“Près de quarante ans après le lancement de la “guerre” contre le cancer par Richard Nixon en 1971, cette maladie est devenue le fardeau de nos sociétés industrialisées. Comment en est-on arrivé là ? Si la question impose de revisiter l’histoire de cette recherche, elle conduit à une autre interrogation. Pourquoi les stratégies menées dans cette “guerre” ont-elles privilégié le “tout thérapeutique” au détriment de véritables politiques de prévention ? Une réflexion indispensable au moment où s’achève en France le premier plan cancer et où se prépare le second.”
La guerre contre le cancer, le film des excellents documentaristes Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, déjà diffusé dans près de 22 pays, lauréat des étoiles de la SCAM en 2007, va enfin être montré en France.
Pour les Parisiens, une projection aura lieu mercredi 30 janvier à 18h30 à Science Po. Elle sera suivie d’un débat animé par Didier Tabuteau, directeur de la Chaire santé de Sciences Po ; Christian Saout, président du comité interassociatif sur la santé (CISS) ; André Cicolella, toxicologue et membre de l’Alliance pour la planète. De nombreux scientifiques seront également présents. Si vous souhaitez vous inscrire, téléchargez ici le document contenant toutes les informations.
Le film sera diffusé sur France 2 le 7 février 2008, en deuxième partie de soirée.
La guerre contre le cancer (2006), 72 mn. Documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, produit par Point du jour, les Productions Virage avec la participation de France 2 et France 5. Infrarouge, France 2, le jeudi 7 février 2008.
Résumé du film
« C’est un peu comme si, chaque jour, une tour du World Trade Center s’écroulait en une boule de feu ». C’est par une image saisissante que Clifton Leaf, sur le toit de son immeuble New-Yorkais, dépeint la réalité du cancer dans son pays. L’image fait frémir, les chiffres en donnent la mesure : au cours de sa vie, un homme sur deux est confronté à la maladie, une femme sur trois…
Le cancer est aujourd’hui une épidémie qui ne cesse de s’étendre, il est devenu le premier problème de santé publique du monde industrialisé.
Qui aurait pu penser, il y a trente-cinq ans, que nous serions confronté à une telle situation ? L’heure était aux discours optimistes, aux déclarations fracassantes. Quand le 23 décembre 1971, Nixon lance solennellement “la guerre au cancer”, il débloque des millions de dollars pour la recherche. Son but : terrasser le mal avant le bicentenaire de la Déclaration d’Indépendance, en 1976.
La course était lancée, mais la course était marquée du péché d’orgueil. Car le temps de la recherche n’obéit pas aux impératifs de l’agenda politique et la chronique d’une victoire annoncée s’est transformée en cruelle leçon d’humilité.
Près de quatre décennies plus tard, les soins apportés aux malades sont mieux adaptés certes, les traitements moins lourds, la connaissance de la maladie infiniment plus précise… mais la recherche du traitement « miracle » n’a pas abouti.
L’humilité conduit donc à interroger cette stratégie du « tout-thérapeutique » pour lutter contre le cancer. D’autres voix, d’autres scientifiques, se font entendre : au lieu de tout miser sur la recherche de nouveaux traitements, ils s’interrogent sur les causes du cancer et réclament une véritable prise en compte des facteurs de risques environnementaux.
Par ces questions, la guerre contre le cancer a gagné un autre front. Avec ceux qui l’animent, le cancer quitte la sphère de santé publique pour devenir un problème de société .
Doit-on changer l’homme (son comportement, ses gènes…) ou bien doit-on changer la société (l’environnement) : question cruciale pour le siècle qui s’ouvre.
Note d’introduction
Il vient de revêtir sa blouse blanche et s’est assis derrière son bureau contemporain. David Khayat, (alors directeur de l’Institut National du cancer), nous dit en préambule : “Une femme sur trois aura un cancer, un homme sur deux.
Ici dans cette pièce, nous sommes deux hommes, ça va tomber sur un des deux”.
Voilà qui jette un froid. Et nous voilà au cœur du sujet.
Un homme sur deux, une femme sur trois. Deux millions de héros. 800 000 Français qui se battent contre un cancer.
Voilà les chiffres que l’on nous lance, que l’on répète, qui finissent par s’inscrire dans le paysage comme une banalité. La banalité des chiffres dessine aussi une forme de fatalité.
Après nous avoir fait croire au traitement miracle pour demain, on nous demande de croire à la fatalité de l’épidémie.
Mais cette “fatalité” ne peut-elle être évitée?
Cette interrogation nous impose de reprendre l’histoire de la lutte contre le cancer, de la revisiter à l’aune de la catastrophe possible, de s’interroger sur sa conduite et sur l’emploi des milliards de dollars qui y ont été affectés. Elle soulève les problèmes de responsabilités des pouvoirs publics en matière de santé, pour ne pas dire de leur manque de courage ou de leur aveuglement, des relations forcément contraintes entre les chercheurs et leurs sources de financements, de la liberté de la recherche enfin, quand seule la vérité officielles est admise.
Enfin chaque guerre a ses combattants “courageux” (ne parlons pas ici de “héros”) : nous associerons dans la même image le visage lumineux de Rita, qui vit avec son cancer depuis 32 ans, et le sourire malicieux de Clifton, lui aussi rescapé, lui aussi combattant toujours debout. Tous deux, par leur force, par leur énergie déployée pour que les choses changent, pour ce qu’ils ont surmonté, nous donnent aussi des raisons d’être optimistes.
Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade
Les réalisateurs
Journaliste, Sylvie Gilman a travaillé pendant près de dix ans au magazine « Saga Cités » (France 3), pour lequel elle a réalisé une trentaine de reportages de 26 mn, comme Danièle, prix spécial du jury au FIGRA 1995. Elle s’est ensuite tournée vers le documentaire. Elle a réalisé Le Procureur, le voleur et son voisin (52 mn, 2003) et, avec Thierry de Lestrade, Mémoire de sauvageons (52 mn, 2002). De son côté, Thierry de Lestrade a réalisé une quinzaine de documentaires. Nombre d’entre eux ont été primé, comme La Justice des hommes, pour lequel il a reçu le prix Albert Londres en 2002. Il écrit aussi des scénarios et a publié un roman, Les passeurs d’anges, aux éditions du Seuil, en 2004.
À noter : Sylvie et Thierry viennent de terminer un documentaire de 52 mn sur la thématique des perturbateurs endocriniens, Mâles en péril, qui sera bientôt diffusé sur Arte. Les informations seront communiquées sur ce blog le moment venu.