était "LE" Parti communiste pendant plusieurs décennies, au point d’être vu, à ses débuts comme le seul parti des communistes dans ce pays. On disait d’ailleurs simplement "Je suis membre du Parti" et tout le monde savait de quel parti vous parliez.
Cette perte d’hégémonie est directement liée à l’état de la lutte des classes en France reproduite (c’est bien normal) DANS le PCF .
Elle est malheureusement venue, non seulement d’un écroulement numérique de la classe ouvrière stricto sensu du fait des délocalisations et désindustrialisations (c’est ennuyeux pour un parti devenu "ouvriériste au sens le plus répugnant du terme), alliée, il faut le dire, à l"embourgeoisement" d’une partie de celle-ci (embourgeoisement par différents moyens dont les moindres n’étaient pas l’appartenance à l’encadrement syndical ou partisan, ou au"communisme municipal"), mais aussi de la difficulté, sinon du refus (ou carrément de la fermeture) de s’ouvrir au prolétariat exploité non-ouvrier, ainsi qu’à une partie de la petite-bourgeoisie exploitée, alors que dans un mouvement presque "naturel" (du point de vue des intérêts matériels cette fois) la partie de la classe ouvrière embourgeoisée qui restait au PCF (et en moindre mesure, dans la CGT), celle-ci a tendu vers des alliances avec la petite-bourgeoisie exploitante.
C’est ainsi que débutait dans les années 80 une réelle période de collaboration de classe entre une fraction du prolétariat et une fraction de la bourgeoisie.
Le PCF agonise donc d’un dommage collatéral de la lutte des classes, c’est à dire de la partie que le prolétariat le plus exploité a perdue contre le prolétariat le moins exploité dans ce parti.
Toute cette partie de la population méprisée ou méconnue et crainte par les nouveaux maîtres du PCF.
Les héritiers d’une partie de la classe ouvrière et une minorité du prolétariat non-ouvrier devenus ouvriéristes, qui ont vu dans la naissance du "prolétariat moderne" (les femmes, les immigrés et les jeunes - notamment ceux issus de l’immigration et/ou rejetons directs d’ouvriers qui ne voulaient pas l’être - qui devenaient employés de bureau, secrétaires, coursiers, balayeurs, manutentionnaires, vendeurs, caissières, serveurs, institueurs...) la contestation possible de leur hégémonie politique DANS l’appareil du PCF si jamais les portes leur étaient ouvertes. Et qui ont défendu (et défendent encore) leurs intérêts de caste au lieu de leurs intérêts de classe.
Bien-sûr pour nombre de militants de bonne foi au PCF, cela n’a pas forcément sauté aux yeux et cela se fit même grâce à eux mais pas forcément selon leur volonté directe.
Car le drame, c’est que cette partie de la "classe ouvrière embourgeoisée" était minoritaire dans le prolétariat, bien-sur, mais aussi dans la classe ouvrière elle-même qui elle, ne voulait pas de ce sectarisme et qui se foutait totalement des luttes de pouvoir internes au PCF. Elle s’est donc spontanément dirigée soit vers le RPR (par affection patriotique et mythlogique envers de Gaulle et celui que l’on pensait être son héritier, Chirac) soit vers le PS, mais aussi déjà, vers l’abstention.
Bon nombre d’ouvriers alors n’ont pas compris comment et pourquoi le PCF ne parvenait pas à assimiler les nouveaux développements de la société du travail dans sa composition.
Pourquoi les travailleurs immigrés étaient considérés comme des ennemis de "la classe ouvrière française" par certains membres dirigeants du PCF ; pourquoi les jeunes et les femmes n’avaient pas plus de représentants dans ce parti, et pourquoi, quand ils avaient des représentants, ceux-ci étaient incapables de discours d’émancipation du sous-groupe qu’ils représentaient.
Mai 68 aura été lé dernier message que le prolétariat moderne adressa au PCF.
La perte d’hégémonie vient aussi naturellement de la perte de travail créatif idéologique, de l’absence de projet politique (remplacé par des "programmes"), de la négation du besoin de rêver, d’espérer, de se projeter dans l’avenir, de la part de ceux-là mêmes qui devaient le faire absolument.
3.2 Sur quelques tentatives politiques récentes
La suite on la connaît, la classe ouvrière aujourd’hui constitue l’immense majorité de l’abstention aux élections quelles qu’elles soient, mais tragiquement, aussi (pour l’instant en tout cas), elle connait une abstention de la vie politique même, contrairement au mythe complaisamment rapporté à "droite" et "à gauche" qui veut qu’elle se soit majoritairement tournée vers les forces néo-fascistes.
A ce triste sort politique (et social) de la classe ouvrière s’ajoute aujourd’hui, 30 ans plus tard, celui d’une grande partie du prolétariat non-ouvrier et de la petite-bourgeoisie exploitée, en voie de dépolitisation pour une part, ou de reprise en main par les représentants de la démocratie-chrétienne en France, après l’échec de la social-démocratie incarnée dans le PS et la CFDT , SOS-racismes, ou autres, d’autre part.
De ce point de vue, il est évident que tant le PCF que le PS sont des forces politiques à bout de course et en voie d’extinction à moyen voire à court terme.
L’histoire ne repasse pas deux fois les plats et à moins d’être idiots, le prolétariat et la petite-bourgeoisie exploitée ne s’investiront plus politiquement dans aucun de ces partis. "Chat échaudé craint l’eau froide".
La question du renouveau de l’organisation communiste (et révolutionnaire) est donc plus que jamais au cœur de la question (sauf si l’on s’assoit sur son cul en se disant "tout est foutu", la tête entre ses mains), et ce qui est au coeur de cette réorganisation, ce sont les rapports que peuvent et doivent entretenir cette fraction du prolétariat (ouvrier et non-ouvrier) et de la petite-bourgeoisie exploitée, au-delà des éventuelles différences de revenus, de nationalités, et de cultures (au sens large) entre certains de leurs sous-groupes.
Comment pouvons-nous créer du lien entre ces diverses classes et sous-groupes sociaux et comment pouvons-nous entraîner une force en mouvement, en travaillant à y construire notre hégémonie, nous qui n’avons aucune de ces prébendes que les capitalistes ont à offrir directement ou indirectement? Et dans le "comment" posé de la sorte, il n’y a pas que la question du moyen qui est posée (car non "tous les moyens ne sont pas bons") mais celle du contenu qui à la fois construit et utilise le moyen.
* Le NPA a été une tentative intéressante de ce point de vue.
Je ne suis pas devin pour dire si cette tentative a échouée ou pas, car il faudrait être un peu prétentieux pour dire que l’histoire du NPA est finie. Je dis "il a été une tentative" car pour l’instant, cette tentative me semble en panne, pour le moins. Non pas du tout par "sectarisme" ou "personnalisation", comme se complaisent à dire certains, mais justement parce que le NPA paie son erreur fondatrice d’avoir laissé entrer des ennemis manifestes de toute tentative d’émancipation des exploités quels qu’ils soient.
Des ennemis qui ne veulent pas de l’organisation réelle des exploités du prolétariat et de la petite-bourgeoisie, et qui veulent encore moins de leur coalition, parce que cela signifierait la perte de leurs positions sociales, ces positions qu’ils détiennent indirectement de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie exploitante.
Le NPA vit donc actuellement un épisode de lutte de classes politiques en son sein. Épisode dont il n’est pas parvenu à se prémunir, mais dont il aurait pu se prémunir dès l’origine en "triant" ses adhérents (on peut le faire et ce n’est pas choquant si ce tri consiste à pouvoir évacuer les forces qui ne veulent manifestement entrer que pour vous tuer), en refusant le mythe du "droit de courant organisé et constitué" qui est le contraire de la démocratie prolétarienne, et en s’ouvrant, non à des forces coalisées dès l’origine contre lui, mais à tous les prolétaires et petits-bourgeois exploités qui souhaitaient le rejoindre de bonne foi (ce qu’il avait la possibilité de faire par son assise syndicale et paar la popularité dont jouissait son leader d’alors, Olivier Besancenot).
Car le NPA a permis de créer au moins une nouveauté politique réelle dont il faut lui être reconnaissant.Je veux parler de la candidature d’Ilham Moussaid. Cette candidature qui a fait grimper aux rideaux des gens comme Mélenchon ou Chevènement, mais aussi, une fraction du NPA, et qui était pourtant un acte formidable et un souffle d’air frais dans la pratique politique de ce pays.
Les forces réactionnaires qui ont gueulé contre cela dans le NPA jusqu’à créer une crispation énorme qui a abouti à une décision dommageable de reprise en main centralisatrice grossière (mais inévitable) quelles sont-elles? Où sont-elles et d’où viennent-elles? Sont-elles toujours là ou ont-elles quitté ce parti?
Cela, il serait extrêmement intéressant de le savoir pour pouvoir envisager l’avenir du NPA à court terme. Si ce noyau purulent de petite-bourgeoisie réactionnaire bien-pensante est resté dans le NPA et a conquis davantage de positions, c’est dramatique pour l’avenir de ce parti. Si en revanche, ce congrès a été l’occasion de trancher dans le vif les positions avancées de l’hydre nationaliste et républicaine, alors tant mieux, il se passera peut-être quelque chose au NPA encore une fois.
* Le Parti de Gauche (nous parlerons du "Front de gauche" ensuite), alors, est-il à même de prendre une quelconque relève d’organisation vis-à-vis de ces couches sociales et de ces classes qui ont quitté le PC et le PS, ou que le PCF a "manquées"?
Le Parti de Gauche fait très bien semblant de pouvoir assumer cette relève. Mais la réalité c’est qu’il ne le peut pas. Il le peut encore moins que le NPA. Ceux qui quittent le NPA pour aller au Parti de Gauche sur ce motif font donc doucement rigoler.
Il ne le peut pas pour une raison simple qui est inscrite dans sa fondation soi-même : il ne le voudra pas, et c’est son socle sociologique, de classe, qui va l’en empêcher.
Ce parti est en effet né en étant dès l’origine un parti d’élus d’une part (et d’élus ex-PS ex-PC ou ex-Verts, ce qui en dit long sur son "assise populaire"), mais aussi de cadres syndicaux bureaucratisés (tous les cadres syndicaux ne le sont pas) et enfin, d’universitaires ou de chercheurs. Voilà la composition sociale majoritaire du Parti de Gauche dont la plupart des cadres sont en outre déjà des "quinqas" vieux "routiers" de la politique politicienne, quasi exclusivement blancs, et toutes et tous français, par naissance ou par naturalisation.
D’autant que les verrous idéologiques puissants sont d’ores et déjà à l’oeuvre : il s’agit du républicanisme dans sa forme la plus réactionnaire issue de la troisième république (république qui, rappelons-le, est née en réprimant dans le sang la Commune et a fini dans les cendres nauséabondes de la collaboration et du pétainisme) et d’une forme de nationalisme laïcard (qui ne signifie pas "laïque"), importé avec ceux qui les professent et qui ont bâti ce parti, sans parler de la course éperdue et avouée à un "renouveau social-démocrate" perdu d’avance en l’absence d’assise ouvrière et "populaire".
J’ajoute que si le financement et les bases matérielles et militantes du NPA sont relativement transparents et viennent en grande partie de feu la LCR (et de ses satellites), on ne peut pas en dire autant pour le Parti de Gauche dont on ne sait pas dire ce qu’il doit au PCF et ce qu’il doit au PS...Il est donc assez simple ( beaucoup plus simple que pour le NPA, serai-je tentée de dire) de voir comment va évoluer ce parti si on veut ouvrir les yeux.
* Le Front de Gauche, envisagé comme le "rassemblement" du PCF du Parti de Gauche et de deux ou trois autres petits groupuscules sera-t-il cette voie nouvelle?
D’aucuns le pensent, qui attendent de pouvoir adhérer directement à ce Front de Gauche et de pouvoir hâter sa transformation en parti à part entière. Je leur souhaite bien du plaisir. si une telle chose devait advenir (ce qui est rien moins que sûr), cela naitrait sur le pire compromis possible de la petite-bourgeoisie contre la majorité du prolétariat, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus poussées à leur paroxysme.
* Je ne parlerai pas ici de la FASE ni de la Gauche Unitaire, micro-rassemblements plus proche du groupuscule que du parti politique qui n’ont été créés que pour servir une poignée d’ex-élus ou d’élus ou de bureaucrates en "attente" de plate-forme partisane plus "conséquente" pour leurs appétits... Ce n’est pas par leur taille, réduite, qu’ils sont inintéressants, c’est la conjonction de leur taille, de leurs objectifs, de leurs "cadres", oui porte-paroles, et de leurs expressions "politiques", qui les rend périmés avant même d’être réellement nés.
3.3 Par quels moyens et sur quelles bases les communistes peuvent-ils reconstruire une organisation et travailler à la conquête idéologique?
Le challenge pour les communistes, dans leur quête de construction d’une nouvelle organisation politique, est donc à plusieurs niveaux.
Et ce défi, c’est celui des communistes mais à travers eux, (qui ne sont finalement que des exploités plus conscients que d’autres de l’être, et plus désireux que d’autres de ne plus être soumis), à travers eux, c’est le défi d’un peuple, du peuple -classe, et de la perspective révolutionnaire.
Ce défi, il est d’abord, me semble-t-il (mais je suis loin d’être la seule à le penser), de travailler à la CONSTRUCTION (et non à une hypothétique "REconstruction") d’une organisation politique propre aux communistes, et à retravailler à "l’outil-parti".
Puis, et dans le même temps, au sein même de l’organisation d’un mouvement politique plus vaste où ce nouveau parti ou rassemblement trouverait sa place, de permettre enfin ces alliances nouvelles, entre certaines couches sociales et certaines fractions de classe dans leur diversité telles que définies plus haut, à savoir, pour résumer, la majorité des "exploités".
Or, comment permettre ces alliances autrement qu’en commençant par construire plus ou moins localement des socles populaires de cette alliance (il va de soi que toutes les tentatives de construction "entre partis" sont à proscrire! Ce sont les seules tentées dernièrement, on voit où elles mènent)?
De définir ensuite ce qui peut permettre l’alliance de ces classes et de ces sous-couches : va-t-on s’en tenir à la énième promesse de se "partager le gâteau du pouvoir républicain" ou va-t-on avoir autre chose à proposer, et dans ce cas, quoi?
De se donner les moyens, également, dans cette alliance, d’assurer l’hégémonie du prolétariat le plus exploité sur le reste de ses partenaires (nullement en les dupant ou en les trahissant mais en se donnant les moyens concrets et en les mettant face à leurs contradictions qui les obligent à choisir leur camp).
Et ce de façon ni autoritariste, ni consumériste.
Par la même occasion, de faire tout notre possible pour porter les contradictions internes à la bourgeoisie et à ses alliés objectifs à leur paroxysme en réalisant, justement, ces alliances non encore abouties dans la lutte contre le capitalisme, et en politisant le prolétariat, c’est à dire en l’aidant à se constituer comme force politique dominante dans "le peuple".
Il me semble que certains chantiers sont plus urgents et aussi plus à même que d’autres de se prêter à ces constructions aujourd’hui ; je vais en lister quelques-uns.
J’en vois trois groupes principaux.
3.3.1.
Ceux qui portent sur le salaire et les conditions de travail bien-sûr, notamment sur les luttes pour la préservation et le développement de la qualification professionnelle (contre le "salarié interchangeable et jetable" mais aussi, contre la division du travail telle que nous la connaissons). Ce chantier doit être l’occasion de remettre au cœur des débats la question de l’abolition du salariat (ce que nombre de camarades syndiqués n’ont jamais cessé de présenter comme une exigence d’ailleurs). De même qu’il nous faut réfléchir sur la politique dite de "sécurisation", la mise en place de nombreux moyens et systèmes "d’atténuation" des "méfaits du capitalisme"...
Puis, (et sans ordre de "préférence" ais sans exclusive non plus), ceux qui portent directement sur les conditions de vie matérielle, d’une part, et ceux qui portent que les conditions de vie sociales et spirituelles permettant de combattre pour les droits "matériels" d’autre part.
Dans ces deux derniers groupes de luttes cités, je donne trois "sous-groupes fondamentaux" dans chaque groupe :
3.3.2
C’est le militantisme pour le plafonnement des loyers et l’interdiction de la propriété immobilière spéculative ou au titre de la plus-value, mais aussi, le droit de réquisition populaire et la défense des occupations qui doivent être au cœur des combats.
La lutte pour son financement (qui implique donc une remise en cause de la destination de l’impôt public), et pour son extension au plus grand nombre, en lien avec le travail, qu’il soit déclaré ou pas.
Il est parfaitement anormal et aberrant que des travailleurs immigrés, dont le système d’Etat organise la clandestinité et donc la précarisation et donc, la surexploitation, se fassent exploiter, sans avoir le droit de se faire soigner au même titre que tous les travailleurs français.
La préservation de l’environnement, de la faune, de la flore, est aujourd’hui intimement liée à celle de notre santé immédiate, et vice-versa. Et là encore, il y a à mettre en lumière le rôle et les mécanismes particuliers du capitalisme, pour mieux le combattre.
3.3.3
Mais également, la lutte contre la criminalisation des combats politiques et syndicaux, et contre toute forme "d’état policier" que se soit dans les rues ou sur le net, et évidemment, dans le cadre de la solidarité internationale.
De nombreux foyers locaux de résistance et solidarité sur ce point sont déjà créés sur ce sujet.
Si nous parvenons à construire une organisation "à plusieurs strates" qui atteint ces buts, qui les développe dans un projet politique au sens le plus beau et le plus fort du terme, appuyé par un programme économique qui les mette en œuvre (y compris de façon très locale pour commencer), sans jamais bien sûr, perdre de vue l’objectif communiste, et si nous parvenons à la faire vivre au-delà de nos intérêts immédiats, alors nous-mêmes, peut être, mais plus sûrement, nos enfants et petits-enfants auront-ils une chance d’être à peu près armés quand se présentera à eux une situation possiblement révolutionnaire.
Ce qui pourrait arriver assez rapidement à l’échelle de l’humanité.
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article114023