Pour durer, un champion doit rester au top techniquement et physiquement.
Mais, pour résister à la pression médiatique, c'est surtout mentalement qu'il lui faut être solide. Plus son passage sous les feux de la rampe est précoce et soudain, plus son cuir doit être
épais. Cette semaine, le hasard a fait se croiser dans les colonnes de notre quotidien sportif national deux destins, illustrant chacun à leur manière cet aspect nouveau du job de sportif de haut
niveau.
Tom Boonen, champion cycliste et héros des Flandres. L'homme, qui en réalisant en 2005 à 25 ans le doublé Ronde /
Paris-Roubaix, réussit alors à éclipser la disparition et l'enterrement du pape Jean-Paul II dans la presse belge. Trois saisons plus tard, le toujours jeune héros n'a rien perdu de ses qualités
sur sa bécane, mais a le moral dans les socquettes. Laminé par l'attention démesurée que porte la presse du pays du vélo-roi à sa vie publique, mais surtout à ses revers sentimentaux. Lui, dont
la fraîcheur était la force, semble avoir pris deux décennies en deux ans et traverse sans doute le pire moment de sa carrière, si ce n'est de sa vie d'homme…
Jo-Wilfried Tsonga, nouvelle idole du tennis français. En faisant tomber les têtes de séries avec autant d'entrain que Saint-Just
et Robespierre réunis pendant la Terreur, le colosse du Mans a conquis l'Australie. "Jo-Wil" comme l'ont surnommé les spectateurs de l'Open de Melbourne, a littéralement pris les colonnes des
journaux d'assaut. On y vante la simplicité et le bon esprit du tombeur de Nadal, sa sympathie, son plaisir de jouer, bref, cette fameuse "fraîcheur" qui semble désormais faire défaut au roi des
monts et des pavés.
Gare au retour des antipodes ! Il faudra une sacrée force mentale à la révélation de l'open d'Australie pour résister à l'accueil
qui l'attend. Comme un navigateur solitaire de retour à terre, qui après avoir passé des semaines à parler à son mât se voit soudain dans l'obligation de s'épancher devant une forêt de micros,
Tsonga devra être inébranlable face au rouleau compresseur médiatique. Autant dire que le plus dur commence pour lui, dans le dur apprentissage du métier de champion du XXIe siècle. Plateaux de
télévision, radios, internet, journaux, torche-culs people… : si les petits cochons ne le mangent pas, Jo-Will, c'est sûr, on en reparlera !